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aux mains des hommes, qui, de plus en plus, gouvernent leur vie, jusqu’à ce qu’enfin ils soient maîtres de toutes choses : sans cesse ils se dégagent des liens qu’ils n’ont pas forgés eux-mêmes, ils s’affranchissent de la nature pour l’asservir à leur tour.

La volonté du sort
Devient de plus en plus la volonté humaine.[1]

L’homme incarnera les dieux, il s’identifiera avec les destins : ses frères seront ses saints, et la terre son paradis. Cette idée, Verhaeren l’a exprimée sous une forme admirable dans son dernier volume, grâce au symbole d’Adam et Ève. Ève, après avoir été chassée, retrouve un jour la porte du paradis, toute ouverte. Mais elle ne la franchit pas, car sa joie suprême, son paradis sont dans l’activité et dans la volupté terrestres. Jamais les voluptés de la vie et de la terre n’ont été plus fortement, plus ardemment exaltées que dans ce symbole. Jamais on n’a chanté avec plus d’enthousiasme que ce poète l’hymne de l’humanité, — peut-être parce que plus que tout autre il avait prêché, avec une opiniâtreté farouche, la négation de la vie. Sans

  1. « Ma Race » (les Forces tumultueuses).