Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/123

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avec les sciences. Nous désapprendrons à ne connaître les choses que par notre sensualité, à n’apercevoir que l’harmonie de leurs plans extérieurs, et nous finirons par les considérer dans leur finalité, leur forme intérieure, et par ne plus concevoir la beauté autrement que sous la forme d’une organisation psychique.

Car les choses nouvelles sont toutes laides pour qui les regarde avec les yeux du passé. Notre siècle garde encore des sentiments de piété exagérée, qui le conduisent à faire peu de cas de l’œuvre d’art moderne, tandis qu’il paie mille fois trop cher des œuvres indifférentes d’autrefois. C’est ainsi que nous estimons qu’une diligence est poétique et qu’une locomotive est affreuse ; c’est ainsi que tous les poètes qui n’ont encore acquis la libre indépendance, n’ont avec nos réalités que des rapports hostiles, sinon indifférents. Ils ne conçoivent pas que, par l’enthousiasme et la volonté, beau et nécessaire puissent être identiques, — idée que Nietzsche a parfaitement exprimée : « Ma formule pour la grandeur de l’homme, c’est Amor fati : il ne faut rien demander d’autre, ni dans le passé, ni dans l’avenir, pour toute éternité. Il faut non seulement supporter ce qui est nécessaire, et encore