Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/211

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images, dans le tonnerre du rythme, toute la force emmagasinée parvienne à se décharger. L’andante aboutit toujours à un furioso, et ce n’est que tout à fait à la fin qu’on retrouve le ciel clair et pur de la sérénité, synthèse intellectuelle de l’état du Chaos. Cette structure du poème verhaerenien est presque constante. Prenons, au hasard, deux exemples qui démontreront cette vérité, deux poèmes des Visages de la Vie : la Foule et Vers la mer. Ces deux pièces débutent par une vision. Dans l’une, c’est la foule, avec son tohu-bohu et sa puissance ; dans l’autre, un délicat tableau de la mer au matin, séduisant comme un Turner avec ses nuances diaphanes. Mais, voici que la passion du poète embrase cette vision paisible. On voit croître l’agitation de la foule et monter la houle des vagues. L’extase arrive, et c’est la seconde précise où le poète s’enfonce lui-même dans la foule et semble, corps et âme, se plonger dans la mer. Et c’est enfin l’identification absolue qui se résout dans un grand cri de désir, c’est le poète qui veut impérieusement devenir toute la foule, ou devenir toute la mer.

Ici et là apparaît le geste extatique de l’isolé vers l’infini. La première image n’évoquait