Une leçon de morale/I/L’aurore fixe

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Une leçon de moraleGallimard (p. 83-86).

L’AURORE FIXE

Au mal :

La femme avait son jour son heure son moment
J’en étais l’instrument

J’ai dit ce qu’elle avait à dire
Et rien de plus

La femme avait couleur chaleur et pauvreté
Faim soif sommeil la chair au versant de la vie

Il n’y a pas de défi pour la femme
Elle s’étend sur la paille des astres

Elle périt dans la cendre des fleurs
Clairière et barricade amour et haine

Son enfance renaît dans la masse des fruits
Sans image ô surtout sans image et sans cœur

Comme un miroir qui n’est jamais l’ami de l’homme.

Au bien :

L’homme impur c’est voilé qui regarde la femme
Il ne voit plus dans l’air sa propre architecture

Il chante par un œil il délire par l’autre
Il perd vite ses mains dans le tournoi de chair

Phosphorescent mais dilué son front est vague
Ce qu’il pensait tout droit se brise et s’alanguit

L’écume féminine a dessiné ses plages
Il frise de partout il lâche ses oiseaux.



Qui regarde vraiment la femme est sans empreintes
Son ombre est sur la terre comme un cœur sans corps

Très doux très fort hors de la mort son cœur s’aère.