Page:Zola - Vérité.djvu/86

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avec des détails immondes. Zéphirin était mort étranglé, ainsi que l’indiquaient, à son cou, les dix doigts frénétiques marqués en trous violâtres. Et les obsèques venaient d’être fixées à l’après-midi, on faisait des préparatifs pour leur donner une solennité vengeresse, les autorités y assisteraient, disait-on, ainsi que tous les petits camarades, l’école des frères au grand complet.

Marc, repris de souci, passa donc une matinée mauvaise. Il ne retourna pas tout de suite chez Simon, se proposant d’y aller seulement le soir, après le convoi. Il se contenta de se promener au travers de Maillebois, qu’il trouva comme assoupi, gorgé d’horreurs, dans l’attente du prochain spectacle. Et il s’était un peu remis, il achevait de déjeuner avec ces dames, égayé par le babil de sa petite Louise, très en fête ce jour-là, lorsque la servante Pélagie, qui apportait le dessert, une belle tarte aux prunes, ne put se tenir de dire sa grosse joie.

— Vous savez, madame, on est en train de l’arrêter, ce brigand de juif… Enfin, ce n’est pas malheureux !

Très pâle, Marc demanda :

— On arrête Simon, comment le savez-vous ?

— Mais toute la rue le dit, monsieur. Le boucher d’en face vient de courir, pour voir.

Marc jeta sa serviette, se leva et sortit, sans toucher à la tarte. Ces dames restèrent suffoquées, blessées d’un tel manque de savoir-vivre. Geneviève elle-même parut mécontente.

— Il devient fou, dit sèchement Mme Duparque. Ah ! ma chère petite, je t’avais bien prévenue. Où il n’y a pas de religion, il n’y a pas de bonheur possible.

En effet, dans la rue, Marc vit qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire. Tous les marchands étaient sur leurs portes, des gens galopaient, on entendait des exclamations, un flot montant de cris et de huées. Et il se hâtait, il prenait la rue Courte, quand il aperçut les