Une leçon de morale/I/L’enfance maîtresse

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L’ENFANCE MAÎTRESSE

Au mal :

Ah dit-il au plus bas du ciel de sa mémoire
Je suis venu au monde pour ne pas vieillir
Jeunesse m’a suffi je n’attendais rien d’autre
Je vivais de lumière et je n’y pensais pas

Or la lumière se dérobe et je le sais

Je glissais ma caresse ignorante à main nue
Parmi la floraison de la chair innocente
J’avais l’estime des fronts purs des yeux fièvreux
Je conquérais j’étais conquis et j’en pleurais

Aujourd’hui j’ai conscience de mes illusions

Sur le seuil de l’amour je n’avais que vacances
Et sur la table immense de la vie heureuse
J’accordais les saisons d’une seule mesure
Les formes du plaisir limitaient mes pensées

Le lieu de ma jeunesse m’est inaccessible

J’étais jeune la pluie arrosait mes jardins
La fumée du soleil enivrait mon sommeil
J’étais jeune je jouais comme un rire respire
J’avais pour le présent la passion des naïfs

Je ne suis plus le même l’ombre m’a gagné

Non je ne tenais pas à devenir un homme
Mes mouvements d’espoir étaient involontaires
Aujourd’hui l’avenir ne naît plus dans mon cœur
Je calcule demain à partir de ma mort.

Au bien :

Du premier jour où la bonté
Reprend le pas retrouve terre
Aux jours généreux des victoires
Se définit ma volonté

Du jour où se lève l’orgueil
Aux jours où j’ai envie d’en rire
Tout se corrige se transforme
Je prends les proportions d’un homme

Il y a des baisers pour tous
Et chaque bouche dit merci
L’enfant à l’homme sert de guide
Pour le partage des plaisirs

Quand l’été meurt l’hiver s’exerce
À gaver l’aube de promesses
Force et faiblesse n’ont qu’un sexe
L’écume de la vie est vierge

Et le temps passe et l’avenir
Fixe et prolonge mes désirs.