Page:Zola - Vérité.djvu/724

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soulevait, car elle n’était pas la seule frappée ; cette démence du père n’allait-elle pas être un désastre pour leur fille Rose, qui aurait bientôt douze ans ? Un instant, elle voulut faire appel à son père et à sa mère, Sébastien et Sarah, afin qu’ils fussent juges des décisions qu’elle avait à prendre. Elle parla de séparation, elle préférait rendre libre ce mari qui ne l’aimait plus et lui mentait. Mais elle était très calme, très farine, d’une raison parfaite, et elle comprit, pour cette fois, la sage nécessité de pardonner. De leur côté, Marc et Geneviève, désespérés de cette désunion, avaient sermonné longuement leur petit-fils François. Il montrait un grand chagrin, il reconnaissait tous ses torts, acceptait les plus violents reproches ; et, dans cet aveu de ses fautes, le pis était son effarement, son air douloureux, son évidente crainte d’être repris et de céder encore. Jamais Marc n’avait senti si cruellement la fragilité du bonheur humain. Il ne suffisait donc pas d’instruire les hommes, de les mener à la justice par le chemin de la ; il fallait encore que la passion ne les déchirât pas, ne les jetât pas les uns contre les autres, comme de pauvres fous. Pendant toute une vie, il avait lutté pour qu’un peu de lumière tirât les enfants de la geôle obscure où les pères avaient gémi, et il croyait ainsi avoir donné plus de bonheur aux siens en en donnant aux autres ; et voilà qu’au foyer de son petit-fils, si libéré de l’erreur, l’air si raisonnable, une autre souffrance recommençait, l’éternelle félicité et l’éternelle torture de l’amour ! Il ne fallait pas être orgueilleux de son savoir ni mettre toute sa force en lui. Il fallait encore être prêt à souffrir de son cœur, le rendre vaillant contre l’arrachement toujours possible, ne pas croire qu’il suffit de faire le bien pour être à l’abri des blessures du mal. Et Marc avait beau se dire ces choses, se faire modeste devant sa tâche accomplie, il n’en était pas moins profondément