Page:Zola - Vérité.djvu/94

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Le soir, après le dîner muet, en compagnie de ces dames, dans la petite maison froide, lorsque Marc se retrouva au lit, avec Geneviève, celle-ci qui le voyait désespéré, le prit doucement, d’une étreinte d’amante, et se mit à fondre en larmes. Il en fut touché infiniment, car il avait senti, ce jour-là, entre eux, comme un ébranlement léger, un commencement de séparation. Il la serra sur son cœur, ils pleurèrent ensemble, longtemps, sans parler.

Puis, d’une voix un peu hésitante, elle finit par dire :

— Écoute, mon bon Marc, je crois que nous ferions bien de ne pas rester davantage chez grand-mère. Nous partirons demain.

Très surpris, il la questionna.

— Est-ce qu’elle aurait assez de nous ? est-ce que tu es chargée de me prévenir ?

— Oh ! non, non !… Au contraire, ça désolerait maman. Il faudrait inventer un prétexte, nous faire envoyer une dépêche.

— Eh bien ! alors, pourquoi ne point passer ici notre mois entier, comme d’habitude ? Sans doute, il y a quelques froissements, mais je ne me plains pas.

Geneviève demeura un instant gênée, n’osa confesser sa sourde inquiétude de s’être sentie détachée un peu de son mari, tout un soir, dans l’air d’hostilité dévote où la faisait vivre sa grand-mère. Il lui avait semblé que ses idées et ses sentiments de jeune fille lui revenaient, la heurtaient contre sa vie actuelle d’épouse et de mère. Mais c’était là un frisson à peine, et elle redevint gaie et confiante, sous les caresses de Marc. Près d’elle, dans le berceau, elle entendait le doux souffle régulier de sa petite Louise.

— Tu as raison, restons ici, et fais ton devoir comme tu l’entendras. Nous nous aimons trop pour ne pas être heureux toujours.