Poésies (Desbordes-Valmore, 1822)/La Fiancée

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Poésies
Théophile Grandin (p. 171-172).

LA FIANCÉE.

À ma belle patrie
Fais mes adieux, Amour ;
La reverrai-je un jour,
Cette France chérie ?
Toi qui m’as su charmer,
Parle pour moi, mon maître.
Elle m’a donné l’être,
Tu me le fais aimer.

Dis-lui qu’à ta prière
Je retiens mes soupirs :
Mais que tes doux plaisirs
Ne m’ont pas toute entière.
Dis-lui que ton bandeau
N’a pas séché mes larmes,
Et qu’à travers tes charmes
Je rêve à mon berceau.

Vois-tu sur le rivage
Mes compagnes en pleurs ?
En leur jetant des fleurs,
Voile-moi cette image.

L’eau m’entraîne avec toi…
Mais demain à l’aurore
Te trouverai-je encore
Entre le ciel et moi ?

Quelle est cette voix tendre
Qui prédit mon retour ?
Tu parles bien, Amour,
Mais laisse-moi l’entendre :
Oh ! n’en sois point jaloux,
C’est la voix de mon père !
Tout nous sera prospère,
Il a prié pour nous.