Si la loi des amours saintement nous assemble

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Texte établi par Alfred Michiels, Adolphe Delahays (p. 223).


XCII


Si la loy des amours saintement nous assemble,
Avec un seul esprit nous faisant respirer,
L’outrage du malheur se peut-il endurer,
Qui si cruellement nous arrache d’ensemble ?

Je ne vous voy jamais, mon cœur, que je ne tremble,
Apprehendant l’effort qui nous doit separer :
Et n’ose bien souvent vos regards desirer,
Tant l’eclipse qui suit tenebreuse me semble !

Toutesfois quand les corps n’ont moyen de se voir,
L’ame pourtant n’est serve et peut, à son vouloir,
Voleter invisible où la guident ses flames.

Chassons donc nostre angoisse, ô seul bien de mes yeux !
Et, vivans desormais comme l’on vit aux cieux,
Sans plus penser aux corps faisons l’amour des ames.