Tableau de Paris/378
CHAPITRE CCCLXXVIII.
Le Cathéchiste de Paroisse.
Je traverse une église ; j’apperçois un homme en surplis, le bonnet quarré en tête, une soixantaine de petites filles, assises sur des bancs, l’environnent. Il parle, & c’est comme s’il ne parloit pas ; un petit caquet aigre, sourd & continu, m’annonce sans le voir quel est le sexe qui est là. Je m’approche & j’entends ce qui suit.
Levez-vous, Javotte ; dites-moi quelle est la fin du sacrement de mariage ?
La fin du sacrement de mariage est la naissance des enfans qui renaissent spirituellement par le baptême, pour remplir l’église & le ciel.
Et vous, Manon : qu’est-ce que Dieu défend par le sixieme commandement : luxurieux point ne seras, de corps ni de consentement ?
Le sixieme commandement nous défend toutes sortes d’impuretés dans les actions & les paroles.
Pourquoi dites-vous, toutes sortes d’impuretés ?
Je dis toutes sortes d’impuretés, parce que ce péché se divise en plusieurs especes, selon la diversité des manieres ou la différence des personnes avec lesquelles on le peut commettre.
À votre tour, Babet. Qu’est-ce que Dieu défend par le neuvieme commandement : l’œuvre de chair ne desireras qu’en mariage seulement ?
Dieu, après avoir défendu par le sixieme commandement toutes les actions extérieures de l’impureté, en défend par le neuvieme, tous les desirs & les pensées.
Heureusement que les réponses de ces petites filles sont obscures, qu’elles ne savent point elles-mêmes ce qu’elle disent, & qu’elles ont toute autre chose en tête ; mais enfin, pourquoi de telles interrogations ?
Mais qui nous fera donc un cathéchisme de morale ? Il est vrai qu’il est plus difficile à faire que le Dictionnaire encyclopédique, & que l’entrepreneur n’auroit pas tant à gagner sur ce petit livre utile & à la portée des premieres années de la vie. Ô instruction publique ! instruction ! tu es encore à naître parmi nous !