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Pour lire en ballon/103

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II

Ce principe remonte a la plus haute antiquité. — Nouvelles preuves.

J’ai toujours soutenu que le principe même de la vaccination était aussi vieux que le monde et qu’il était appliqué victorieusement au centre de l’Afrique depuis des milliers d’années par les noirs, aussi bien que dans certaines régions de l’Amérique du Sud par des Indiens, bien avant la découverte moderne du pays qui avait déjà été découvert cinq ou six fois par les Européens avant Christophe Colomb.

J’ai toujours affirmé que la vaccination était un grand principe naturel, à l’état latent dans la nature et que Jenner n’avait eu d’autre mérite que de le mettre en lumière et de le domestiquer scientifiquement, en quelque sorte.

Plus tard les admirables travaux et les étonnantes découvertes de Raspail n’ont fait qu’apporter plus de lumière dans le problème, comme Pasteur devait le faire lui-même plus tard en suivant les traces lumineuses de Raspail.

Je trouve à ce propos une note assez longue dans le Bulletin de la Société de pathologie et d’hygiène coloniales, si habilement dirigé par mon ami Sévin-Desplans, que je demande la permission de rapporter ici toute entière, tant elle démontre péremptoirement et pour la millième fois comment le grand principe en vertu duquel on guérit aujourd’hui la rage et la diphtérie, aussi bien que la variole, est connu de tout temps en Afrique. Du reste vous n’avez qu’à lire pour être convaincu :

Antidotes contre les morsures de reptiles

Dans l’Index du mois dernier (Bulletin no 4, page 29), à l’article Pathologie du Sud-Ouest africain, d’après les notes du Dr Charles Dove (Mittheilungen de Petermann), on lit :

« Toutefois il n’est pas rare de voir le bétail, bœufs et chevaux, succomber à la morsure des serpents. Les indigènes se servent comme d’une poudre obtenue du cadavre desséché d’une espèce de lézard apode appelé serpent sauteur. »

Le voyageur Farini a été plus explicite en ce qui concerne l’Afrique australe, et ses allégations relatives aux antidotes dont usent les populations de la zone voisine du Kalahari contre les morsures des serpents n’ont pas été contestées. Le premier de ces antidotes est la poudre du N’aubou.

Le N’aubou est un petit lézard, long de 15 à 20 centimètres, de couleur jaune clair, très rapide et difficile à saisir. Il passe pour un des reptiles les plus venimeux, s’achète fort cher — quelquefois le prix d’un bœuf : 25 francs, — et est un spécifique contre la morsure des serpents et les blessures des flèches empoisonnées. On le dessèche, ont le réduit en poudre, et on applique celle-ci sur des incisions pratiquées autour des morsures ou des blessures. Tous les indigènes de la région du Kalahari en portent sur eux, surtout dans la saison des chasses.

À côté du N’aubou se rencontre le Veld Slange des Boërs. C’est un serpent de 1 mètre de long sur 2 centimètres et demi de diamètre. Sa tête et son dos sont d’un brun grisâtre, son ventre est blanc.

« Le Boushman mordu tire son couteau, incise légèrement le pourtour de la blessure et introduit dans l’incision une pincée de poudre composée avec les vésicules desséchées d’un autre slange. En quelques heures, la tuméfaction disparaît et la guérison est complète.

« Quelquefois, le Boushman ne se borne pas à cela. Il tue le serpent qui la mordu, lui arrache ses crochets et boit une goutte du poison contenu dans les vésicules. Il tombe alors dans une stupeur qui dure plusieurs heures, à la suite desquelles il s’inflige une nouvelle inoculation, qui amène la disparition de l’enflure et la guérison. »

Voici maintenant ce que dit le même voyageur à propos de la morsure du scorpion :

« Un de nos engagés, ayant, par mégarde, serré un scorpion de trop près, courut au wagon et me pria de lui confier un instant celui que je conservais en boite. Il le fit tomber sur le sable et posa tranquillement son pied tout à côté de l’insecte. Dès qu’il en eut reçu le coup de dard attendu, il prit une buchette et réintégra le porte-lance dans sa guérite. Remède étrange, mais certain, paraît-il.

« La piqûre du scorpion n’est point une plaisanterie ; elle cause des nausées, des douleurs lancinantes, le tremblement des membres ; pourtant on n’en meurt jamais. L’usage général est de sucer la petite plaie après avoir apposé deux ligatures très serrées, l’une au-dessus, l’autre au-dessous.

« Sur les bords de l’Orange, me disait un Bastard, presque chaque pierre a son scorpion. Quand il y travaillait, il avait été piqué si souvent, qu’à part la douleur, assez fugace, de l’aiguillon perçant les chairs, il n’en ressentait plus rien. L’ammoniaque liquide, appliqué le plus tôt possible, produit un excellent effet. »

Maintenant, il n’y a plus de doute possible, n’est-ce pas ? le principe de la vaccination est bien un principe qui a toujours existé et qui a été appliqué, dès le commencement du monde, par tous les peuples primitifs.

La gloire des Jenner, des Raspail, des Pasteur, des Roux, etc., est de l’avoir commenté, mis en lumière et rendu scientifique, ce qui n’est déjà pas un mince honneur, ceci prouve qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et c’est en même temps consolant, car le jour n’est pas loin où l’on pourra de la sorte se préserver ou se guérir de toutes les maladies épidémiques ou endémiques.

Aujourd’hui la fièvre jaune est définitivement terrassée par la vaccination à la suite des travaux de Domingo Freire ; demain ce sera le tour du choléra !