Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/66

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« les gars avaient les reins plus fermes et les garces plus beau téton[1] ». Les gars d’aujourd’hui lui semblent peu robustes, et les filles trop mignonnes. La réalité ne suffit pas pour satisfaire son instinct d’exagération, si caractéristique dans son œuvre. Il a le désir de la Flandre telle qu’il la voit vivre dans les ardents tableaux de Rubens, de Jordaens, de Breughel. Voilà ses véritables maîtres, ceux qui ont su jouir de l’existence, qui ont enfanté leurs chefs-d’œuvre entre deux orgies, qui ont immortalisé dans leurs toiles leur propre rire et leur propre volupté. C’est d’après leurs intérieurs et leurs tableaux de genre qu’ont été faits quelques-uns des poèmes de Verhaeren : gars enflammés de concupiscence qui jettent les filles dans les haies, paysans ivres, riant et dansant autour de la table. Son désir n’est que de chanter l’exubérance générale, qui se décuple et se répercute dans toutes les choses de la sensualité, jusqu’au domaine érotique. C’est dans le feu d’une débauche, d’un « rut » véritable qu’il prodigue ses couleurs et ses mots, comme une pâte épaisse, comme la coulée d’une li-

  1. « Truandailles » (les Flamandes).