Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/100

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sche : « Pour une tâche dionysiaque, la dureté du marteau, la joie même de la destruction, font partie, de la façon la plus décisive, des conditions premières[1]. » Tout ce qui semble ici négatif acquiert une signification élevée et constitue une préparation à une action positive.

C’est pourquoi cette crise et l’œuvre qu’elle a produite demeurent un impérissable monument de la littérature contemporaine ; elle est aussi l’éternelle commémoration de la victoire remportée sur la souffrance humaine par la toute-puissance de l’art. La crise dont a souffert Verhaeren, en dissociant ses données les plus intimes sur la valeur de la vie, a été plus grave que celle de n’importe quel autre poète de notre temps. Aujourd’hui encore son front haut garde la trace de ce passé douloureux : les souffrances, comme des coins de fer, y ont creusé des rides, qu’aucune guérison, qu’aucun état de santé plus robuste n’a pu effacer. Ce fut un incendie sans pareil que cette crise brûlant de toutes les flammes de la passion. Des acquisitions de jadis, rien absolument n’a pu être sauvé. Toutes les anciennes relations du poète avec le monde ont été

  1. Frédéric Nietzsche, Ecce Homo (trad. Henri Albert).