Une leçon de morale/I/Nusch

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Une leçon de moraleGallimard (p. 25-29).

NUSCH

Au mal :

Nusch tu me manques c’est soudain
Comme si la forêt pouvait manquer à l’arbre

Je n’ai jamais écrit de poème sans toi
Je suis dans un bain froid
De solitude de misère
Et les mots ont le poids des loques sur les plaies
Et les images sont avares et butées
Et tout ce que je dis réfléchit une absence
Je reçois le présent comme un trésor la pioche
Mon plaisir maintenant c’est de tuer le temps

Se masquant de fumée le bois vert a brûlé
Les feuilles et les flammes n’étaient pas visibles
Ô toi ma grande étoile noire tu t’éloignes
Ton cercle n’est qu’un point celui de mon domaine

Toi ma vision changée en aveugle insensible
Supprime les reflets les échos du mensonge
Supprime mon remords de vivre
Annule les baisers que je reçois en vain.

Au bien :

Mon amour nous dormions ensemble
Et nous avons ri au matin
Ensemble tout le temps qu’il nous fallait pour vivre

Toute une éternité
Et plus je te voyais vivre à côté de moi
Plus je te confondais avec l’aube et l’été

Dormir profond rêver plus haut
Et s’éveiller l’un bien à l’autre
Telle est la loi de l’innocence

Et vivre plus haut que nos rêves
Être pareils par la confiance
Tel a été notre plaisir

Dans un monde toujours trop jeune d’un instant
Pouvions-nous donc prévoir l’hiver ou notre mort
Croire au fossile avant la fin du grand printemps

Raison nous étions deux à t’incarner légère
Comme une joue sous la rougeur du feu premier
Raison nous étions libres nous avons vaincu.