Page:Zola - Vérité.djvu/708

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auxquels ils m’ont réduit, les exécrables fautes nouvelles qu’ils m’ont fait commettre. Tu as su encore leur basse avarice, le morceau de pain qu’ils m’ont refusé, qu’ils me refusent encore, après avoir été les conseillers et les complices de ma vie entière… Car, tu étais toujours présent, ô mon Dieu ! ils avaient lié partie avec moi, je n’ai fait que leur obéir depuis mon crime, je ne l’ai aggravé de nouveaux crimes que par eux et pour eux. Sans doute, il s’agissait de sauver ta sainte Église du scandale, et j’aurais donné mon sang, ma vie. Mais eux songeaient surtout à sauver leur peau, c’est ce qui m’a enragé et poussé à tout dire… Et, maintenant, ô mon Dieu ! que j’ai été ton justicier, la bouche de violence ouverte par toi, afin de crier leurs fautes ignorées, impunies, vois toi-même si tu dois leur pardonner ou les foudroyer de ta colère, devant ce peuple de pourceaux qui affecte d’oublier ton nom, et dont l’enfer ne sera jamais assez grand pour griller les chairs sacrilèges.

De formidables huées l’interrompaient à chaque phrase, des pierres passaient de mains en mains et commençaient à voler autour de sa tête. Certainement, la grille n’aurait pas résisté davantage, une dernière poussée géante allait l’abattre, lorsque Marc et ses aides réussirent à saisir de nouveau Gorgias, à l’arracher, à l’emporter au bout du jardin, derrière la maison. Il y avait là une porte de sortie donnant sur une ruelle déserte ; et le misérable, au bout d’un instant, fut emmené, chassé au loin.

Mais ce qui calma soudain la foule toujours grondante et déchaînée, ce furent, dominant bientôt les cris de colère, des cris de joie et de glorification, dont les ondes gagnaient de proche en proche, du lointain ensoleillé de la nouvelle avenue. Simon, reçu à la gare par la délégation du conseil municipal, arrivait dans un grand landau, lui et son frère David assis sur la banquette du fond, ayant en face d’eux l’avocat Delbos et le maire Léon