Page:Zola - Vérité.djvu/722

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

agonisait sous l’écroulement de son dogme imbécile, lézardé, détruit par la science. La vérité avait vaincu, l’école à tous et pour tous faisait des hommes qui savaient et qui voulaient.

Aussi n’était-il plus de jour où Marc ne constatât une conquête heureuse, un élargissement de raison et de bien-être. Lui seul restait debout de sa génération vaillante, qui avait tant combattu, tant souffert. Le bon Salvan s’en était allé le premier, puis Mlle  Mazeline et Mignot l’avaient suivi. Mais, de toutes ces morts, les plus douloureuses pour Marc venaient d’être celles de Simon et de David, les deux frères, emportés à quelques jours de distance, comme dans le lien étroit de leur fraternité héroïque. Mme  Simon les avait précédés, tous les acteurs de la monstrueuse affaire étaient maintenant sous la terre paisible, couchés côte à côte, les bons et les méchants, les héros et les criminels, en l’éternel silence. Beaucoup même des enfants, des petits-enfants, disparaissaient avant les pères, car la mort faisait sans repos son œuvre ignorée, fauchait des hommes comme pour fertiliser le champ où d’autres hommes pousseraient. Et Marc, abandonnant Jonville, était venu avec Geneviève occuper à Maillebois le premier étage de la maison votive, passée aux mains de Joseph et de Sarah, le fils et la fille de Simon. Sarah et son mari Sébastien habitaient toujours Beaumont, où ce dernier continuait à diriger l’École normale. Mais Joseph, les jambes prises, presque infirme, avait dû se résigner à la retraite ; et, sa femme Louise ayant quitté avec lui l’école de Maillebois, tous deux s’étaient installés au second étage de la maison, que la famille se partageait ainsi, heureuse de cette réunion dernière aux heures finissantes et douces de la vieillesse. D’ailleurs, ils semblaient ne s’être pas retirés tout à fait de l’enseignement, ils avaient la joie d’y poursuivre la bonne besogne par leur descendance, car