Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/256

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une vision grandiose du monde, évoluant, à travers toutes choses, dans un effort puissant et continuel. Le poète ne se propose pas de décrire l’univers à travers des poèmes isolés, de l’analyser en impressions multiples, mais de le résumer en un poème magnifique. Il n’observe pas : il s’émeut. Un tel lyrisme ne peut puiser sa force que dans des émotions violentes. Ce n’est pas, comme chez beaucoup, dans de tièdes crépuscules, dans de troublantes mélancolies, que jaillira l’expression lyrique. Une joie impétueuse de vivre exalte le poète : ardeur qui s’exaspéra jusqu’au paroxysme au cours de sa crise, se changea plus tard en un pur enthousiasme, mais qui fut toujours une ardeur vitale.

Les impressions, chez Verhaeren, n’agissent pas seulement sur les centres nerveux : elles échauffent le sang, contractent les muscles, déterminent une tension violente qui libère de toutes ses énergies latentes un cerveau plein de force et de santé. Le désir de créer de la force est l’émotion lyrique essentielle de Verhaeren. Il veut enthousiasmer les autres, il veut s’enthousiasmer lui-même, car l’enthousiasme est toujours un état plus avancé de l’extase. S’exalter,