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Un mystérieux enlèvement/2

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A. Lefrançois (p. --2).

L’Affaire Clément de Ris, la Ténébreuse, comme l’a dénommée Balzac, est une de ces énigmes troublantes qui passionnent, et, quoi qu’on en ait écrit déjà, ramènent la curiosité de l’historien. Un Sénateur, un Haut Dignitaire, enlevé par des inconnus dans sa maison de campagne, au cœur de la France, en plein jour, avec tout un appareil de brigandage ; séquestré dix-neuf jours sans qu’on découvre sa retraite ; mystérieusement délivré par des gens qui se disent anciens officiers chouans, qui le sont, et qu’on voit nantis d’une commission régulière du Ministre de la Police ; une instruction hésitante, qui craint tout ensemble et de trouver les coupables et de lâcher les prévenus ; la Police dirigeant ou égarant la Justice au lieu de la servir ; tous les pouvoirs confondus, se contrecarrant à l’envi ; une juridiction exceptionnelle ; les témoins essentiels non convoqués, ou cités avec dispense de se rendre à la citation ; des prévenus jugés sans confrontation avec la victime ; un tribunal qui se déclare insuffisamment éclairé, et, quelques jours plus tard, un autre qui, sans l’être davantage, estime l’être assez ; trois inculpés, chouans eux aussi, condamnés à mort et exécutés sans délai ; leur innocence affirmée par un de leurs juges, destitué de ce fait ; tout cela commenté, dénaturé, grossi, exploité par les passions politiques ; en fallait-il tant pour inciter les chercheurs à voir clair dans ces ténèbres ? Leurs efforts n’ont pas été stériles. Des obscurités ont été dissipées ; des doutes changés en certitudes, des probabilités nouvelles mises en avant. Pourtant le voile n’a pas été levé entièrement. L’énigme n’a pas livré son mot et il est permis d’y revenir.