Sous le masque/Le Loup de velours noir

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Sous le masqueBibliothèque Internationale d'Édition, Edward Sansot (p. 135-141).
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LES POÈMES POUR ELLE


LE LOUP DE VELOURS NOIR


Le Loup de velours noir


C’était pendant l’éclat d’une redoute blanche
Où vivaient et mouraient, les orchestres tremblants,
Il semblait, qu’il avait, sur un bal de pervenches.
Neigé des arlequins et des dominos blancs.


Les clartés pâlissaient comme si c’était l’aube,
La musique versait plus de fièvre et d’amour,
L’on ne distinguait pas les formes sous les robes ;
Quels visages rêvaient sous les loups de velours ?

Et moi, parmi les cris, l’ivresse et la magie
Des bijoux, des satins, ruisselant de blancheur,
je n’avais jamais eu pareille nostalgie,
Jamais souffert de tant de solitude au cœur.

Je voyais défiler tous les groupes fantasques ;
Et les yeux, sous le noir, sous la poudre et le fard,
Mais pour moi, ce soir-là, quels qu’ils soient, tous les masques,
Avaient le même rire et le même regard.

Jusqu’à ce qu’ayant vu les yeux — les yeux uniques,
Les grands yeux d’eau de mer aux glauques profondeurs ;
Dans ces bleus verts sans fin, troubles, mélancoliques,
Je crus voir le reflet de toutes les douleurs.


La voix qui me parlait était étrange et douce,
L’être vêtu de blanc, me fixait sous son loup,
Comme l’eau sur le sable, ou les pas sur la mousse
Le mystère des mots flottait autour de nous.

Le mystère du charme et de la sympathie
Se dégageait pour moi de ses cheveux épais,
Du poignet délicat, et de la main pâlie
Que je rêvais de prendre et d’étreindre à jamais.

Et j’allais la saisir, cette main, où mon rêve
Mettait l’espoir de la tendresse et du plaisir,
Comme pour arrêter cette minute brève,
Ou pour éterniser ce souffle de désir,

Mais la musique retentit, des farandoles,
Parmi le bal, nous séparaient tout en dansant,
Je vis fuir le contour de la charmante épaule
Parmi les arlequins et les dominos blancs.

Redoute blanche (Nice).