Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/53

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ceur de l’air lui semble pesante ; il n’aime que le climat de sa patrie, d’une impétuosité sauvage et d’une force indomptée.

Cette connexion intime avec la pure nature fait que sa sensibilité s’est trouvée décuplée pour toutes les autres impressions : celles que provoquent les grandes villes l’ont touché autrement et plus intensément qu’elles n’ont fait des poètes citadins. Ce qui pouvait leur sembler naturel, le plongeait, lui, dans l’étonnement, la crainte, l’effroi, l’admiration, l’enthousiasme. Pour lui, l’atmosphère que nous sommes habitués de respirer, était lourde, suffocante, empoisonnée ; les rues trop étroites lui faisaient effet de prisons.

À chaque pas, il a été frappé par la fécondité, les dimensions formidables et étranges qu’affectait la vie en sa nouvelle forme. Constatation d’abord pénible, puis enthousiaste. Il a traversé les villes avec cet étonnement mêlé d’effroi qui nous étreint à franchir les gorges des montagnes. Peu à peu, il s’est accoutumé à elles ; il les a inspectées, décrites et fêtées, sa vie s’y est mêlée intimement. Leur fièvre a embrasé son sang ; en lui leurs révoltes se sont dressées. Leur incessante agitation a fouetté ses nerfs durant