Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/121

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prime rien d’absolu et qu’elle varie selon les circonstances et les hommes. Le beau est, lui aussi, soumis à la loi de l’évolution ; il est en perpétuelle transformation. La beauté d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui. Elle obéit à cette tendance générale qui veut tout spiritualiser et qui marque, comme un symptôme des plus caractéristiques, le résultat de toute culture. Ainsi la physiologie a prouvé que la force corporelle de l’homme contemporain est inférieure à celle de ses ancêtres ; par contre, son système nerveux se développe, donc sa force se condense de plus en plus sous la forme intellectuelle. Le héros grec était le lutteur, expression parfaite d’un corps harmonieux ; le héros de notre temps est le penseur, qui représente notre idéal d’un esprit puissant et délié. Or, il est impossible d’évaluer la perfection des choses selon une autre mesure que celle qui nous est idéalement imposée par notre sensibilité personnelle. Et la norme de beauté s’est également pour nous transformée en évoluant vers l’ordre spirituel. Même si nous la cherchons dans l’ordre corporel, et que nous voulions concevoir, par exemple, un corps féminin idéal, nous sommes tellement habitués à ne plus placer la perfection dans la robustesse et