Une leçon de morale/I/L’heure embrasse le silence

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L’HEURE EMBRASSE LE SILENCE

Au mal :

Répétons cloches de poison
Les raisons
De la plus hideuse des peines

Elles sont gravées dans le marbre
De la mère des tombeaux

Gravées sur les palmes de pierre
De la mort qui me travaille

J’aime la mère des tombeaux
D’un amour voué au mal
Un vieil amour mauvais au goût



On arrive à son lit par une rue tranquille
Bordée de maisons grises comme toutes les maisons

Une tranquille rue rouillée
Qui n’a jamais été jeune

Et là le désespoir poète
Le désespoir qui se respecte
A le visage comme un œuf

Et de se voir dans le ruisseau
Son cœur noble se soulève

Le poète n’a plus de germe
Pour tricher avec le temps

Le poète n’a plus de langue
Pour lécher sa mélancolie
Les images sont au secret



Ma fausse perle fine
Si tu pouvais mendier ton pain

Pour être humain la voix te manque
Nul ne te voit riche ni pauvre
Tu n’as ni fièvre ni santé

Tu n’es pas mieux que rien mais que veux-tu tu es
Ta solitude vide l’urne de ton corps

Tu es aux yeux des autres comme un figurant
La façade le gant le monument le masque

Encore si c’était vengeance de la vie
Mais non le mal ne tient ni à toi ni aux autres

Et dans la douceur triste de ton passé clos
L’amour le plus mortel n’égale que son deuil



Mère la mort est authentique et véritable
Ses rayons font les morts éternellement morts
Ils sont autour de mon amour voué au mal

Nul aviron sous terre et nul fleuve à franchir
Pour comprendre l’espace et marquer la présence

Vivre n’est que d’aller d’un corps à son néant
De la forme à la nuit et du sens à l’oubli

Vivre c’est tout manquer et manquer à soi-même
Puisque je meurs dans ce que j’aime à tout instant

Je ne me suis jamais tué mais on me tue
Je laisse l’illusion aux pleutres aux profanes

Et la démence est faite fée par le chagrin
L’aveugle a vu sa chair décroître

Ruines vous êtes entières
Dans le champ de ma vision
Comme à plaisir décharnée
Comme à douleur annulée.

Au bien :

De sa bouche bâillonnée
L’heure embrasse le silence

Une abeille roule au sol
Avec mille de ses sœurs

Et mille abeilles remontent
Vers la fleur qui les convoque



Douloureuses langoureuses
Les hirondelles du soir

Perpétuent une famille
Qui ne connaît que chaleur

Une seule saison sonne
Un seul souci de bonheur



La lune se multiplie
Dans un arbre en proie au gui

Au gui qui se multiplie
Au ventre qui reproduit

Et l’arbre en est rajeuni
Et la vie est infinie



L’homme arrache le bâillon
Et son cœur combat les heures

Et sa tête les confond.