Page:Zola - Vérité.djvu/703

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écoutez-moi, écoutez-moi, je vais tout vous dire !

Et il se mit à nu devant le peuple assemblé, il dit sans rien taire ses appétits énormes, gros mangeur, gros buveur, hanté dès l’enfance d’immonde lubricité. Enfant, malgré sa vive intelligence, il ne travaillait pas, toujours en escapade, en maraude, culbutant déjà les petites paysannes dans les foins. Son père, Jean Plumet, était un ancien braconnier, dont la comtesse de Quédeville avait fait un garde-chasse. Lui, Georges Plumet, avait eu pour mère une rôdeuse, engrossée par le braconnier au fond d’un fossé, disparue plus tard en laissant l’enfant. Et il revoyait son père mort, rapporté sur une civière dans la grande cour de Valmarie, la poitrine trouée par les deux balles d’un braconnier, un ancien camarade. Ensuite, il avait grandi avec le petit-fils de la comtesse, Gaston, un gamin indomptable, qui, lui aussi, préférait à l’étude, les fillettes errantes dont on retrousse les jupes, les nids de pies qu’on déniche en haut des peupliers, les écrevisses qu’on va, tout nu, chercher dans les trous, au fond de la rivière. C’était alors qu’il avait connu le père Philibin, précepteur de Gaston, et le père Crabot, superbe, en pleine force et en plein éclat, adoré de la comtesse de Quédeville, maître déjà du domaine de Valmarie. Et il conta brusquement, brutalement, la mort de Gaston, le petit-fils, l’héritier, cette mort à laquelle il avait assisté de loin, dont il gardait depuis tant d’années le secret terrible, l’enfant poussé à la rivière, noyé comme par accident, pendant une promenade, ce qui, quelques mois plus tard, devait amener la comtesse à faire au père Crabot le don légal et définitif du vaste domaine.

Gorgias se battit la poitrine avec un redoublement de fureur, la voix brisée de sanglots, éperdu de contrition.