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pos. La délivrance du poète est toute dans les paroles et dans le rythme : « L’homme à vous prononcer respirait plus à l’aise[1] », dit-il de l’homme que l’excès de son émotion force à parler, à créer le Verbe.

C’est donc une dynamique entièrement corporelle qui crée le rythme chez Verhaeren. Les preuves de telles assertions sont malaisées, car l’état de création est le domaine inaccessible de l’inconscient. Cependant il est des instants où l’on peut avoir l’intuition de cette vérité : ce sont ceux où le poète recrée, en quelque sorte, son œuvre, où il la relit. Par une sorte de processus artificiel, par un phénomène de mémoire, le poète retrouve l’impression première ; elle pèse de nouveau sur lui qui doit alors s’en délivrer une fois encore. Ceux qui ont eu la bonne fortune de voir Verhaeren réciter ses vers savent combien le rythme de son corps est inséparable de celui de son poème. L’émotion se scande avec des mots vibrants, tandis que le geste s’y accorde. Le regard tranquille s’aiguise et semble pénétrer le papier. Le bras se dresse comme pour une conjuration. Les doigts se ten-

  1. « Le Verbe » (la Multiple Splendeur).