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LIVRE SECOND.



SYNTAXE PARTICULIÈRE.

Dans le livre premier, nous avons passé en revue les différentes parties du discours ; nous avons montré comment les mots s’unissent pour former d’abord des propositions isolées, puis des phrases composées de plusieurs propositions réunies. Les règles générales ainsi établies, il nous reste à parcourir les principaux faits de syntaxe qui en dérivent ou qui s’en éloignent. Ce deuxième livre contiendra donc le développement des principes déjà connus, et les exceptions apparentes ou réelles dont ils sont susceptibles.

EXCEPTIONS A L’ACCORD DU SUJET ET DE L’ATTRIBUT.
§ 237.Noms collectifs.

1. Le verbe peut se mettre au pluriel avec un sujet du singulier, quand celui-ci est un nom collectif, c’est-à-dire quand il exprime une réunion de plusieurs personnes ou de plusieurs choses, comme les mots turba, multitudo, pars, magnus ou parvus numerus, etc. :

Magna multitudo latronum undique convenerant, Cés. (il était accouru de toutes parts une grande multitude de brigands).

2. Si l’attribut est un adjectif ou un participe, il pourra se rapporter à l’idée contenue dans le sujet, plutôt qu’au mot lui-même : Magna pars vulnerati aut occisi sunt, Sall. (une grande partie furent tués ou blessés) ; il s’agit de soldats, nom masculin pluriel. — Pars navium haustæ sunt, Tac. (une partie des vaisseaux fut engloutie, ou, furent engloutis). L’idée principale est naves, nom pluriel féminin. — Duo millia Tyriorum crucibus affixi sunt, Q. Curce, (deux mille Tyriens furent mis en croix).

§ 238.Attribut neutre avec un sujet masculin ou féminin.

L’adjectif attribut se trouve quelquefois au singulier neutre avec un sujet d’un autre genre, ou même avec plusieurs sujets : Dulce satis humor, Virg. (l’humidité est chose douce pour les semences = est favorable aux semences). — Triste lupus stabulis, maturis frugibus imbres, Virg. (le loup est chose triste pour les bergeries, l’orage pour les moissons déjà mûres = est funeste aux bergeries). Cette construction, assez fréquente chez les poëtes, est fort rare en prose.

Rem. Il est facile de voir que, dans ces deux exemples, l’adjectif neutre devient une sorte de substantif, puisqu’il renferme en lui-même l’idée de chose, idée attachée, comme nous l’avons déjà dit, aux désinences um et e ; le seul mot que l’on pût sous-entendre, ce serait aliquid ; encore cela n’est-il pas nécessaire. Les adjectifs à une seule terminaison, comme prudens, fallax, ne sont jamais employés de cette manière, parce que rien n’y distingue le neutre des deux autres genres.

§ 239. adjectifs se rapportant a plusieurs substantifs.

Quand le même adjectif qualifie ou détermine plusieurs substantifs, et qu’il s’applique à chacun séparément, on peut ne l’exprimer qu’une fois, et alors on le fait très-souvent accorder en genre et en nombre avec le nom le plus voisin.

Romanis cuncta maria terræque patebant, Sall. (toutes les mers et toutes les terres étaient ouvertes aux Romains) ; cunctæ est sous-entendu avec terræ.

Invidi virtutem et bonum alienum oderunt, T. Liv. (les envieux haïssent la vertu et les bonnes qualités d’autrui) ; alienam est sous-entendu avec virtutem ; il n’eût pas été bien de dire virtutem et bonum aliena.

Rem. Il est important de remarquer que ces adjectifs ne sont pas attribut. S’ils étaient attribut, ou même s’ils formaient apposition, ils suivraient les règles établies § 208, III : Labor voluptasque, dissimillimă naturā, societate quadam inter se naturali sunt junctă, T. Liv. (la peine et le plaisir, très-différents par leur nature, sont unis cependant par une sorte d’alliance naturelle) ; dissimillima est au pluriel neutre par apposition (choses très-différentes) ; juncta y est comme attribut.

§ 240. verbe ESSE considéré comme attributif.

1. Jusqu’ici nous avons considéré le verbe être comme simple lien servant à unir l’attribut au sujet (Deus est sanctus) ; mais il peut aussi contenir en lui-même l’idée de l’attribut, comme tout autre verbe : Deus est (il est un Dieu, Dieu existe) ; omnes gentes consentiunt esse Deum (toutes les nations reconnaissent qu’il est un Dieu).

2. Dans ce sens, le verbe sum peut être déterminé par un adverbe ou par une préposition avec son complément, et souvent alors on le rend en français par un verbe plus significatif, comme aller, se trouver, se rencontrer, etc. Rectissime sunt apud te omnia, Cic. (tout est chez vous en fort bon état, ou, tout va fort bien chez vous).

Sæpe est etiam sub palliolo sordido sapientia, Cic. (la sagesse se rencontre souvent même sous des haillons).

§ 241. verbes assimilés a esse

Ego nominor leo.

Un certain nombre de verbes, d’ailleurs attributifs, ne servent souvent, comme esse, qu’à lier au sujet un attribut pris hors d’eux-mêmes, et sans lequel la proposition resterait incomplète. Si vous dites, par exemple, « Je m’appelle, » on vous demandera comment, et la réponse sera le véritable attribut : « Je m’appelle lion, » Ego nominor leo, Phèd.

À cette classe appartiennent fieri, evadere, exsistere (devenir), nasci (naître), manere (rester), videri (paraître), haberi (passer pour), dici, appellari (être dit, être appelé), judicari, existimari, credi, putari (être regardé comme), creari, eligi, designari (être créé, élu, désigné) et autres semblables. Il va de soi-même que l’attribut joint à tous ces verbes se met au nominatif : Nemo ignaviā immortalis factus est, Sall. (personne n’est devenu immortel à force de lâcheté). — Nemo nascitur dives (personne ne naît riche). — Consules declarantur M. Tullius et C. Antonius, Sall. (Marcus Tullius et Caïus Antonius sont proclamés consuls). — Scythæ perpetuo invicti mansere, Just. (les Scythes sont toujours restés invincibles).

§ 242. Nominatif avec l’infinitif.

1. Lorsqu’un de ces verbes est accompagné de l’infinitif esse, l’attribut ne s’en met pas moins au nominatif, et cette construction offre un moyen commode de rendre les locutions françaises, on croit que, on dit que, dit-on : Aristæus inventor olei esse dicitur, Cic. (Aristée est, dit-on, l’inventeur de l’huile). — Disciplina Druidarum in Britannia reperta esse existimatur, Cés. (on croit que la religion des Druides fut inventée dans la Bretagne).

2. Lorsqu’un des verbes énumérés § 221, savoir volo, possum, soleo et les autres, régit à l'infinitif le verbe esse ou l’un des précédents, l’attribut se met également au nominatif, comme si les deux verbes n’en formaient qu’un seul : Volo et esse et haberi gratus, Cic. (je veux être reconnaissant, et passer pour tel). — Socrates parens philosophiæ dici potest, Cic. (Socrate peut être appelé le père de la philosophie). — Desinam videri senex, Tac. (je cesserai de paraître vieux).

Rem. Volo, cupio, studeo, et autres verbes exprimant le désir ou la volonté, peuvent aussi se construire avec l’infinitif et l’accusatif du pronom qui représente le sujet du verbe principal : Cupio me esse clementem, Cic. — Gratum se videri studet, Cic. En français, nous n’avons qu’une seule construction : « Je désire être clément. — Il s’efforce de paraître reconnaissant. »

§ 243. Accusatif formant avec le verbe une seule idée.

Il résulte du § 241 que, dans Cicero consul creatus est, le nominatif consul est indispensable pour former, ou du moins pour compléter l’attribut. Si l’on dit à l’actif, Populus Ciceronem consulem creavit, l’accusatif consulem aura évidemment la même destination ; consulem creavit formera une seule idée, et le véritable complément sera Ciceronem.

L’adjectif ou le nom qualificatif à l’accusatif, qui accompagnent les verbes du § 241 et autres de signification analogue, à la voix active, concourent donc avec le verbe à former l’attribut : Mesopotamiam fertilem efficit Euphrates, Cic. (l’Euphrate fertilise la Mésopotamie). Homines cæcos reddit cupiditas et avaritia, Cic. (la cupidité et l’avarice aveuglent les hommes). Les verbes fertilisent et aveuglent traduisent par un seul mot fertilem efficit et cæcos reddit, prouve manifeste que les deux mots latins ne forment qu’une seule idée, qui aurait pu être exprimée par fœcundat et obcæcat, de même que nous aurions pu dire en français, rend fertile et rendent aveugles[1].

Rem. La construction précédente avec les verbes habere, existimare, etc., sert à traduire les locutions françaises avoir pour, regarder comme ; les mots pour et comme ne se rendent pas en latin : Epaminondas philosophiæ præceptorem habuit Lysim Tarentinum, C. Nép. (Epaminondas eut pour maître de philosophie Lysis de Tarente). — Deos æternos et beatos habemus, Cic. (nous regardons les dieux comme éternels et jouissant de la félicité).

§ 244. supplément aux règles de l’apposition.

I. Annibal peto pacem.

1. Le substantif formant apposition (§ 198) se rapporte quelquefois à un sujet sous-entendu de la première ou de la seconde personne : Annibal peto pacem, T. Liv. (ego Annibal). — Hoc tibi juventus romana indicimus bellum, T. Liv. (nos juventus romana). Ce tour, fort élégant en latin, doit être rendu en français par un équivalent : « C’est Annibal qui demande la paix. — Voilà la guerre que je te déclare au nom de la jeunesse romaine. »

2. L’apposition peut également se rapporter à l’attribut compris dans le verbe : Ego non eadem volo senex, quæ puer volui, Sén. (je ne veux pas les mêmes choses étant vieux, que j’ai voulues étant enfant. — C. Junius ædem Salutis, quam consul voverat, dictator dedicavit, T. Liv, (C. Junius dédia, comme dictateur, le temple de Salus, qu’il avait voué comme consul).

Rem. Il résulte de l’exemple précédent que le mot comme peut se retrancher en latin lorsqu’il signifie en qualité de. Mais s’il marque une comparaison, il se traduit par ut, velut, tanquam, quasi : Cicero ea cecinit, ut vates, C. Nép. (Cicéron a prédit ces événements comme un homme inspiré, comme aurait fait un homme inspiré).

Il en est de même quand ce mot annonce un motif : Auri argentique usum, velut omnium scelerum materiam, sustulit Lycurgus, Just. (Lycurgue défendit l’usage de l’or et de l’argent, comme la source de tous les crimes). Velut annonce le motif qui fait agir Lycurgue ; ôtez velut en lalin, et en français comme, l’apposition n’exprimera plus que l’opinion de l’écrivain : « Il défendit l’usage de l’or et de l’argent, source de tous les crimes. »

II. Corioli oppidum captum.

Le verbe et l’attribut peuvent s’accorder avec les mots urbs, civitas, oppidum, placés à côté d’un nom de lieu qui n’a que le pluriel, lorsque ces mots sont l’objet principal de la pensée : Corioli oppidum captum, T. Liv. (la ville de Corioles fut prise). — Volsinii, oppidum Tuscorum opulentissimum totum concrematum est fulmine, Plin. (la plus riche cité des Etrusques, Vulsinies) fut tout entière consumée par la foudre). Nous avons placé le mot Vulsinies en apposition, pour faire sentir comment le nom propre peut jouer dans la pensée un rôle secondaire.

§ 245. adjectifs latins rendus par des substantifs.

Le haut, le bas, le milieu, etc.

Les adjectifs primus, ultimus, extremus, summus, imus, intimus, medius, reliquus, ne peuvent souvent être rendus en français que par un nom suivi de la préposition de, tandis qu’en latin ils prennent, comme les autres, le genre, le nombre et le cas de leur substantif : Vere primo (au commencement du printemps) ; extrema hieme (à la fin de l’hiver) ; in ultima Italia (à l’extrémité de l’Italie) ; extremi digiti (le bout des doigts) ; summus mons (le sommet de la montagne) ; summa arbor (le haut de l’arbre) ; ad imam quercum (au pied du chêne) ; imæ valles (le fond des vallées), imum saxum (le bas du rocher) ; in intima Macedonia (au cœur de la Macédoine) ; media æstas (le milieu de l’été) ; jam pridem cupio Alexandriam reliquamque Ægyptum visere, Cic. (depuis longtemps je désire visiter Alexandrie et le reste de l’Egypte).

Rem. A l’exception de medius et de reliquus, ces adjectifs ne sont autre chose que des superlatifs formés de prépositions (§ 138) ; ils expriment donc des rapports de lieu et de temps. De plus, ils ne s’appliquent, dans les exemples cités, qu’à une partie de l’objet qu’ils déterminent, et c’est cette partie que le français désigne par le haut, le bas, le commencement, la fin, etc. Nous n’avons qu’une seule locution, l’extrême frontière, où l’adjectif soit employé à la manière latine.

DEGRÉS DE COMPARAISON.

COMPARATIF.

§ 246. Le que français qui suit un comparatif se rend par quam, ou bien il ne s’exprime pas, et le mot qui sert de second terme à la comparaison se met à l’ablatif.

COMPARATIF AVEC Quam.
que suivi d’un verbe. — Plura dixi, quam volui.

Le que français est représenté en latin par quam, toutes les fois qu’il est suivi d’un verbe : Plura dixi, quam volui, Plaut. (j’en ai plus dit que je n’ai voulu). — Plus fere nobis videmus posse, quam possumus, Sén. (nous croyons en général pouvoir plus que nous ne pouvons). — Quædam scire magis juvat, quam prodest, Cic. (il est des choses dont la connaissance amuse plus qu’elle n’est utile).

Rem. On voit que la construction est la même dans les deux langues, excepté qu’en français le second verbe est accompagné d’une négation qui n’existe pas en latin.

§ 247. Que suivi d’un substantif ou d’un pronom.

1. Lorsque les deux termes comparés sont des substantifs ou des pronoms, si le premier est au nominatif comme sujet d’un mode personnel, ou à l’accusatif comme sujet d’un infinitif, la conjonction quam reçoit le même cas après elle que devant.

Nominatif : Melior tutiorque est certa pax, quam sperata victoria, T. Liv. (une paix certaine est meilleure et plus sûre qu’une victoire en espérance), quam sperata victoria bona et tuta est.

Accusatif : Solem mathematici confirmant majorem esse quam terram, Cic. (les mathématiciens prouvent que le soleil est plus grand que la terre) ; quam terram esse magnam confirmant.

2. Si c’est comme régime d’un verbe, et non comme sujet d’un infinitif, que le premier terme est à l’accusatif, le second peut encore se mettre au même cas : Ego hominem callidiorem vidi neminem, quam Phormionem, Tér. (je n’ai jamais vu un homme plus rusé que Phormion) ; quam vidi Phormionem. Mais cette construction est rare, et l’on forme ordinairement une nouvelle proposition avec est et le nominatif : quam Phormio est.

§ 248. Cette dernière tournure est indispensable, toutes les fois que le verbe du premier membre ne peut pas être sous-entendu dans le second : Vicinus tuus meliorem equum habet, quam tuus est, Cic. (votre voisin a un cheval meilleur que le vôtre = que n’est le vôtre) ; on ne peut pas dire quam tuum, car il faudrait sous-entendre habet et le voisin n’a pas votre cheval.

Elle est également nécessaire quand le premier terme est à tout autre cas qu’au nominatif ou a l’accusatif : Rescripsi verba Marci Varronis, hominis, quam fuit Claudius, doctioris, A. Gell. (j’ai répondu en citant les paroles de Varron, homme plus savant que Claudius = que ne l’était Claudius).

De même, pour traduire, « J’ai un ami plus savant que Titus » (en employant le verbe utor, qui régit l’ablatif), il faudrait dire, Utor amico doctiore quam Titus est, et non pas doctiore quam Tito.

Rem. Si quelquefois on trouve un génitif, un datif ou un ablatif après quam, ces cas sont le complément d’un mot exprimé dans le premier membre et sous-entendu dans le second, et ils ne dépendent nullement du comparatif : Morbi perniciosiores pluresque sunt animi quam corporis, Cic. (les maladies de l’âme sont plus funestes et plus nombreuses que celles du corps) ; quam morbi corporis. — Talis simulatio vanitati est conjunctior quam liberalitati, Cic. (ces faux semblants tiennent de plus près à la vanité qu’à la générosité) ; quam est conjuncta liberalitati.

2. L’accusatif même s’explique par une ellipse pareille, toutes les fois que le comparatif est un adverbe : Segnius homines bona quam mala sentiunt, T. Liv. (les hommes ressentent moins vivement les biens que les maux) ; segnius bona sentiunt, quam mala sentiunt.

§ 249. Quam entre deux comparatifs.

Felicior quam prudentior.

Si l’on compare deux qualités appartenant au même sujet, comme dans cette phrase, « Il a été plus heureux que sage, » les deux adjectifs se mettent au comparatif : felicior fuit quam prudentior.

Il en est de même des adverbes : Romani bella quædam fortius quam felicius gesserunt, T. Liv. (les Romains ont fait certaines guerres avec plus de courage que de succès).

Cependant on peut aussi employer le positif en exprimant plus... que par magis... quam : Celer tuus disertus magis est, quam sapiens, Cic. (votre ami Céler est plus disert que sage).

§ 250. Verbes exprimant une comparaison.
Malo. — Præstat.

Après les verbes malo (j’aime mieux) et præstat (il vaut mieux), le que français se traduit par quam, comme après les comparatifs : Valere malo, quam dives esse, Cic. (j’aime mieux me bien porter que d’être riche). — Accipere, quam facere, præstat injuriam, Cic. (il vaut mieux recevoir une injure que de la faire). — Tacere præstat, quam iis qui audiunt, nocere, Cic. (il vaut mieux se taire, que de nuire à ceux qui entendent).

§ 251 . COMPARATIF AVEC l’ABLATIF.

Virtus pretiosior auro.

Le nom qui sert de second terme à la comparaison peut se mettre à l’ablatif sans quam, toutes les fois que cette conjonction prendrait le même cas après elle que devant, c.-à-d. dans les phrases où le comparatif est au nominatif ou à l’accusatif :

Virtus est pretiosior auro (la vertu est plus précieuse que l’or). Quid est in homine ratione divinius ? Cic. (qu’y a-t-il dans l’homme de plus divin que la raison ?) Avec quam, on dirait quam aurum, quam ratio.

[Dixit rex Dejotarus] antiquiorem sibi fuisse suis possessionibus gloriam, Cic. (le roi Déjotarus a déclaré que la gloire lui était plus chère que ses possessions). Sapiens humana omnia inferiora virtute ducit, Cic. (le sage met toutes les choses humaines au-dessous de la vertu). Avec quam on dirait quam possessiones suas, quam virtutem.

Rem. 1. Si le comparatif était à tout autre cas qu’au nominatif ou à l’accusatif, il ne faudrait pas lui donner l’ablatif pour complément ; ainsi l’on ne dirait pas bien, du moins en prose, amor virtutis, melioris auro ; il faudrait dire, amor virtutis, quæ est auro melior.

2. On évitera aussi de mettre en regard un nominatif et un ablatif de la première déclinaison. Dites donc, Terră major est quam lună, et non terră major est lunā. Mais dans Constat terram lunā esse majorem, l’ablatif est bon, parce qu’il n’y a plus identité de désinence.

§ 252. Comparatif avec l’ablatif de Qui, quæ, quod.

Si le relatif qui, quæ, quod, forme le second terme d’une comparaison, il se met toujours à l’ablatif : Animi virtutes ex ratione gignuntur, quā nihil est in homine divinius, Cic. (les vertus de l’âme procèdent de la raison, le plus divin des attributs de l’homme).

On voit par cet exemple que l’apposition offre un moyen commode de rendre cette tournure en français. Quant à la construction littérale, comme le relatif doit toujours y figurer le premier, il faut dire : quā, en comparaison de laquelle, nihil est divinius in homine, il n’y a rien de plus divin dans l’homme.

Rem. Ce rapport, en comparaison de, au prix de, est exprimé par l’ablalif lui-même, sans le secours d’aucune préposition. On suppose ordinairement l’ellipse de præ ; mais cette préposition n’est jamais employée par les auteurs classiques avec le comparatif. Elle l’est quelquefois avec le positif, dans un sens un peu différent : Videris præ nobis beatus, Cic. (vous paraissez heureux en comparaison de nous) ; c.-à-d., vous n’êtes pas fort heureux, mais, en comparaison de nous, vous paraissez l’être.

§ 253. Ablatif tenant lieu de deux propositions.

Latius opinione. — Plus æquo.

Le comparatif se joint élégamment aux ablatifs spe, opinione, exspectatione, dans des phrases où la comparaison tombe non sur l’espérance ou l’opinion elle-même, mais sur l’objet de cette espérance, de cette opinion : Latius opinione disseminatum est hoc malum, Cic. (ce mal est plus répandu qu’on ne pense) ; quam opinio est | id disseminatum esse. L’ablatif tient lieu, comme on voit, de deux propositions, tandis que, dans virtus est pretiosior auro, il en représente une seule, quam aurum est pretiosum.

Les ablatifs neutres æquo, justo, solito, employés de cette manière, se rendent en français par des locutions également elliptiques : Plus æquo (plus que de raison) ; Citatior solito amnis erat, T. Liv. (le fleuve était plus rapide que de coutume). De même, dicto citius (plus vite que la parole = plus tôt que la parole n’est achevée).

§ 254. COMPARATIF SIGNIFIANT trop, assez, un peu.

1. Souvent on emploie le comparatif seul et sans exprimer le second terme de la comparaison. Il se rend alors par trop avec le positif : Voluptas, quum major est atque longior, omne animi lumen exstinguit, Cic. (le plaisir, quand il est trop vif et trop prolongé, éteint toutes les lumières de l’esprit). En remplissant l’ellipse, on aurait major atque longior æquo, c’est-à-dire quam æquum est eam esse.

2. Il se traduit même quelquefois par assez : Obscuriora sunt Datamis gesta pleraque, Corn. Nép. (la plupart des exploits de Datames sont assez obscurs) ; — ou par un peu : Senectus est naturā loquacior, Cic. (la vieillesse est naturellement un peu causeuse).

On se fera une idée de cet emploi du comparatif en se le représentant ainsi : « Les exploits de Datames sont comparativement obscurs, c’est-à-dire, sont obscurs par comparaison à ceux qui ne le sont pas, ou qui le sont moins ; » et de même de l’autre exemple et de toutes les phrases analogues.

§ 255. Comparatif avec Quam ut et un subjonctif.

Trop pour. — Trop peu pour.

1. Le comparatif suivi de quam ut avec le subjonctif se rend en français par trop pour : Major sum et ad majora genitus, quam ut mancipium sim mei corporis, Sén. (je suis trop grand et appelé à de trop hautes destinées pour être esclave de mon corps) ; littéralement ; je sais plus grand et né pour de plus grandes choses, qu’il ne convient pour que je sois esclave de mon corps. Entre quam et ut, il y a une proposition entière de sous-entendue.

Cette tournure est la seule qui puisse traduire le français trop pour suivi d’un verbe. Il ne faut jamais dire nimis ut.

2. Si l’on veut exprimer en latin trop peu pour, on emploiera un comparatif d’infériorité : « Il avait trop peu de soldats pour vaincre, » Pauciores habebat milites, quam ut vinceret, (quam oportebat eum habere, ut vinceret).

Rem. Au lieu de quam ut, on peut dire quam qui : Major sum quam cui possit fortuna nocere, Ov. (je suis trop grand pour que la fortune puisse me nuire) ; cui pour ut mihi, d’après la règle établie § 235.

§ 256. Comparatif avec Quam pro et un ablatif.

La locution quam pro après un comparatif s’explique, comme quam ut, par une ellipse d’idée. Elle ne peut se rendre en français que par des équivalents : Prœlium atrocius, quam pro numero pugnantium, editur, T. Liv. (il s’engage un combat plus acharné que ne le faisait prévoir le nombre des combattants) ; quam futurum esse videbatur, pro numero pugnantium (eu égard au nombre des combattants).

Minor cædes, quam pro tantā victoriā, fuit, T. L. (le carnage ne fut pas proportionné à la grandeur de la victoire) ; fut moindre qu’il n’aurait pu l’être, pour une si grande victoire.

§ 257. Comparatif avec un ablatif de qualité ou de mesure.

Opibus inferiores. — Paulo sapientior.

1. On peut demander en quoi ou de combien un objet est au-dessus ou au-dessous d’un autre. Le mot qui sert de réponse à ces questions se met à l’ablatif : Allobroges nullā gallicā gente, opibus aut famā, inferiores sunt, T. Liv. (les Allobroges ne sont inférieurs en puissance ou en renommée, à aucune des nations gauloises). Les ablatifs opibus aut fama déterminent en quoi ou par quelle qualité les Allobroges ne sont pas inférieurs aux autres Gaulois. — Hibemia est dimidio minor quam Britannia, Cés. (l’Hibernie est moitié plus petite que la Bretagne). Dimidio détermine de combien ou dans quelle mesure l’Hibernie est la plus petite des deux îles.

2. Conformément à ce principe, les mots un peu, beaucoup, combien, tant, autant, et autres semblables, devant un comparatif, s’expriment par les ablatifs paulo, multo, tanto : « un peu plus sage, » paulo sapientior. — « La patrie m’est beaucoup plus chère que ma propre vie, » Patria mihi vitā meā multo est carior, Cic. — « Combien la règle des devoirs n’est-elle pas[2] plus étendue que celle du droit ! » Quanto latius officiorum patet, quam juris regula ! Sén.

§ 258. À cette classe de déterminatifs se rattachent les expressions françaises d’autant plus que, d’autant moins que. On rend d’autant par eo, hoc ou tanto, suivis d’un comparatif, et que par quo ou quanto, avec un autre comparatif : « L’air est d’autant plus épais, qu’il est plus près de la terre (est plus épais, par cela qu’il est plus près), » Eo crassior aer est, quo terris propior, Sén. — « Les moments sont d’autant plus courts, qu’ils sont plus heureux, » Tanto brevius omne tempus, quanto felicius est, Pl. le j.

S’il n’y avait pas de comparatif au second membre, que se rendrait par quod : Liberalitatem eo studiosius plerique laudant, quod summi cujusque bonitas commune perfugium est omnium, Cic. (on loue d’autant plus volontiers la libéralité, que la bonté des grands est le refuge commun de tous).

§ 259. Plus répété. — Quo doctior, eo modestior.

Cette phrase : « Il est d’autant plus modeste, qu’il est plus savant, » peut être remplacée par celle-ci : « Plus il est savant, plus il est modeste. » Le sens est le même, ainsi que la manière de traduire ; seulement, en latin comme en français, le second terme de la comparaison devient le premier, et le relatif se place avant l’antécédent : Quo doctior, eo modestior est. — « Plus la gloire des pères est grande, plus les fils doivent montrer d’ardeur pour la vertu, » Quanto major parentum est gloria, tanto studiosius filii ad virtutem debent niti. Cf. § 271-3.

§ 260. Comparatif employé pour le superlatif français.

Validior manuum.

1. Nous disons en français, avec le signe du superlatif : «La plus forte des deux mains ; Le plus âgé des deux frères. » En latin, toutes les fois qu’il n’est question que de deux personnes ou de deux choses, on se sert du comparatif, et le mot deux ne s’exprime pas : Validior manuum ; Frater natu major (on ne pourrait dire natu maximus que s’il s’agissait de trois frères au moins).

2. C’est d’après cette règle que le premier s’exprime par prior, d’abord ou en premier lieu par prius, si l’on parle de deux objets seulement : Duas a te accepi epistolas ; respondebo igitur priori prius, Cic. (j’ai reçu de vous deux lettres ; je répondrai donc à la première d’abord).

§ 261. Locutions comparatives : plus de, moins de.

Les expressions plus de, moins de se rendent par plus, minus, et le substantif qui les suit se met au génitif, si l’objet dont on parle est pris dans un sens collectif et général : « Plus d’eau, » Plus aquæ ; « Moins de vin, » Minus vini ; « Plus d’argent, » Plus pecuniæ, « Moins de forces, » Minus virium ; « Plus de crainte que de danger, » Plus timoris quam periculi, Sall.

Comme adjectifs neutres employés substantivement (§ 94), plus et minus, avec le génitif qui les détermine, forment toujours le sujet ou le complément direct d’un verbe : Absurdum est, quo minus viæ restat, eo plus viatici quærere, Cic. (il est absurde de faire d’autant plus de provisions de voyage, qu’il reste moins de chemin).

Rem. Avec un nom de qualité, plus de, moins de se tournent fort souvent par plus grand, plus petit, et se rendent par major, minor : « Plus de sagesse, » Major sapientia ; « Moins d’audace, » Minor audacia. Toutefois on peut dire aussi plus sapientiæ, minus audaciæ.

§ 262. Si l’on parle de plusieurs objets envisagés séparément et pouvant se compter, plus de s’exprime par plures, plura (plus nombreux) ; moins de par pauciores, pauciora (moins nombreux) : Pompeius plura bella gessit, quam ceteri legerunt, Cic. (Pompée a fait plus de guerres que les autres n’en ont lu). — Multo pauciores oratores quam poetæ boni reperiuntur, Cic. (on trouve beaucoup moins de bons orateurs que de bons poëtes).

§ 263. Plus de, moins de, avec un nom de nombre.

Plus, Amplius, Minus.

D’après la règle précédente, plus de, moins de, suivis d’un nom de nombre, se traduiront par plures quam, pauciores quam : Antiochus plures quam decem naves actuarias ne habeto, T. Liv. (qu’Antiochus ne puisse avoir plus de dix vaisseaux légers).

Mais il y a plusieurs autres manières d’exprimer les mêmes rapports.

1° On peut employer plus, amplius, minus, en leur donnant l’ablatif pour complément : Milites amplius horis quatuor pugnaverunt, Cic. (les soldats combattirent plus de quatre heures) ; Minus tribus medimnis nemo dedit, Cic. (personne ne donna moins de trois médimnes[3]).

2° On peut se servir de la locution adverbiale et conjonctive plus quam : Non plus quam quatuor millia hominum effugerunt, T. Liv. (il ne se sauva pas plus de quatre mille hommes). — Zeuxis et Polygnotus non usi sunt plus quam quatuor coloribus, Cic. (Zeuxis et Polygnote n’employèrent pas plus de quatre couleurs).

3° On peut sous-entendre quam, et mettre le nom des objets comptés au même cas que si quam était exprimé : Ex Romanis sociisque minus trecenti perierunt, T. Liv. (des Romains et des alliés, il périt moins de trois cents hommes) ; Apes nunquam plus unum regem patiuntur, Sén. (les abeilles ne souffrent jamais plus d’un roi[4]. Cette tournure est fort usitée, principalement avec le nominatif et l’accusatif.


SUPERLATIF.

§ 264. Nous avons en français deux superlatifs, l’un qu’on nomme absolu (très-sage), l’autre qu’on appelle relatif (le plus sage). Le latin n’a, pour marquer ces deux rapports, qu’une seule forme : sapientissimus.

Superlatif absolu.

Le superlatif absolu exprime la qualité dans un très-haut degré, mais sans exclure un degré plus haut encore ; ainsi le comparatif peut quelquefois enchérir sur le superlatif : Persuade tibi esse te quidem mihi carissimum, sed multo fore cariorem, si bonis præceptis lætabere, Cic. (persuadez-vous bien que vous m’êtes très-cher assurément, mais que vous me serez beaucoup plus cher, si vous prenez goût aux bons préceptes).

§ 265. Superlatif relatif avec le génitif.

Fortissimus militum.

Le superlatif relatif place une personne ou une chose au-dessus de toutes celles qui lui sont comparées : Socrates omnium sapientissimus oraculo Apollinis est judicatus, Cic. (Socrate fut déclaré le plus sage des hommes par l’oracle d’Apollon).

On voit par cet exemple que le nom des objets comparés se met au génitif pluriel (omnium sc. hominum), et que le superlatif prend le genre de ce génitif (sapientissimus). On dira donc : « Le plus brave des soldats, » fortissimus militum ; « La plus belle des villes, » pulcherrima urbium ; « Les plus grands des bienfaits, » maxima beneficiorum.

Cet accord du genre tient à ce que le nom des objets comparés est sous-entendu une fois avec le superlatif : miles fortissimus omnium militum (le soldat le plus courageux d’entre tous les soldats).

Il a lieu même lorsque le génitif est d’un autre genre que le sujet auquel le superlatif se rapporte : Velocissimum omnium animalium est delphinus, Plin. (le dauphin surpasse en vitesse tous les animaux) ; animal velocissimum omnium animalium.

Cependant le superlatif peut s’accorder avec le sujet, pourvu que celui-ci soit placé le premier : Indus est omnium fluminum maximus, Cic, de Nat. deor. II, 52 (l’Indus est le plus grand de tous les fleuves). Si l’on mettait le superlatif à la tête de la proposition, il faudrait nécessairement dire : maximum omnium fluminum est Indus, parce que l’idée de fleuve (flumen) dominerait toute la phrase, et saisirait l’esprit avant celle du nom propre Indus.

Rem. 1. Le génitif singulier d’un nom collectif n’influe en rien sur le genre du superlatif auquel il sert de complément ; ainsi l’on dira : Ditissimus urbis (le plus riche de la ville), c’est-à-dire en latin comme en français, « le plus riche des habitants de la ville. » Vir totius Græciæ doctissimus Plato, Cic. (Platon, l’homme le plus éclairé de toute la Grèce, c’est-à-dire des hommes de toute la Grèce)

2. Le superlatif des adverbes se construit, comme les autres, avec le génitif : Cæsar omnium fere oratorum latine loquitur elegantissime, Cic. (César est peut-être, de tous les orateurs, celui qui parle la langue latine avec le plus d’élégance) ; mot à mot : le plus élégamment de tous les orateurs.

§ 266. Superlatif relatif avec e, ex, inter.

Au lieu du génitif, le nom des objets comparés peut se mettre à l’ablatif avec e ou ex, ou à l’accusatif avec inter : Acerrimus ex omnibus nostris sensibus est sensus videndi, Cic. (le plus pénétrant de tous nos sens est celui de la vue). — Borysthenes inter Scythiæ amnes est amœnissimus, P. Mél. (le Borysthène est le plus agréable des fleuves de la Scythie, ou, entre les fleuves de la Scythie, le Borysthène est le plus agréable).

§ 267. Différentes manières d’augmenter la force du superlatif.

Unus omnium. Le superlatif, accompagné d’unus omnium, acquiert une force qu’il est souvent impossible de rendre en français : Aristides unus omnium justissimus fuisse traditur, Cic. (Aristide fut, dit-on, le plus juste de tous les Athéniens). Unus a pour effet d’opposer Aristide seul à tous les autres, et de le représenter comme un personnage unique par sa justice.

Multo, dans le même sens qu’avec le comparatif, § 257, 2. Id bellum multo maximum fuit, T. Liv. (cette guerre fut de beaucoup la plus grande).

Longe, même signification : Ex Britannis omnibus longe sunt humanissimi, qui Cantium incolunt, Cés. (de tous les Bretons, les plus civilisés de beaucoup sont ceux qui habitent le pays de Cant).

Vel, dans le sens de même, jusque : in fidibus, musicorum aures vel minima sentiunt, Cic. (dans les sons de la lyre, l’oreille des musiciens perçoit jusqu’aux plus petites nuances).

usages particuliers du superlatif.

§ 268. Le plus qu’il peut. — Le plus qu’il est possible.

Quam maximas potest copias armat.

Le superlatif, construit avec quam et le verbe posse, forme un idiotisme remarquable, qui est passé en français : Jugurtha quam maximas potest copias armat, Sall. (Jugurtha arme le plus de troupes qu’il peut). — Aves nidos quam possunt mollissime substernunt, Cic. (les oiseaux tapissent leurs nids le plus mollement qu’ils peuvent).

La ressemblance des deux langues rend cette tournure facile à imiter ; du reste en voici l’analyse : Jugurtha tam magnas armat copias, quam potest armare maximas. — Aves tam molliter substernunt nidos, quam possunt eos substernere mollissime.

§ 269. En français, on peut remplacer le plus qu’il peut, etc., par le plus qu’il est possible. On supprime même le verbe et la conjonction dans certaines locutions familières, comme le moins d’erreurs, le moins de fautes possible. Le latin, par une ellipse du même genre, sous-entend potest et conserve quam : Orator utatur verbis quam usitatissimis, Cic. (que l’orateur emploie les termes les plus usités qu’il lui sera possible ou simplement, les plus usités).

C’est sur cet usage que sont fondées les locutions quam primum (aussitôt, le plus tôt possible) ; quam sæpissime, quam celerrime (le plus souvent, le plus promptement possible), et autres semblables. Ainsi employé, quam ne sert assez souvent qu’à donner plus de force au superlatif.

§ 270. Autant que personne. — Plus que jamais.

Quam qui maxime. — Quum maxime.

1. Le superlatif précédé de quam qui, ut qui, répond aux gallicismes autant que personne, autant que qui que ce soit, qu’aucun homme du monde : Tam sum amicus reipublicæ, quam qui maxime, Cic. (je suis aussi ami de la république que personne), quam is qui est maxime amicus. — Te semper sic colam, ut quem diligentissime, Cic. (je vous serai toujours aussi dévoué qu’à aucun homme du monde) ; ut eum colo, quem colo diligentissime.

2. D’après cette analogie, ut quum maxime signifie autant que jamais, plus que jamais : Domus celebratur ita, ut quum maxime, Cic. (ma maison est aussi fréquentée que jamais), ita celebratur, ut quum maxime celebrata est.

On peut omettre ut et son antécédent ita, et quum maxime gardera le même sens : Omnia quæ captæ urbes patiuntur, passi sumus et quum maxime patimur, T. Liv. (nous avons souffert tous les malheurs d’une ville prise, et nous les souffrons plus que jamais) ; et patimur ita, ut pati quispiam potest, quum maxime patitur, autant qu’on peut les souffrir lorsqu’on les souffre le plus)[5].

§ 271. Superlatif avec quisque, quæque, quidque.

1. Il faut remarquer encore les locutions suivantes : Doctissimus quisque, (les hommes les plus savants, tout ce qu’il y a de savants) ; Optimus quisque, (les plus honnêtes gens, tous les honnêtes gens ; Pecunia semper ab amplissimo quōque clarissimoque contempta est, Cic. (l’argent fut toujours méprisé par les hommes les plus éminents et les plus illustres). Quisque annonce que la proposition s’applique à chacun de ceux qui possèdent la qualité exprimée par le superlatif, et que par conséquent elle s’applique à tous.

2. Une seule proposition contient souvent deux superlatifs opposés l’un à l’autre : Optimum quidque rarissimum est, Cic. (les meilleures choses sont toujours les plus rares) ; Maximæ cuique fortunæ minime credendum est, T. Liv. (c’est à la fortune la plus prospère qu’il faut le moins se fier).

3. Enfin les deux superlatifs opposés peuvent être répartis dans deux propositions, dont la première commencera par ut, la seconde par ita : Ut quidque optimum est, ita est rarissimum, mot à mot : selon que (ita... ut) chaque chose est la meilleure , elle est la plus rare.

Cette tournure rend élégamment le français plus répété, dans les phrases qui expriment une pensée générale, plus on, plus une chose : Ut quisque est vir optimus, ita difficillime esse alios improbos suspicatur, (plus on est homme de bien, plus on soupçonne difficilement les autres de ne l’être pas).

Rem. Nous avons vu, § 259, que le même gallicisme se rend aussi par quo... eo avec le comparatif. Le comparatif convient quand le sujet est déterminé (quo doctior Titus, eo modestior est), le superlatif quand le sujet est indéterminé (ut quisque doctissimus, ita modestissimus est). Au reste, plus on peut également se traduire par quo quis avec le comparatif : quo quis doctior, eo modestior est.

DES NOMS DE NOMBRE.

Nous avons donné, §§ 140-144, les principales règles des noms de nombre. Il suffira d’ajouter ici quelques observations.

§ 272. Mille. Millia.

1. Nous avons dit, § 140, Rem. 5, que mille, comme substantif, répondait au français un millier. En ce sens, le verbe dont il est le sujet peut se mettre au singulier : Hoc in fundo mille hominum facile versabatur valentium, Cic. (il se trouvait bien sur ce terrain un millier d’hommes robustes). Du reste, mille est beaucoup plus souvent employé comme adjectif : mille homines ; et, même en le prenant substantivement, on le construira toujours bien avec le pluriel en qualité de nom collectif : ut mille hominum descenderent, Cic. Rep. VI, 2, 8.

2. Quant à millia, il est toujours substantif, et par conséquent il faut dire duo millia, duobus millibus, centum millia, centum millibus, ou encore bina millia, centena millia.

Si millia n’est pas suivi d’un autre nombre, on met au genitif le nom des objets comptés : duo millia peditum[6]. Mais s’il est suivi d’un nombre plus petit, l’accord se fait avec ce dernier : duo millia et trecenti pedites.

3. Les poètes expriment aussi deux mille, trois mille par bis mille, ter mille, etc., en considérant toujours mille comme un adjectif indéclinable.

4. Les règles des nombres distributifs ont été exposées § 143.

§ 273. Nombres employés dans un sens indéterminé.

En latin comme en français, on emploie quelquefois un nombre déterminé pour un nombre indéterminé : Te tribus verbis volo (sc. alloqui), Plaut. — Sexcenta licet ejusmodi proferri, Cic. — Plus millies audivi, Tér. En français nous dirions, Je veux te dire deux mots. — On citerait des milliers d’exemples de cette espèce. — J’ai entendu cela plus de mille fois.

§ 274. Nombres cardinaux en français, ordinaux en latin.

Nous disons en français Louis Quatorze ; il faut tourner en latin, Louis le quatorzième, Ludovicus quartus decimus.

Nous disons L’an dix-huit cent quarante et un ; il faut dire en latin, par les nombres ordinaux, Annus millesimus octingentesimus quadragesimus primus. L’an deux mille, Annus bis millesimus.

Il en est de même des jours et des heures : Le quatre janvier, Dies quartus mensis januarii. Il est six heures, Sexta hora est. Quelle heure est-il ? Quŏta hora est ? (Sur le sens de quotus, voyez § 141).

DES ADJECTIFS DÉMONSTRATIFS.

§ 275. Hic. Ille.

D’après ce qui a été dit § 29, ces démonstratifs ne s’emploient pas indistinctement. Hic désigne les objets rapprochés de celui qui parle, soit par le lieu, soit par le temps, soit par la pensée. Ille est opposé à hic et désigne les objets éloignés.

Quelquefois hic et ille ne servent qu’à déterminer davantage les mots qu’ils accompagnent : Catulus non antiquo illo more, sed hoc nostro fuit eruditus, Cic. (Catulus était savant, non à la manière des anciens, mais à la nôtre).

Souvent ils répondent au français celui-ci.... celui-là ; l’un .... l’autre ; le premier.... le second ; l’usagc le plus général est alors de représenter le premier substantif par ille, le dernier par hic : Ignavia corpus hebetat, labor firmat ; illa maturam senectutem, hic longam adolescentiam reddit, Cels. (la paresse affaiblit le corps, le travail le fortifie ; celle-là avance la vieillesse, celui-ci prolonge la jeunesse).

§ 276. Iste comparé à Hic et à Ille.

Dans son acception primitive, iste signifie « celui qui est près de vous », comme hic signifie « celui qui est près de moi », et ille « celui qui en est loin. »

En parlant aux juges, l’avocat désignera donc son client par hic (celui pour lequel je parle), son adversaire par iste (celui qui est devant vous), et toutes les autres personnes par illi.

De l’idée d’adversaire, on passe facilement à celle du mépris ; de là vient qu’iste est souvent pris en mauvaise part : Ubi sunt isti, qui iracundiam utilem dicunt ? Cic. (où sont ces gens qui disent que la colère est utile ?)

Mais il peut aussi, comme exprimant un simple rapport à la seconde personne, être pris en bonne part : Homines sapientes et istā auctoritate præditi, quā vos estis, Cic. (des hommes sages, et d’une autorité aussi grande que la vôtre).

§ 277. Ipse.

1. Le nominatif ipse se joint élégamment aux cas indirects des pronoms personnels (mihi ipse, me ipse, etc.), lorsqu’on veut attirer l’attention sur le sujet du verbe et le présenter comme agissant : Non egeo medicinā ; me ipse consolor, Cic. (je n’ai pas besoin de consolations étrangères ; je me console moi-même), c’est-à-dire je suis moi-même mon consolateur. — Avarus sibi ipse nocet, (l’avare se nuit à lui-même) ; c’est lui-même qui est l’auteur de son mal.

2. Mais si l’on veut montrer le sujet comme recevant l’action, ipse pourra s’accorder avec le pronom : Pompeium omnibus, Lentulum mihi ipsi antepono, Cic. (je préfère Pompée à tous les hommes, Lentulus à moi-même).

Rem. On dira pareillement, Multi sunt qui alios, nemo qui se ipsum oderit, où se ipsum est opposé à alios, comme mihi ipsi l’est à omnibus. Mais si l’opposition disparaît, ipse sera préférable : Nemo est qui ipse se oderit, Cic. (il n’est personne qui se haïsse soi-même).

§278. Is, ea, id.

Ce démonstratif est celui qui répond le plus directement au français il, elle, le, la, et qui par conséquent sert le plus souvent de pronom de la troisième personne : Servus meus aufugit ; is est in tua provincia, Cic. (mon esclave s’est enfui ; il est dans votre province).

§ 279. Is.... qui, is sum qui, avec le subjonctif.

Is produit quelquefois l’effet de notre article indéfini un suivi de qui relatif, comme dans cette phrase : « Vous avez un consul qui ne craindra pas d’exécuter vos décrets, » Habetis eum consulem, qui vestris decretis parēre non dubitet, Cic. Les mots eum consulem qui... signifient un consul tel, que... ; voilà pourquoi le second verbe est au subjonctif.

En ce sens, is, ea, id, suivi de qui ou de ut, rend fort bien les gallicismes être homme a, être capable de : Non te puto eum esse, qui Jovi fulmen fabricatos esse Cyclopas in Ætna putes, Cic. (je ne vous crois pas homme à penser, capable de penser que les Cyclopes aient fabriqué la foudre pour Jupiter dans les cavernes de l’Etna) = je ne vous crois pas tel, que vous puissiez penser. — Non is sum, ut mea me maxime delectent, Cic. (je ne suis pas homme à me complaire exclusivement dans mes propres idées) = tel, que je me complaise....

§ 280. Is sum qui, avec l’indicatif.

Lorsque tel que signifie celui que, le même que, ce que il peut également se rendre par is... qui, mais alors on met le second verbe à l’indicatif : « Je suis tel maintenant que je fus toujours (je suis le même, je suis ce que je fus toujours), » Is nunc ego sum, qui semper fui. — « Je suis tel envers lui, que vous voulez que je sois (je suis celui, je suis ce que vous voulez que je sois), » Ego is in illum sum, quem tu me esse vis, Cic.

Nota. Tel que se rend aussi par talis.... qualis ; cf. § 236.

§281. Idem, eadem, idem.

1. Le que français après le même, la même, se rend par qui, quæ, quod : « La règle de l’utile est la même que celle de l’honnête, » Eadem utilitatis, quæ honestatis est regula, Cic. — « Les esclaves avaient les mêmes mœurs que le maître, » Servi iisdem moribus erant, quibus dominus (sc. erat.)[7].

2. On peut remplacer qui par et, ac ou atque : Virtus eadem in homine ac Deo est, Cic. (la vertu est de la même nature dans l’homme que dans Dieu = dans l’homme et dans Dieu).

§ 282. Ea demum amicitia est.

Hic, ille, iste, is, idem, employés comme sujet au nominatif ou à l’accusatif, s’accordent toujours en genre et en nombre avec le substantif qui leur sert d’attribut. En français, ces mots se rendent par ce, ce qui, ce que, ce a quoi, voila :

Idem velle atque idem nolle, ea demum firma amicitia est, Sall. (vouloir les mêmes biens, repousser les mêmes maux, voilà ce qui fait la solide amitié).

Animi est ista mollities, inopiam paulisper ferre non posse. Cés. (c’est une faiblesse d’âme, de ne pouvoir supporter un instant les privations).

Euphrates philosophus affirmat esse hanc philosophiæ partem, agere negotium publicum, Plin. Ep. I, 10 (le philosophe Euphratès affirme que c’est une partie de la philosophie, que de consacrer ses soins aux affaires publiques).

Puto esse hanc necessitudinem, cui nullā vi resisti potest, Cic. de Inv. II, 57, (j’appelle nécessité ce à quoi nulle force ne peut mettre obstacle).

Quæ pertinacia quibusdam, eadem aliis constantia videri potest, Cic. (ce qui est de l’opiniâtreté pour quelques-uns, peut être de la constance pour d’autres).

§ 283. Celui, celle, non rendus en latin.

Celui, celle, etc., suivis de la préposition de, ne se rendent jamais en latin. On sous-entend le nom que ces mots représentent, toutes les fois qu’il n’en résulte pas d’obscurité : Animi lineamenta sunt pulchriora quam corporis, Cic. (les traits de l’âme sont plus beaux que ceux du corps), quam lineamenta corporis[8].

On le répète si la clarté l’exige : Nulla est celeritas, quæ possit cum animi celeritate contendere, Cic. (il n’y a pas de vitesse qui puisse lutter avec celle de la pensée).

DE L’ADJECTIF INTERROGATIF.

§ 284. Quis, qui ? Quid, quod ?

1. Nous avons remarqué, § 33, que le neutre quid est toujours substantif, et quod toujours adjectif :

Quid faciet is homo in tenebris, qui nihil timet nisi testem et judicem ? Cic. (que fera dans les ténèbres l’homme qui ne craint rien, si ce n’est un témoin et un juge) ?

Quod genus belli esse potest, in quo Pompeium non exercuerit fortuna reipublicæ ? Cic. (quel genre de guerre peut-il y avoir, dans lequel la fortune de la république n’ait exercé les talents de Pompée) ?

2. Le masculin a aussi deux formes, quis et qui, dont l’exemple suivant fera sentir la différence : Quis est herus tuus ? (quel est ton maître ? = comment se nomme-t-il ?) — Qui est herus tuus ? (quel homme, quelle espèce d’homme est ton maître ?)

Quis interroge donc sur le nom, Qui sur la qualité :

Quis sim[9], ex eo quem ad te misi, cognosces, Sall. (celui que je t’envoie t’apprendra qui je suis = quel est mon nom).

Tu te collige, et qui sis considera, Cic. (rentrez en vous-même, et considérez qui vous êtes = quel homme vous êtes).

L’un et l’autre peuvent se joindre à des substantifs : Quis eques romanus, quis adolescens nobilis in clivo Capitolino non fuit ? Cic. Phil. II, 7, (quel chevalier romain, quel jeune homme noble ne se trouva pas sur la montée du Capitole ? = nommez-moi celui qui ne s’y trouva pas).

O qui pennarum, corve, tuarum est nitor ! Ph. (quel est, ô corbeau, l’éclat de ton plumage ! = combien grand est cet éclat ![10]) Dans le sens admiratif, on se sert toujours de qui.

§ 285. Uter, utra, utrum.

1. On emploie uter au lieu de quis, lorsqu’il ne s’agit que de deux personnes ou de deux choses : Uter nostrum popularis est ? tune, an ego ? Cic. (lequel de nous deux est ami du peuple ? est-ce vous, ou moi ?) cf. § 468.

2. D’après ce principe, uter se joint au comparatif, quis au superlatif : Quæritur, ex duobus uter dignior sit, ex pluribus quis dignissimus, Quintil. (entre deux personnes, on demande quelle est la plus digne des deux ; entre plusieurs, quelle est la plus digne de toutes).

3. L’autre après lequel des deux se rend par uter, qui se trouve ainsi employé, dans la même proposition, à deux cas différents : Quærere debetis, uter utri insidias fecerit, Cic. (vous devez rechercher lequel des deux a dressé des embûches à l’autre).

4. Uter signifie quelquefois celui des deux qui, et alors il est relatif, comme qui, quæ, quod : Vobis bellum et pacem portamus ; utrum placet, sumite, T. Liv. (nous vous apportons la paix et la guerre ; prenez celle des deux qu’il vous plaira) ; sumite id, utrum sumere vobis placet.
DE QUELQUES ADJECTIFS DÉTERMINATIFS (§31 ).

§ 286. Alius, alia, aliud.

1. Le que français après autre, s’exprime par ac, atque ou et : Aliæ sunt legati partes, atque imperatoris, Cés. (le rôle d’un lieutenant et celui d’un géneral sont différents = le rôle d’un lieutenant est autre que celui d’un général).

Lux longe alia est solis et lychnorum, Cic. (la lumière du soleil est tout autre que celle des flambeaux).

Non alius essem, atque nunc sum, Cic. (je ne serais pas autre que je suis maintenant).

2. Non aliud, nihil aliud, quid aliud ? se construisent avec quam ou nisi : Non aliud Eumeni defuit, quam generosa stirps, C. N. (il ne manqua rien autre chose à Eumène qu’une bonne naissance). — Discere nihil aliud est, nisi recordari, Cic. (apprendre n’est autre chose que se souvenir)[11].

§ 287. Alius répété.

1. Souvent alius est répété dans deux ou plusieurs propositions :

Divitias alii præponunt, alii potentiam, alii honores, (les uns préfèrent les richesses, les autres le pouvoir, d’autres les honneurs).

Aliă sentit, aliă loquitur, Cic. (il pense une chose, il en dit une autre = il parle autrement qu’il ne pense).

Aliud est maledicere, aliud accusare, Cic. (autre chose est de médire, autre chose d’accuser).

D’après ce dernier exemple, le proverbe français « Promettre et tenir sont deux, » ou « Promettre est un et tenir est un autre, » se rendra ainsi : Aliud est polliceri, aliud præstare.

2. Une même proposition peut renfermer deux cas d’alius, opposés l’un à l’autre : Alius alio more vivebat, (l’un vivait d’une manière, l’autre d’une autre = chacun vivait à sa manière).

Aliud aliis videtur optimum, Cic. (une chose paraît la meilleure à ceux-ci, une autre chose à ceux-là = chacun se fait de la perfection une idée différente).

Alii alios juvare debemus, (noos devons nous aider les uns les autres = nous aider mutuellement = nous entr’aider ).

3. Tout ce que nous avons dit d’alius, s’applique aux adverbes qui en dérivent : Aliter cum tyranno, aliter cum amico vivitur, Cic. (on vit autrement avec un tyran qu’avec un ami). — Alii alio dilapsi sunt, (ils se dispersèrent l’un d’un côté, l’autre d’un autre = chacun de son côté ).

§288. Alter, altera, alterum.

L’un, l’autre, quand il ne s’agit que de deux, s’expriment par alter répété : Alterā manu fert lapidem, panem ostentat alterā, Plaut. (d’une main, il tient une pierre, de l’autre il montre du pain).

Noxii ambo alter in alterum causam conferunt, T. Liv. (coupables tous deux, ils rejettent l’accusation l’un sur l’autre).

Au lieu d’alter répété, on trouve aussi unus.... alter : Hercules duas cernebat vias, unam voluptatis, alteram virtutis, Cic. (Hercule voyait deux chemins ; l’un était celui de la volupté, l’autre celui de la vertu).

§ 289. Uterque. Neuter. Alteruter.

1. L’un et l’autre, chacun des deux, tous deux, se rendent par uterque : Uterque virtute regnum adeptus est, C. N. (l’un et l’autre parvinrent à la royauté par leur mérite). Le singulier suffit, comme on voit, pour désigner deux personnes ou deux choses.

On emploie le pluriel lorsqu’il s’agit de deux partis, de deux peuples, de deux classes d’individus : Utrique victoriam crudeliter exercebant, Sall. (les deux partis [celui du peuple et celui des grands] usaient cruellement de la victoire).

On l’emploie même pour désigner deux objets qui vont ensemble, qui forment un couple, une paire : Binos habebam scyphos ; jubeo promi utrosque, Cic. (j’avais deux coupes ; je les fais aporter l’une et l’autre) ; binos, au lieu de duo, indique que ces deux vases formaient une paire et ne se séparaient pas.

2. Uterque et alter peuvent se correspondre dans la même proposition : Utrique alteris freti, Sall. (les deux peuples, soutenus l’un par l’autre = chacun des deux s’appuyant sur l’autre).

§ 290. 1. Neuter (ni l’un ni l’autre, aucun des deux) a également alter pour corrélatif : Quum æquali curā linguam utramque tueri cœperimus, neutra alteri officiet, Quintil. I, 1, (lorsque nous ferons marcher de pair la culture des deux langues, elles ne se nuiront pas l’une à l’autre).

2. Alteruter (l’un ou l’autre, l’un des deux) : Necesse est alterutrum vincere, Cic. (il faut nécessairement que l’un ou l’autre soit vainqueur).

Il peut, comme uterque et neuter, s’opposer à alter : Ne alteruter alterum præoccuparet, C. N. (de peur que l’un des deux ne prévînt l’autre).

Rem. Lorsqu’on parle d’objets qui sont toujours au nombre de deux et ne peuvent pas dépasser ce nombre, alter suffit pour signifier l’un des deux : Alter consulum triumphavit, T. Liv. (l’un des deux consuls reçut les honneurs du triomphe). Altera manuum (l’une des deux mains). Altero oculo carere, Plin. (être privé d’un œil).

§ 291. Quis (indéfini). Aliquis.

Ainsi que nous l’avons annoncé, § 34, II, on emploie quis au lieu d’aliquis après les conjonctions si, nisi, ne, quum, après le relatif qui, quæ, quod, et après les adverbes conjonctifs quo, quanto, ubi, unde, quomodo, etc. :

Si quis[12] rex, si quă civitas exterarum gentium, si quă natio fecisset aliquid in civem romanum ejusmodi, nonne publice vindicaremus ? Cic. (si un roi, si une cité étrangère, si quelque nation avait commis un pareil attentat contre un citoyen romain, la république n’en tirerait-elle pas vengeance) ?

In Gallia, si quod est admissum facinus, Druides decernunt, Cés. (en Gaule, si quelque crime a été commis, le jugement appartient aux Druides).

Si quid in te peccavi, ignosce, Cic. (si j’ai eu quelque tort envers vous, pardonnez-le-moi).

Num quis irascitur pueris, Sén. (se met-on en colère contre les enfants ?)

Rem. 1. On emploie cependant la forme composée aliquis, lorsqu’on veut attirer l’attention sur l’idée qu’elle exprime, Timebat omnia Pompeius, ne aliquid vos timeretis, Cic. (Pompée craignait tout, afin que vous n’eussiez pas à craindre quelque chose = afin que vous-mêmes n’eussiez rien à craindre) ; ne quid ne marquerait pas assez fortement l’opposition.

2. Si quando, nē quando, sicubi, nēcubi, tiennent lieu de si―, ne aliquando, si―, ne alicubi, comme si quis de si aliquis, etc.

§ 292. Quisquis. Quicunque.

Quisquis et quicunque sont toujours relatifs, comme qui, quæ', quod, et signifient quiconque, tout homme qui..., et non pas seulement tout homme : Quisquis hoc facit, recte facit (quiconque fait cela, tout homme qui fait cela, fait bien) ; antécédent sous-entendu, is.

Lentulus, quidquid habuit, illud totum habuit ex disciplina, Cic. (tout ce que Lentulus eut de talent, il le dut aux leçons des maîtres) ; antécédent exprimé, totum illud.

Non omnia quæcunque loquimur ad artem sunt revocanda, Cic. (toutes les paroles que nous disons ne doivent pas être ramenées à des règles).

Lorsque le verbe auquel se rapporte quicunque est sous-entendu, l’analyse doit le rétablir : Quæ sanari poterunt, quācunque ratione sanabo, Cic. (les maux qui pourront être guéris, je les guérirai à tout prix) ; quācunque potero ratione[13].

Rem. Les relatifs français qui et quiconque, précédés d’une préposition comme dans cette phrase, « La vie est dure à quiconque est esclave de l’avarice, » n’en sont pas moins sujets du verbe qui les suit : à quiconque veut dire à celui, quel qu’il soit, qui ; à tout homme qui. L’antécédent est donc sous-entendu ; il peut aussi l’être en latin : Miseranda est vita, qui se metui quam amari malunt, C. N. X, 9 (la vie est malheureuse pour qui aime mieux, pour quiconque aime mieux être craint que d’être aimé) ; eis qui malunt. Du reste, cette ellipse de l’antécédent est rare, lorsqu’il doit être, comme ici, à un autre cas que le relatif.

DES PRONOMS PERSONNELS.

§ 293. Il ne faut pas confondre les génitifs mei, tui, sui, avec les adjectifs possessifs meus, tuus, suus. Ainsi pars mea signifie « ma part, la portion qui m’appartient, » et pars mei, « une partie de moi-même, une des parties dont je suis composé. »

Animus pars mei est, Sén. (mon âme est une partie de moi-même).

Pars tui melior immortalis est, Sén. (la meilleure partie de toi-même est immortelle).

Virtus pretium sui est, Sén. (la vertu est la récompense d’elle-même = le prix de la vertu, c’est elle-même).

§ 294. Nostri, vestri. Nostrum, vestrum.

Nous avons remarqué, § 35 et § 146-4, que les génitifs nostri, vestri, se prenaient dans le sens collectif, nostrum, vestrum, dans le sens partitif.

Sens collectif. Nostri melior pars animus est, Sén. (l’âme est la meilleure partie de nous-mêmes). — Memoriam nostri quam maxime longam efficere, Sall. (laisser de nous le plus long souvenir). — Habetis ducem memorem vestri, oblitum sui, Cic. (vous avez un chef qui se souvient de vous, et qui s’oublie lui-même).

Dans ces exemples, nostri comprend la totalité des hommes, vestri, celle des sénateurs, sans acception des individus.

Sens partitif. Patria communis est omnium nostrum parens, Cic. (la patrie est notre mère commune à tous). — Nemo nostrum idem est in senectute, qui fuit juvenis, Sén. (aucun de nous n’est le même dans la vieillesse, qu’il fut étant jeune). - Minus habeo virium, quam vestrum utervis, Cic. (j’ai moins de forces qu’aucun de vous deux).

Dans ces exemples, on considère moins le tout que ses parties, l’ensemble que les individus. Par la même raison, il faudra dire, Quis vestrum ? et non quis vestri ? de plus unusquisque, uterque, aliquis, quisquam nostrum , etc.
PRONOM RÉFLÉCHI DE LA TROISIÈME PERSONNE.

§ 295. Se, soi, soi-même.

On n’exprime pas en latin le pronom se, 1° quand il appartient à un verbe pronominal, comme « il se tait, il se plaint, il se promène, il se hâte », Tacet, queritur, ambulat, festinat ; 2° quand il ne fait que donner au verbe le sens passif, § 68 : « Les histoires ne se liront plus, » Jam non legentur annales. — « Le brave ne s’émeut pas à la vue du danger, » Vir fortis periculo non movetur.

Dans toute autre circonstance, se, soi, se rendent par sui, sibi, se : « Tout être vivant fait en sorte de se conserver, » Omne animal id agit, ut se conservet, Cic. — « L’honnête homme n’ôtera rien à personne pour se l’approprier, » Vir bonus nihil cuiquam, quod in se transferat, detrahet, Cic. — « Tout le monde hait celui qui n’aime que soi, » Omnes eum oderunt, qui se unum diligit. — « L’empire le plus glorieux est celui qu’on exerce sur soi-même, » Imperare sibi maximum imperium est, Sén. Voyez d’autres exemples à l’article d’ipse, § 277.

§ 296. Il, elle, lui, etc., employés dans le sens réfléchi.

Les pronoms il, elle, le, la, lui, leur, se rendent également par sui, sibi, se,

1° Lorsqu’ils sont dans la même proposition que le terme qu’ils représentent : « César appelle Labiénus auprès de lui (auprès de César), » Cæsar Labienum ad se vocat. — « La justice doit être pratiquée pour elle-même (pour la justice), » Justitia propter sese colenda est, Cic. — « La raison et la parole unissent les hommes entre eux, » Ratio et oratio conciliant inter se homines, Cic.

2°. Lorsque, dans une proposition subordonnée complétive, ils représentent le sujet de la proposition principale :

« Arioviste répondit à César, qu’il (lui Ariovisle) était venu dans la Gaule avant le peuple romain, » Ariovistus Cæsari respondit se prius in Galliam venisse, quam populum romanum', Cés.

« Sylla voulut qu’on le brûlât après sa mort (lui Sylla), » Sylla se cremari post mortem voluit, Sén.

« Les Allobroges priaient Umbrénus d’avoir pitié d’eux (des Allobroges), » Allobroges Umbrenum orabant, ut sui misereretur, Sall.

« César m’engage à lui servir de lieutenant (à lui César) » A Cæsare invitor ut sibi sim legatus, Cic.

Rem. Le pronom sui, sibi, se, peut encore s’employer dans certaines propositions subordonnées qui ne sont pas complétives, pourvu qu’il y représente sans équivoque le sujet de la proposition principale :

Annibal Scipionem, eo ipso quod adversus se dux lectus esset, præstantem virum credebat, T. Liv. (Annibal regardait Scipion comme un homme supérieur, par cela même qu’il avait été choisi pour commander contre lui). Il est évident que se en latin, et lui en français, représentent Annibal.

Themistocles domino navis quis sit aperit, multa pollicens si se conservasset, C. N. (Thémistocle découvre son nom au maître du navire, lui promettant, s’il le sauvait, de grandes récompenses). Ici encore, les pronoms se et le ne peuvent se rapporter qu’à Thémistocle.

On remarquera de plus que, dans l’un et dans l’autre exemple, la proposition subordonnée exprime la pensée du sujet principal, et non celle de l’historien. C’est Annibal qui est censé dire pourquoi il estimait Scipion ; c’est Thémistocle qui met une condition aux promesses qu’il fait. La proposition subordonnée est donc intimement liée à la principale, et cette liaison est marquée par le pronom réfléchi et par le subjonctif ; elle est moins sensible en français, où l’on emploie lui et le, avec l’indicatif.

§ 297. Ipse employé pour éviter l’équivoque.

L’emploi de sui, sibi, se, peut quelquefois donner lieu à des équivoques ; ainsi Caius Publium oravit ut sibi consuleret, peut signifier également, « Caius pria Publius de le ménager (lui Caïus), » ou de se ménager (lui Publius). Il faut dire, dans le premier sens : Caius Publium oravit ut ipsi consuleret ; dans le second : ut ipse sibi consuleret.

Lorsqu’il y aura doute, on représentera donc le sujet de la proposition principale par les cas indirects d’ipse : Jugurtha legatos ad consulem mittit, qui ipsi liberisque vitam peterent, Sall. (Jugurtha envoie au consul des ambassadeurs, chargés de demander la vie pour lui et pour ses enfants) ; ipsi ne peut se rapporter qu’à Jugurtha ; sibi aurait pu désigner également les ambassadeurs.

Quelquefois la suite des idées suffit pour lever l’équivoque. Lorsqu’on aura dit, par exemple, que César était menacé d’un grand danger aux ides de mars, la phrase, Calpurnia uxor illum orabat ut sibi caveret, signifiera nécessairement, «  Calpurnie, sa femme, le priait de se tenir sur ses gardes (lui César), » parce que ce n’était pas Calpurnie qui était menacée.

Rem. Dans tous les cas dont les deux §§ précédents ne font point mention, il, le, lui, leur, se rendent par is, ea, id, ou par un autre démonstratif :

Annibal quandiu in Italia fuit, nemo ei in acie restitit, C. N. (tant qu’Annibal fut en Italie, personne ne lui résista en bataille rangée) ; ei ne représente pas le sujet de la proposition principale, qui est nemo.

Ennius esse deos censet, sed eos non curare opinatur quid agat humanum genus, Cic. (Ennius reconnaît des dieux, mais il pense qu’ils ne s’occupent pas de ce que font les hommes) ; eos représente les dieux, et c’est Ennius qui est le sujet de censet et d’opinatur.


ADJECTIFS PRONOMINAUX POSSESSIFS.

§298. Son, sa, ses, leur, leurs.

L’adjectif possessif suus, sua, suum, a le sens réfléchi comme sui, sibi, se, et il se règle d’après les mêmes principes. Il s’emploie donc pour rendre son, sa, ses,

1° Lorsque l’objet possesseur et l’objet possédé sont dans la même proposition :

« Un chien vit son image dans le miroir des eaux, » Canis lympharum in speculo vidit simulacrum suum, Phèd. Objet possesseur, canis, sujet de vidit ; objet possédé, simulacrum.

« J’écris à mon ami de vous confier son affaire, » Scribo ad amicum, ut tibi negotium suum committat, Cic. Objet possesseur, is, sous-entendu, sujet de committat ; objet possédé, negotium.

2° Lorsque l’objet possesseur est sujet de la proposition principale, et que l’objet possédé se trouve dans une proposition subordonnée complétive :

« Les habitants de Colophon disent qu’Homère est leur compatriote ; ceux de Smyrne soutiennent qu’il est le leur, » Homerum Colophonii civem esse dicunt suum ; Smyrnæi vero suum esse confirmant, Cic.

« Pythius assembla chez lui les pêcheurs, et les pria de pêcher devant ses jardins, » Pythius piscatores ad se convocavit, et ab iis petivit ut ante suos hortulos piscarentur, Cic.

§ 299. Remarque sur la première règle.

Dans les deux exemples cités sous le n° 1, l’objet possesseur est sujet de la proposition. Dans le suivant, où Cicéron dit, en parlant d’Annibal, Hunc sui cives e civitate ejecerunt (ses concitoyens le bannirent), hunc, qui représente Annibal, objet possesseur, n’est plus sujet, il est conaplément ; mais il se trouve dans la même proposition que cives, objet possédé, et cela suffit pour justifier l’emploi de suus. Cette tournure forme un latinisme très-usité :

Scipio suas res Syracusanis restituit, T. L. (Scipion rendit aux Syracusains leurs propriétés). — Avidum sæpe sua deludit aviditas, (l’homme avide est souvent dupe de son avidité). — Sua militibus stipendia solvere, (compter aux soldats leur paye).

Quand l’objet possesseur est désigné par un des cas de quisque, suus se place ordinairement avant ce mot : Nocet sua cuique stultitia, Sén. (chacun est victime de sa folie). — Justitia suum cuique tribuit, Cic. (la justice rend à chacun le sien = ce qui lui appartient.) — Sui cuique mores fingunt fortunam, C. N., et Fortuna suis cuique fingitur moribus, Cic. (les mœurs de chacun font sa destinée).

§ 300. Remarque sur la deuxième règle.

Le réfléchi suus peut s’employer dans des propositions subordonnées, qui ne sont pas complétives, pourvu que l’objet possédé se rapporte sans équivoque au sujet de la proposition principale : Fonteius, in periculis, eadem se solatia suis relinquere arbitrabatur, quæ suus pater sibi reliquisset, Cic. (Fontéius, en bravant les dangers, croyait laisser aux siens les mêmes consolations que son père lui avait laissées).

On observera ici, comme au § 296, que la proposition subordonnée exprime la pensée du sujet principal, Fontéius, et non celle de Cicéron. Si ce dernier avait voulu raconter un fait en son propre nom, il aurait employé ejus avec l’indicatif, d’après la règle suivante, et il aurait dit : Fonteius eadem solatia suis reliquit, quæ pater ejus ipsi reliquerat, on selon le § 299, quæ suus ei pater reliquerat.

§ 301. Son, sa, ses, dans un sens non réfléchi.

Tiberius ejusque frater.

{{sc|Son, sa, ses, leur, leurs, se tournent par de lui, d’elle, d’eux, d’elles, en latin ejus, eorum, earum (qqf. illius ou istius), lorsque l’objet possesseur et l’objet possédé appartiennent à deux propositions indépendantes l’une de l’autre : « Je connais Cicéron et j’admire son génie (le génie de lui), » Novi Ciceronem, ejusque miror ingenium.

Rem. 1. Une phrase qui a deux sujets ou deux compléments unis par et, peut toujours se ramener à deux propositions indépendantes :

« Tibérius Gracchus et son frère furent tués, (Tibérius fut tué, le frère de lui fut tué), » Tiberius Gracchus ejusque frater occisi sunt.

« On livra au supplice Lentulus et ses complices, » Sumptum supplicium est de Lentulo et sociis ejus, (sumptum est de Lentulo, et sumptum est de sociis ejus).

2. On emploie encore ejus dans certains cas où l’objet possesseur et l’objet possédé appartiennent à la même proposition, pourvu que ni l’un ni l’autre n’en soient le sujet, et qu’ils ne soient liés par aucune idée de réciprocité :

Oratio principis per quæstorem ejus audita est, Tac. (le discours du prince fut lu par son questeur[14]). Le prince et son questeur sont ici considérés séparément : le discours du prince fut entendu, et ce fut le questeur du prince qui en donna lecture. La phrase équivaut donc réellement à deux propositions.

3. La possession est souvent exprimée en français par en, qui représente de lui, d’elle, d’eux : « J’ai vu le temple, et j’en ai admiré la grandeur, » Templum vidi, et ejus magnitudinem miratus sum.

§ 302. Equivoques à éviter.

1. L’emploi de suus peut quelquefois donner lieu à des équivoques. Pour les éviter, on se sert d’ipsius, ipsorum :

[Cæsar milites suos interrogabat] cur de suā virtute, aut de ipsius diligentiā desperarent, Cés. (César demandait à ses soldats pourquoi ils désespéraient de leur courage ou de son activité) ; suā diligentiā aurait pu se rapporter aux soldats, comme sua virtute ; ipsius ne peut désigner que César.

Narbazanes et Bessus Artabazum orabant ut causam ipsorum tueretur, Q. Curce, (Narbazane et Bessus priaient Artabaze de défendre leur cause) ; causam suam aurait pu signifier la cause d’Artabaze.

2. Son, sa, ses, peuvent être obscurs en français comme suus en latin. Si je dis : « Milon rencontre Clodius devant sa terre, » on ne saura pas si c’est la terre de Clodius ou celle de Milon que je veux désigner. Comme il s’agit d’une terre de Clodius, il faut dire : « devant la terre de celui-ci, » et en latin, Milo fit obviam Clodio ante fundum ejus, Cic. Remarquons ejus, et non ipsius, qui rappellerait l’idée de Milon, ni suum, qui pourrait s’appliquer à l’un aussi bien qu’à l’autre. Avec un sujet de la première ou de la seconde personne, comme l’erreur serait impossible, on dirait indistinctement, fuimus, fuistis obviam Clodio ante fundum suum, ejus ou ipsius.

§ 303. Observation générale sur les adjectifs possessifs des trois personnes.

Mon, ton, son, ne s’expriment pas en latin, lorsque le sens permet de les suppléer sans équivoque : In eloquentiæ studio ætatem consumpsi, Cic. (j’ai passé ma vie dans l’étude de l’éloquence). — Pater dedit filio vitam perituram, Sén. (le père a donné à son fils une existence qui doit finir). — Pœnam semper ante oculos versari putant, qui peccarunt, Cic. (ceux qui ont fait le mal croient toujours que le châtiment est devant leurs yeux = les coupables ont toujours le châtiment devant les yeux).

USAGES PARTICULIERS DES CAS.

§ 304. DU VOCATIF.

Le vocatif, comme son nom l’indique, sert pour appeler quelqu’un, pour lui adresser la parole. Souvent il ne fait pas partie de la proposition : Quanquam, o dii boni ! quid est in hominis vita diu ? Cic. (du reste, bons dieux ! qu’est-ce que longtemps dans la vie de l’homme ?) Quid est le sujet, diu l’attribut ; le vocatif, dii boni, n’appartient ni à l’un ni à l’autre.

Cependant, avec un verbe à la seconde personne, il peut être regardé comme le sujet de ce verbe, à moins qu’on aime mieux sous-entendre tu : Urbem, mi Rufe, cole, Cic. (habitez la ville, mon cher Rufus).

Quelquefois il forme une proposition à lui seul : Salve, primus omnium parens patriæ appellate ! Plin. (je te salue, ô toi qui le premier fus nommé père de la patrie) ! Appellate équivaut à qui appellatus es ; voilà pourquoi primus, apposition de l’attribut, est au nominatif.

Le vocatif est rarement le premier mot d’une phrase.


§ 305. DU GÉNITIF.

D’après ce que nous avons dit § 199, le génitif sert à déterminer et à compléter le sens du nom substantif auquel il se rapporte[15]. Le génitif suppose donc en général un substantif qui le régisse et dont il soit le complément. Lorsque ce substantif n’est pas exprimé, il est sous-entendu, ou renfermé implicitement dans un autre mot.

§ 306. Génitif exprimant la possession.

L’idée de possession, de propriété, d’appartenance, est souvent exprimée en latin par le verbe esse, construit avec un génitif qui sert d’attribut à la proposition. Ce cas est régi par l’idée elle-même d’appartenance, ou par le mot res sous-entendu : Tota Syria Macedonum erat, Q. C. (toute la Syrie appartenait aux Macédoniens) ; res Macedonum.

Divitias sine divitum esse ; tu, virtutem præfer divitiis, Cic. (laisse aux riches leurs trésors ; toi, préfère la vertu aux richesses) ; rem divitum.

Rem. Ce rapport est souvent marqué en français par être a : Omnia, præter Capitolium et arcem, hostium erant, T. L. (tout, hormis le Capitole et la citadelle, était aux ennemis).

Au lieu du génitif des pronoms personnels, on emploie l’adjectif possessif : « Ce livre est à moi (est mien) » Hic liber est meus.

§ 307. A l’idée d’appartenance, se rattachent les manières de parler suivantes, où l’on peut sous-entendre proprium :

Cujusvis hominis est errare ; nullius, nisi insipientis, in errore perseverare, Cic. (tout homme peut se tromper ; il n’appartient qu’à l’insensé de persévérer dans son erreur) ; cujusvis hominis proprium.

In tranquillo tempestatem adversam optare dementis est, Cic. (c’est une folie, c’est le propre d’un fou, de désirer la tempête au milieu du calme).

Rem. 1. La locution française il est de correspond exactement à ce latinisme : « Il est d’un malhonnête homme de tromper par le mensonge, » Improbi hominis est mendacio fallere, Cic.

2. C’est a se rend également par est avec le génitif : « C’est aux consuls de veiller aux intérêts de l’État, » Consulum est providere rei publicæ (s. munus ou officium, qui se trouvent souvent exprimés).

Ici encore les adjectifs possessifs remplacent le génitif des pronoms, et, comme ils servent toujours d’attribut à un infinitif, on les met au neutre : Tuum est, Cato, videre quid agatur, Cic. (c’est à vous, Caton, de prendre garde à ce qui se fait). — Non est nostrum æstimare quem supra ceteros extollas, Tac. (ce n’est pas à nous d’examiner qui vous élevez au-dessus des autres). — Sciat discipulus suum esse parēre magistro, (que l’élève sache que c’est à lui d’obéir au maître).

Nota. Suum ne peut s’employer que dans une proposition infinitive ; ailleurs il faudrait se servir d’ejus.

§ 308. Génitif exprimant la qualité des personnes.

Le génitif détermine un substantif en y ajoutant l’idée d’une qualité : Seneca, vir excellentis ingenii atque doctrinæ, Col. (Sénèque, homme d’un esprit et d’un savoir très-distingués).

Lorsque ce génitif sert d’attribut au verbe esse, le substantif régissant est ordinairement sous-entendu : Vir bonus summæ pietatis erga Deum est, Sén. (l’honnête homme est d’une grande piété envers Dieu), est vir summæ pietatis.

Rem. 1. On voit par les exemples précédents que la conformité est parfaite entre les deux langues ; seulement le génitif latin a besoin d’être accompagné d’un adjectif, ce qui n’est pas nécessaire en français : Volusenus, vir et consilii magni et virtutis, Cés. (Volusénus, homme de tête et de courage). On remarquera de plus que le génitif de qualité détermine le substantif absolument comme ferait un adjectif ; vir ingeniosus, vir eximii ingenii, et le français un homme d’esprit, sont trois expressions équivalentes.

2. La qualité des personnes peut être aussi déterminée par l’ablatif : Aristoteles, vir summo ingenio, docere cœpit adolescentes prudentiam cum eloquentiā jungere, Cic. (Aristote, homme d’un génie supérieur, entreprit d’enseigner aux jeunes gens à unir la sagesse avec l’éloquence). Cf. § 334.

§ 309. Génitif exprimant la qualité des choses.

Les déterminations de mesure, de quantité, de poids, de forme, de valeur, enfin toutes celles qui marquent la qualité des choses, s’expriment par le génitif : Navis inusitatæ magnitudinis (un vaisseau d’une grandeur extraordinaire). Classis septuaginta navium (une flotte de soixante et dix vaisseaux). Corona parvi ponderis (une couronne d’un poids peu considérable). Tridui via' (une route de trois journées). Nubes ignei coloris (des nuées d’une couleur de feu). Vestis pretii majoris (une étoffe d’un plus grand prix).

Génitif avec les verbes d’estime.

§ 310. Æstimare, pendĕre, facĕre, ducĕre, etc.

Les génitifs suivants d’adjectifs neutres pris substantivement, expriment d’une manière générale l’estime que l’on a pour les personnes et le cas que l’on fait des choses : magni, permagni, maximi (beaucoup), pluris (plus), plurimi (le plus), parvi (peu), minoris (moins), minimi (très-peu, le moins), quanti (combien), tanti (tant), tantidem (autant), tanti... quanti (autant... que[16]).

Ces génitifs se joignent à l’actif et au passif des verbes æstimare, pendĕre, facere (apprécier), ducere, putare, habere (croire, juger, tenir pour, regarder comme). Ils sont régis par res sous-entendu, s’il s’agit des choses ; par homo, s’il s’agit des personnes :

Natura parvo esset contenta, nisi voluptatem tanti æstimaretis, Cic. (la nature serait contente de peu, si vous n’estimiez pas tant le plaisir), rem tanti[17].

Mortuus erat Hephæstio, quem unum Alexander plurimi fecerat, C. N. (la mort avait enlevé Héphestian , celui de tous qu’Alexandre avait le plus estimé), quem fecerat hominem plurimi.

Aliquid parvi pendĕre (faire peu de cas de quelque chose), rem parvi.

Rem. 1. En français, estimer quelqu’un signifie avoir de la considération pour lui ; en latin, æstimare ne veut dire que juger, apprécier, soit en bien, soit en mal. Ce dernier mot ne suffit donc pas pour rendre le premier ; il faut absolument dire, aliquem magni æstimare ; magni, maximi ou plurimi facere.

2. Outre les génitifs neutres indiqués plus haut, on emploie familièrement et en mauvaise part ceux de quelques substantifs, comme assis, flocci[18], nauci[19], pĭli[20], nihili :

Ego, quæ tu loquĕre, flocci non facio, Plaut. (je ne tiens pas le moindre compte de ce que vous dites), rem flocci.

Aliquem nihili pendĕre (ne faire aucun cas d’une personne) ; hominem nihili (Varron), un homme de rien, un homme méprisable.

Génitif avec les verbes de prix et de valeur.

§ 311. I. Esse, stare, constare (valoir, coûter).

Six des génitifs précités, savoir : maximi, pluris, minoris, tanti, tantidem et quanti (avec ses composés quantivis et quanticunque) servent d’attribut aux verbes esse, pris dans le sens de valoir, stare et constare, dans le sens de couter :

Mea mihi conscientia pluris est, quam omnium sermo, Cic. (ma conscience vaut plus pour moi que tous les discours des hommes) ; res pluris, une chose de plus de prix.

Non quantum quisque prosit, sed quanti quisque sit, ponderandum est[21], Cic. Brut. 73 (il faut juger les talents non sur ce qu’ils rapportent, mais sur ce qu’ils valent), homo quanti.

Nulla pestis humano generi pluris stetit, quam ira, Sén. (aucun fléau n’a coûté plus cher au genre humain, que la colère).

§ 312. II. Emĕre, vendĕre, vēnire.

Par une imitation naturelle de cet idiotisme, ces six génitifs se construisent aussi avec les verbes ĕmĕre, vendĕre, vēnire, et autres de signification analogue :

Canius ēmit hortos tanti, quanti Pythius voluit, Cic. (Canius acheta les jardins aussi cher que voulut Pythius).

Vendo meum frumentum non pluris quam ceteri, fortasse etiam minoris, Cic. (je ne vends pas mon blé plus cher que les autres ; peut-être même que je le vends moins cher).

Rem. 1. Lorsque le prix ou la valeur doivent être déterminés par un nom substantif, c’est à l’ablatif que l’on met ce nom :

Tritici modius tum in Sicilia erat ternis sestertiis, Cic. (le froment valait alors en Sicile trois sesterces le modius[22]).

2. On y met également les six expressions générales magno, permagno, plurimo, parvo, minimo, nimio :

Non potest parvo res magna constare, Sén. (une chose d’un grand prix ne peut pas coûter bon marché).

L’emploi de ces six ablatifs ne doit pas être confondu avec celui des six génitifs maximi, pluris, minoris, tanti, tantidem et quanti. L’exemple suivant d’Horace, Sat. II, 3, 156, en fait voir la différence et résume toutes les règles précédentes : Quanti emptæ ? parvo. Quanti ergo ? octussibus (combien acheté ? bon marché. Combien enfin ? huit as).

§ 313. Génitif avec les adjectifs.

Tout adjectif qualificatif est composé de deux éléments, le radical, qui exprime une qualité, la terminaison, qui annonce que le sujet possède cette qualité. Ainsi bonus signifie habens bonitatem ; pulcher, habens pulchritudinem ; conscius, habens conscientiam. Si le substantif n’est pas fourni par la langue, il n’en existe pas moins dans le radical, et l’esprit peut toujours l’en dégager. Il n’est donc pas étonnant qu’un si grand nombre d’adjeciifs se construisent avec le génitif ; ce cas est régi par le nom dont l’adjectif renferme implicitement la valeur.

Les plus remarquables de ces adjectifs sont ceux qui désignent, 1o Le désir ou l’indifférence : Cupidus rerum novarum (avide de nouveautés) ; Avidus gloriæ (passionné pour la gloire) ; Ætas incuriosa suorum, Tac. (un siècle indifférent pour ceux qui l’honorent) ; Studiosus litterarum (qui a du goût pour les lettres, qui s’applique à l’étude des lettres).

2o La sécurité ou l’inquiétude : Anxius futuri (inquiet sur l’avenir)[23] ; Securus dedecoris, Tac. (s’inquiétant peu du déshonneur)[24] ; Timidus procellæ Hor. (qui craint la tempête) ; Ambiguus consilii, Tac. (irrésolu) ; Dubius animi, sententiæ (incertain dans ses pensées[25]) ; et une foule d’autres que l’on rencontre dans les poëtes, et plus souvent encore dans Tacite.

3° Le savoir ou l’ignorance : Socrates se omnium rerum inscium fingit et rudem[26], Cic. (Socrate se représente comme un homme étranger à toutes les connaissances) ; Peritus reipublicæ (qui a l’expérience des affaires publiques) ; Imperitus morum, Cic. (qui ne connaît pas les usages) ; Prudens rei militaris, C. N. (versé dans l’art militaire) ; Providus futuri (qui a la prévoyance de l’avenir) ; Nullius culpæ sibi conscius (à qui sa conscience ne reproche aucune faute) ; Consultus juris (habile dans le droit, jurisconsulte) ; on dit aussi jurisconsultus en un seul mot, et jure consultus.

4° La mémoire ou l’oubli : Venturæ memores jam nunc estote senectæ, Ov. (songez dès à présent à la vieillesse qui doit venir un jour). — Omnes immemorem beneficii oderunt, Cic. (tout le monde hait les ingrats).

5° La participation ou la non-participation : Solus homo rationis est particeps, Cic. (l’homme seul a la raison en partage) ; Bestiæ rationis et orationis sunt expertes, Cic. (les brutes sont privées de la raison et de la parole). Particeps = partem capiens ; expers = qui est sine parte.

6° L’abondance ou la disette : Plena errorum sunt omnia, Cic. (le monde est rempli d’erreurs). — Referta quondam Italia Pythagoreorum fuit[27], Cic. (l’Italie fut autrefois pleine de Pythagoriciens). — Gallia semper frugum hominumque fertilis fuit, T. L. (la Gaule fut toujours féconde en moissons et en hommes). — Inops auxilii humani, T. Liv. (dénué de tout secours humain).

Ajoutez fœcundus, sterilis, indigus, parcus, avarus, prodigus, ainsi que les adjectifs verbaux en ax, comme capax imperii, Tac. (digne de l’empire, capable de gouverner) ; Justi tenax, Eut. (attaché à la justice) ; Ætas virtutum ferax, T. L. (un siècle fécond en vertus).

Ajoutez encore ceux des participes présents qui, au lieu d’exprimer une action, comme le verbe, expriment un état comme l’adjectif : Amans virtutis (ami de la vertu) ; Appetens gloriæ (désireux de gloire) ; Sciens pugnæ (habile dans les combats) ; Patiens laboris (endurci au travail) ; et les suivants, qui sont purement adjectifs : Impatiens frigoris (incapable d’endurer le froid) ; Insolens malarum artium[28], Sall. (étranger à l’intrigue) ; Potens animi (maître de lui-même) ; Impotens iræ (qui ne sait pas maîtriser sa colère) ; Voti compos (qui a obtenu l’objet de son vœu).

Enfin l’adjectif reus, rea (accusé, accusée) : Reus avaritiæ[29] (accusé d’avarice) ; et par analogie : Manifestus tanti sceleris, Sall. (manifestement coupable d’un si grand crime) ; Nullius flagitii compertus, Tac. (qui n’est convaincu d’aucune action condamnable) ; Fraterni sanguinis insons, Ov. (innocent du sang de son frère).

Application des principes précédents.

§ 314. I. Aux verbes se souvenir, oublier.

Les verbes meminisse, recordari, remĭnisci, oblivisci, se construisent avec le génitif, comme les adjectifs correspondants memor et immemor : In somno animus meminit præteritorum, Cic. (dans le sommeil, l’esprit se souvient du passé). — Est proprium stultitiæ aliorum vitia cernere, suorum oblivisci, Cic. (c’est le propre de la folie de voir les défauts des autres et d’oublier les siens).

Rem. 1. Le génitif n’est, à proprement parler, que le complément indirect de ces verbes ; leur complément direct, memoriam, oblivionem, est compris en eux-mêmes, et c’est de l’idée représentée par ces mots que dépend le génitif.

Mais si meminisse, oblivisci, signifient « garder ou perdre la mémoire d’une chose, » ils signifient également « garder une chose dans sa mémoire, ou la mettre en oubli. » Aussi les quatre verbes précités se construisent-ils souvent avec l’accusatif : Beneficia meminisse debet is in quem collata sunt, Cic. (celui qui a reçu des bienfaits doit se les rappeler). - Cæsar oblivisci nihil solebat, nisi injurias, Cic. (César n’oubliait rien, si ce n’est les injures).

2. Les verbes moneo, admoneo, commoneo, commonefacio, dérivés de memini, et qui signifient avertir, faire souvenir[30], régissent au génitif le nom de la chose dont on avertit, dont on rappelle la mémoire : Adversæ res nos admonuerunt religionum, T. L. (l’adversité nous a rappelés aux idées religieuses).

Du reste on dit aussi monere, admonere aliquem de aliqua re, Ces verbes prennent même quelquefois deux accusatifs : illud te moneo ; cf. § 357.

3. Instruire, informer quelqu’un de quelque chose suivent l’analogie d’avertir, et se rendent élégamment par certiorem facere aliquem alicujus rei ou de aliqua re.

§ 315. II. Aux verbes accuser, condamner, absoudre.

Avec les verbes accusare, insimulare, arguere, coarguere, convincere, damnare, absolvere, et autres de signification analogue, le nom du délit se met au génitif : Miltiades proditionis est accusatus, C. N. (Miltiade fut accusé de trahison). — Fannius Verrem insimulat avaritiæ et audaciæ, Cic. (Fannius accuse Verrès de cupidité et d’audace). — Absolvere aliquem injuriarum, Cic. (absoudre quelqu’un du délit d’injure).

Ce génitif s’explique par l’expression très-usitée reum facere aliquem, expression dont accusare, arguere, etc., sont des équivalents. On dit accusare impietatis, comme on dit reum facere impietatis. Par une raison semblable, damnare, absolvere, équivalent à déclarer coupable, déclarer innocent, et le génitif est encore ici appelé par l’idée contenue dans le verbe.

Au lieu du génitif, on emploie quelquefois l’ablatif avec de : Non committam posthac, ut me accusare de epistolarum negligentiā possis, Cic. ( je ne m’exposerai plus à ce que vous puissiez m’accuser de négligence à vous écrire).

Rem. 1. Le terme général crimen, qui signifie non pas crime, mais accusation, grief, se met à l’ablatif : Si iniquus in me es judex, condemnabo eodem ego te crimine, Cic. Ep. II ; (si vous me jugez avec trop de rigueur, je vous condamnerai à mon tour, et pour la même cause) ; et de même : Regni suspicione consulem absolvere, T. Liv. (absoudre le consul du soupçon d’aspirer à la royauté).

2. On y met quelquefois le nom qui désigne la peine : Omne humanum genus, quodque est, quodque erit, morte damnatum est, Sén. (tous les hommes, et ceux qui sont, et ceux qui seront un jour, sont condamnés à mourir)[31].

Avec caput, on se sert indistinctement de l’ablatif et du génitif : Miltiades capitis absolutus, pecuniā multatus est, C. N. (Miltiade ne fut pas condamné à mort, mais il fut puni d’une amende). — Plurimi animos, quasi capite damnatos, morte multant, Cic. (beaucoup de gens font mourir les âmes, comme si elles avaient encouru la peine capitale)[32].

3. Le genre de peine ou de supplice est exprimé aussi par l’accusatif avec ad, mais seulement après le siècle d’Auguste : Caligula multos honesti ordinis ad metalla aut ad bestias condemnavit, Suét. (Caligula condamna aux mines ou aux bêtes beaucoup d’hommes d’un rang honorable)[33].

§ 316. Génitif avec les mots partitifs.

Le génitif exprime le rapport du tout à la partie, comme la préposition française de : Magna pars illius terræ, (une grande partie de cette contrée).

C’est en vertu de ce principe que l’on dit solus omnium ; septimus atque ultimus regum romanorum ; fortissimus militum ; uter nostrum, etc.

C’est encore par cette raison que le génitif se joint à tous les mots qui expriment une quantité, que ce soient des adverbes, comme satis, abundĕ, affătim, parum, nimis : Satis eloquentiæ, sapientiæ parum, Sall. (assez d’éloquence, peu de sagesse). — Armorum affătim erat, T. Liv. (il y avait une quantité d’armes très suffisante). — Terrorum et fraudis abunde est, Virg. (c’est assez de terreurs et d’artifices.)

Ou des adjectifs neutres pris substantivement : Plus aquæ, minus vini (§ 261), multum eruditionis (beaucoup de savoir) ; quantum auri (que ou combien d’or) ? tantumdem viæ (autant de chemin) ; paululum moræ (un peu de retard) ; aliquantulum aquæ tepidæ, Suét. (quelque peu d’eau tiède).

§ 317. Observation sur les partitifs français.

1. Avec les noms de qualité, que ou combien de se tournent souvent par combien grand, et s’expriment par quantus, a, um : « Que de sagesse ! » quanta sapientia ! Et de même : « Beaucoup de sagesse, » magna sapientia ; « Tant de sagesse, » tanta sapientia ; « Trop de confiance, » nimia fiducia ; cf. §261, Rem.

2. Si les objets sont susceptibles de se compter, on exprime beaucoup par multi, æ, a, peu par pauci, æ, a, combien par quot ou quam multi, autant par tot ou tam multi : « Beaucoup de livres, » multi libri ; « Tant de peuples, » tot populi. « Aucun orateur n’a écrit autant que moi (des ouvrages aussi nombreux que les miens sont nombreux), » Nemo orator tam multa scripsit, quam multa sunt nostra, Cic. — Ajoutez l’exemple déjà cité, § 236, quot homines, tot sententiæ, et une foule d’autres.

3. D’après ce qui vient d’être exposé, on traduira : « Beaucoup d’orateurs, peu d’orateurs, » par multi oratores, pauci oratores. Mais si je dis : « Beaucoup, un petit nombre des orateurs grecs, » le sens partitif étant déterminé d’une manière précise, il faudra dire en latin : multi, pauci oratorum græcorum, ou ex oratoribus ou inter oratores ; cf. § 266.

§ 318. Autres expressions partitives en latin.

A la classe des partitifs, se rattachent dimidium (la moitié), aliud, nihil, et le singulier neutre de tous les déterminatifs, id, idem, hoc, illud, quod, quid, aliquid, quidquam : Habet iracundia hoc mali : non vult rĕgi, Sén. (la colère a cet inconvénient, a cela de mal, qu’elle ne veut pas être gouvernée). — Natura aliud alii commodi muneratur, Cic. (la nature donne à chacun des avantages différents). — Justitia nihil expetit præmii, Cic. (la justice ne demande pas de salaire). — Tibi idem consilii do, Cic. (je vous donne le même conseil).

Rem. Le génitif peut appartenir à un adjectif neutre pris substantivement : Nihil boni divinat animus, T. Liv. (mon esprit ne présage rien de bon)[34]. On dira donc également bien : aliquid magnum et aliquid magni ; nihil jucundum et nihil jucundi, et ainsi de tous les adjectifs neutres dont le génitif est en i. Mais on ne dira pas nihil tristis, quiddam cœlestis, parce que le génitif de la troisième déclinaison ne se distingue pas assez du nominatif ; la clarté veut nihil triste, quiddam cœleste.

§ 319. Les poètes prennent substantivement et emploient comme partitifs un assez grand nombre d’adjectifs pluriels neutres : Angusta viarum, opaca locorum, Virg. Amara curarum, cuncta terrarum, Hor.

On trouve même dans Cicéron : Summa pectoris (le haut de la poitrine) ; cujusque artis difficillima (les règles les plus difficiles de chaque art) ; mais ces exemples y sont fort rares. Ils sont beaucoup plus communs chez les historiens, et en général dans tous les écrivains postérieurs à Cicéron : Non temere incerta casuum reputat, quem fortuna nunquam decepit, T. Liv. (celui que la fortune n’a jamais trahi, ne songe guère à l’incertitude des événements). — Animus rectus atque integer corrigit prava fortunæ, Sén. (une âme droite et pure corrige les torts de la fortune).

Salluste, Tite-Live et les écrivains de l’âge suivant construisent aussi le génitif avec le singulier neutre dans des cas où, d’après la règle établie, § 245, il devrait y avoir accord : Ad summum montis, Sall. ; Medium ferme diei erat, T. Liv. ; Extremo æstatis, medio temporis, obscuro diei. Tac.

§ 320. Génitif avec les adverbes de lieu et de temps.

C’est encore en qualité de mots partitifs que les adverbes de lieu se joignent au génitif : Ubi terrarum ? ubinam gentium ? Cic. (en quel lieu du monde) ? ubi représente quo in loco. — Res est eodem loci, quo reliquisti, Cic. (l’affaire en est au point où vous l’avez laissée). — Quo amentiæ progressi estis ? T. Liv. (à quel degré de folie êtes-vous parvenus) ?

Il en est de même des adverbes de temps pridie et postridie, qui d’ailleurs se construisent aussi avec l’accusatif (cf. § 373). Quant à tunc temporis (dans ce temps-là), cette expression n’a guère d’autorité que celle de Justin.

§ 321. Observation sur le génitif possessif.

Ces mots, amor Dei, sont susceptibles de deux acceptions bien différentes. Quand on dit : amor Dei erga homines', c’est Dieu qui aime ; le génitif est pris activement. Quand on dit : amor Dei fons est omnium virtutum, c’est Dieu qui est aimé ; le génitif est pris passivement.

La suite des idées indique toujours lequel des deux sens il faut donner à un génitif : Non agitur de sociorum injuriis, Sall. Cat. 52 (il ne s’agit pas des injures faites à nos alliés) ; le sens est passif. — Id accidit prætoris iniquitate et injuriā, Cic. (cela est arrivé par la partialité et l’injustice du préteur) ; le sens est actif.

Les génitifs des pronoms personnels, mei, tui, sui, nostri, vestri, se prennent passivement : Me impulit tui caritas, Cic. (ma tendresse pour vous m’a déterminé). Caritas tua signifierait : « Votre tendresse pour moi. » Cf. § 293.

Cette différence est bien marquée dans l’exemple suivant, où tua est actif, et sui passif : Nicias vehementer tuā sui ""memoriā delectatur, Cic. (Nicias est vivement touché du souvenir que vous gardez de lui).

Cependant les possessifs meus, tuus, etc., peuvent eux-mêmes se prendre passivement, surtout avec les mots injuria , odium, invidia, gratia, et quelques autres ; mais il faut que l’équivoque soit impossible : Non odio id fecit tuo, Ter. (il ne l’a pas fait par haine pour vous, en haine de vous). On aurait pu dire également odio tui.

§ 322. Cette identité de signification de meus, tuus, suus, adjectifs, avec mei, tui, sui, génitifs des pronoms, explique la construction suivante, et toutes celles qui y ressemblent : Mea ipsius manus (ma propre main) ; ipsius se rapporte au génitif mei, non exprimé, mais représenté par mea. — Juravi rem publicam meā unius opera esse salvam, Cic. (j’ai fait serment que la république avait été sauvée par mes seuls efforts.)

Ipsius et ipsorum, ajoutés au possessif suus, fournissent un moyen d’éviter les ambiguïtés : Aves fœtus suos, quum visi sunt adulti, libero cœlo suæque ipsorum fiduciæ permittunt, Quintil. (quand les oiseaux voient leurs petits assez forts, ils les abandonnent à la liberté de l’espace et à leur propre hardiesse) ; ipsorum empêche que suæ ne se rapporte à aves ; cf. § 302.


DE L’ABLATIF.

Nous avons indiqué, § 202, les principaux rapports marqués par l’ablatif, et ce cas a été souvent employé dans les exemples cités jusqu’ici. Il ne reste plus qu’à en résumer les usages les plus remarquables[35].

§ 323. ABLATIF D’ÉLOIGNEMENT ET DE SÉPARATION.

L’ablatif, indiquant primitivement le lieu d’où l’on part, sert de complément indirect aux verbes qui marquent éloignement et séparation, comme abīre, exīre, cēdĕre, decedĕre (s’en aller, sortir, se retirer), arcēre, prohibēre, excludĕre (écarter, éloigner, exclure), abstĭnēre (s’abstenir), liberare, vindicare (délivrer, affranchir).

Cet ablatif est le plus souvent précédé des prépositions a, de, ex : Scipionis consilio atque virtute Annibal ex Italia decedere coactus est, Cic. (le génie et le courage de Scipion forcèrent Annibal à sortir de l’Italie). — Homines ab injuriā natura, non pœna, arcere debet, Cic. (c’est la nature, et non le châtiment, qui doit éloigner les hommes de l’injustice). — Ætatis excusatio non vindicat a labore, Cic. (l’excuse de l’âge ne dispense pas du travail).

Souvent aussi on le joint immédiatement au verbe : Amicitia nullo loco excluditur, Cic. (l’amitié n’est exclue d’aucun lieu). - Cur paupertatem deorum aditu arceamus ? Cic. (pourquoi empêcherions-nous la pauvreté d’approcher des dieux) ? — Libera te metu mortis, Sén. (affranchis-toi de la crainte de la mort). — Abstinuit vino, Hor. (il s’est abstenu de vin). — Præsidio decedĕre, T. Liv. (abandonner son poste). — Magistratu se abdicare, (se démettre d’une magistrature).

La préposition a est nécessaire avec les verbes alienare, avertĕre, deterrēre (éloigner, détourner), disjungĕre, divellĕre, secernĕre, separare (séparer), repellĕre, propulsare (repousser, chasser) ; et avec les intransitifs differre, distare, discrepare, abhorrēre (différer, être éloigné), dissentire, dissidēre (n’être pas du même avis).

Rem. L’adjectif alienus (étranger, contraire) se construit, comme le verbe alienare, avec l’ablatif précédé de la préposition a : A sapiente nihil tam alienum est, quam rei falsæ assentiri, Cic. (rien ne convient moins au sage que de donner son assentiment à ce qui est faux).

Quelquefois la préposition n’est pas exprimée : Negant id esse alienum majestate deorum, Cic. (ils nient que cela soit au-dessous de la majesté des dieux)[36].

§ 324. Ablatif avec les verbes petĕre, accipĕre, etc.

Les verbes qui signifient demander, recevoir, emprunter, obtenir, et autres semblables, ayant pour résultat de faire passer une chose d’un lieu dans un autre, veulent à l’ablatif, avec a ou ab, le nom de la personne à laquelle on demande, ou dont on reçoit quelque chose : Abs te peto ut mihi ignoscas, Cic. (je vous prie de me pardonner = je demande de vous que vous me pardonniez). — Accepi litteras a patre meo (j’ai reçu une lettre de mon père). — Mutuari pecunias ab aliquo (emprunter de l’argent à quelqu’un).

Si le complément indirect du verbe est un nom de chose inanimée, on emploie e ou ex : Summam lætitiam ex tuo reditu capio, Cic. (je ressens une grande joie de votre retour).

Acheter de ou à quelqu’un se rend par emĕre de aliquo ou ab aliquo : « Il dit avoir acheté de Sylla les biens de Roscius, » Bona Roscii de Sylla se dicit ēmisse, Cic.

Avec haurire (tirer de, puiser à), Cicéron dit également : haurire aquam de puteo ou ex puteo (tirer de l’eau du puits) ; et au figuré : res haurire a ou e fontibus (puiser les choses à leurs sources) ; e (ou ex) est le plus usité.

§ 325. Ablatif avec les verbes audire, quærĕre, etc.

Comme, lorsqu’on apprend quelque chose de quelqu’un, on tire de lui une connaissance, les verbes audire (entendre), quærĕre (s’informer), et autres de signification analogue, se construisent, comme les précédents, avec l’ablatif précédé de ex et quelquefois de ab : Audivi ex majoribus natu, et ailleurs, a majoribus natu, Cic. (j’ai entendu dire à des vieillards).

Avec les noms de choses, il faut toujours employer ex : Magna sæpe intelligimus ex parvis, Cic. (nous tirons souvent de grandes lumières des plus petits indices). — Cognovi ex tuis litteris (j’ai appris par votre lettre).

§ 326. ABLATIF D’ORIGINE ET DE CAUSE.

A l’idée de point de départ se rattache :

1° Celle d’origine : Jove natus et Maiā, Cic., et au même endroit : ex Jove et Junone natus. Dans les expressions générales, comme ortus equestri loco (issu d’une famille de chevaliers), nobili genere natus (de naissance noble), on ne met pas de préposition.

2° Celle de cause : In culpā sunt, qui officia deserunt mollitiā animi, Cic. (ceux-là sont coupables, qui manquent à leurs devoirs par faiblesse d’âme). On dit de même : Amicitiæ causā (par amitié) ; Emolumenti sui gratiā (par intérêt personnel) ; Meā causā (à cause de moi) ; Tuā gratiā (à cause de vous, à votre considération) ; Eo consilio, eā mente (dans ce dessein).

Ablatif avec les verbes dolēre, gaudēre, fidēre, etc.

§ 327. Conformément à ce principe, les verbes dolēre, gaudēre, lætari, fidēre, confidēre, nīti, gloriari, veulent à l’ablalif sans préposition le nom de la chose qui cause la douleur, la joie, la confiance, la vanité : Oportet delicto dolere, correctione gaudere, Cic. (on doit s’affliger de la faute, se réjouir de la réprimande). — Nemo potest corporis firmitate aut fortunæ stabilitate confidere, Cic. (personne ne peut compter ni sur la vigueur du corps, ni sur la stabilité de la fortune). — Optimorum consilio atque auctoritate niti, Cic. (s’étayer des conseils et de l’autorité des plus gens de bien ). — Quidam vitiis suis gloriantur, Sén. (quelques-uns font gloire de leurs vices).

Rem. 1. Avec les noms de choses, fidere et confidere prennent également le datif : fidere aliquā re et alicui rei. Avec les noms de personnes, ils ne prennent que le datif : tibi confido.

Quant à diffidere (se défier), son complément régulier est le datif, soit de la chose, soit de la personne : diffidere omnium saluti ; diffidere sibi. On le trouve rarement avec l’ablatif.

2. Gloriari admet quelquefois la préposition de : De tuis divitiis intolerantissime gloriaris, Cic. (tu te vantes de tes richesses avec un orgueil insupportable).

Ablatif avec les verbes passifs.

§ 328. Le complément indirect des verbes passifs, exprimant la cause d’où résulte une action, se met à l’ablatif ; sans préposition, si c’est un nom de chose : Dei providentiā mundus administratur, Cic. (le monde est gouverné par la providence divine) ; avec a ou ab, si c’est un nom de personne : Darius ab Alexandro victus est (Darius fut vaincu par Alexandre).

Rem. 1. Les verbes neutres dont la signification est analogue à celle du passif, prennent aussi l’ablatif de la cause : In Africā, campi solis ardore arescunt (les campagnes de l’Afrique sont desséchées par l’ardeur du soleil). — Duobus diversis vitiis, avaritiā et luxuriā, civitas romana laborabat, T. Liv. (Rome était travaillée de deux vices contraires, l’avarice et le luxe).

2. Il en est de même de certains adjectifs qui équivalent à des participes passifs : fessus viā (fatigué de la route) ; avaritiā cæcus (aveuglé par l’avarice) ; æger gravi morbo (atteint d’une maladie grave) ; magnā virtute præditus (doué d’une grande vertu) ; suā sorte contentus (content de son sort) ; anxius adverso omine, Suét. (inquiété par un présage contraire).

ABLATIF d’INSTRITMENT ET DE MOYEN.

§ 329. L’ablatif désignant la cause, il est naturel qu’il désigne aussi l’instrument : Dente lupus, cornū taurus petit, Hor. (le loup attaque avec ses dents, le taureau avec ses cornes).

L’idée d’instrument conduit à celle de moyen : Benevolentiam civium blanditiis colligere turpe est, Cic. (il est honteux d’acheter par des flatteries la bienveillance des citoyens).

Ablatif avec les verbes utor, fruor, etc.

§ 330. 1. Le verbe uti a son complément à l’ablatif, comme nom d’instrument : Munus animi est ratione bene uti, Cic. (c’est le devoir de l’âme de faire un bon usage de la raison).

Ce verbe se traduit quelquefois par avoir, trouver : Tu me consiliario fideli usus es, Cic. (vous avez trouvé en moi un conseiller fidèle).

2. Les verbes fruor, vescor, fungor, potior, suivent l’analogie d’utor et prennent l’ablatif : Lucem quā fruimur, a Deo nobis dari videmus, Cic. (nous voyons que c’est Dieu qui nous donne la lumière dont nous jouissons). — Vescimur bestiis et terrenis, et aquātilibus, et volātilibus, Cic. (l’homme se nourrit d’animaux terrestres, aquatiques et volatiles). — Vir bonus officio fungitur (l’honnête homme s’acquitte de son devoir). — Solus potitus est imperio Romulus, T. Liv. (Romulus resta seul en possession de l’autorité).

Rem. Dans le sens de posséder le pouvoir suprême, on dit potiri rerum (et non rebus) : Prudentissima civitas Atheniensium, dum ea rerum potita est, fuisse traditur, Cic. (tant qu’Athènes fut maîtresse des affaires, elle fut, dit-on, la plus sage des cités).
Ablatif du prix et de la valeur avec emĕre, vendĕre, etc.

§ 334. C’est comme nom de moyen que le substantif qui désigne le prix ou la valeur, se met à l’ablatif avec les verbes qui signifient acheter, vendre, couter : Spem pretio non emo, Ter. (je n’achète pas l’espérance avec de l’argent). — Multo sanguine et vulneribus ea Pœnis Victoria stetit, T. Liv. (cette victoire coûta aux Carthaginois beaucoup de sang et de blessures). Cf. § 312, Rem.

Ablatif avec l’adjectif dignus et le verbe dignor.

§ 332. Etre digne ou indigne de quelque chose, c’est avoir ou n’avoir pas une valeur quelconque. Il s’ensuit que les adjectifs dignus, indignus, et le verbe déponent dignari, se construisent avec l’ablatif : Omni laude dignus, Cic. (digne de toutes sortes de louanges). — Haud equidem tali me dignor honore, Virg. (je ne me crois pas digne d’un tel honneur).

Rem. Dignus et indignus se trouvent aussi avec le génitif, mais fort rarement, et surtout en poésie : Magnorum haud unquam indignus avorum, Virg. — Nous avons déjà remarqué, § 176, que dignari n’est employé par Cicéron que dans le sens passif. La signification active n’en a pas moins prévalu.

ABLATIF DE LA MANIÈRE.

§ 333. Le nom qui exprime la manière dont se fait une action se met à l’ablatif, comme celui qui désigne le moyen ; la phrase suivante fera sentir l’identité de ces deux rapports : Injuria fit duobus modis, aut vi, aut fraude, Cic. (l’injustice se commet de deux manières, par violence ou par fraude).

On dira donc æquo animo ferre (supporter avec égalité d’âme, endurer patiemment) ; Summa æquitate res constituĕre (régler les affaires avec une équité parfaite) ; Adolescentium more (à la manière des jeunes gens) ; Pecudum ritu {à la façon des bêtes).

Et de même que l’on dit, Meo more {selon ma coutume), on dira par analogie, Meā sententiā (selon mon sentiment, à mon avis), Totius Græciæ judicio (au jugement de toute la Grèce) ; Omnium eruditorum testimonio (d’après le témoignage de tous les savants).

ABLATIF DE LA QUALITÉ.

§ 334. Nous avons remarqué, § 308, R. 2, que la qualité des personnes peut être déterminée par l’ablatif aussi bien que par le génitif : Summo ingenio vir, Cic. Præstantissimā virtute civis', Idem. Homo summā prudentiā, Idem.

Les Latins préfèrent généralement l’ablatif lorsqu’il s’agit d’une qualité extérieure : Cæsar fuisse traditur excelsā staturā, colore candido, nigris oculis, valetudine prosperā, Suét. (César avait, dit-on, une haute taille, un teint blanc, des yeux noirs, une excellente santé) ; — ou d’un simple état : Masinissa nullo frigore adducitur ut capite operto sit, Cic. (quelque froid qu’il fasse, Masinissa n’a jamais la tête couverte).

L’ablatif sert aussi à caractériser les choses par leurs circonstances : Difficili transitu flumen ripisque præruptis, Cés. (un fleuve dont le passage est difficile et les rives escarpées).

ABLATIF DE LA MESURE.

§ 335. Avec les verbes antecedĕre (précéder), antecellĕre, præstare (l’emporter sur), vincĕre, superare (surpasser), malle (aimer mieux), et autres semblables, que l’on nomme verbes d’excellence, le terme qui répond à la question, de combien, ou dans quelle mesure ? s’exprime, comme avec les comparatifs (§ 257), par un des ablatifs paulo, multo, tanto, quanto, aliquanto : Omnis sensus hominum multo antecellit sensibus bestiarum, Cic. (tous nos sens l’emportent de beaucoup sur ceux de la bête).

On joint les mêmes ablatifs aux adverbes qui marquent une comparaison, comme ante, post, supra, aliter, secus, et l’on dit multo ante (longtemps auparavant), paulo post (peu de temps après), multo secus (bien autrement), etc.

ABLATIF DE LA PARTIE.
§ 336. Le nom qui exprime à quelle partie de l’homme ou de l’animal se rapporte une action ou un état, se met à l’ablatif : Auribus teneo lupum, Tér. (je tiens le loup par les oreilles)[37]. Agesilaus fuit claudus altero pede, C. N. (Agésilas était boiteux d’une jambe). Manu promptus (prompt de la main, c’est-à-dire brave, résolu, homme d’exécution) ; Quietus animo (tranquille du côté de l’âme, c’est-à-dire qui a l’esprit calme). Et par analogie : Vitā sĕvērus (austère dans sa conduite, d’une vie austère) ; natione Mēdus (Mède de nation) ; Mardonius nomine (nommé Mardonius).
ABLATIF DE LA MATIÈRE.

§ 337. Un objet sort, pour ainsi dire, de la matière dont il est formé. Le nom de la matière s’exprimera donc par l’ablatif avec e ou ex : « Une table de bois, » mensa ex ligno ; « Un vase d’or, » vas ex auro, (ou mieux encore, mensa lignea ; vas aureum).

Rem. 1. On n’emploie l’ablatif qu’en parlant des objets faits de main d’homme. S’il s’agit des ouvrages de la nature, réels ou supposés, on se sert du génitif : Flumina lactis, flumina nectaris, Ov. (des fleuves de lait, des fleuves de nectar) ; Montes auri pollicēri, Tér. (promettre des monts d’or).

2. L'ablatif s'emploie aussi, avec ou sans ex, pour exprimer en quoi consistent, de quoi sont composées les personnes ou les choses : Animo constamus et corpore, Cic. de Fin. iv, 8 ; Constamus ex animo et corpore, Cic. Tusc. iii, 4 (nous sommes composés d’une âme et d’un corps).

ABLATIF D’ABONDANCE ET DE DISETTE.
I. Avec les verbes.

§ 338. L’ablatif se joint encore aux verbes qui expriment l’abondance, comme implēre, satiare, augēre, cumulare, abundare, affluĕre, etc. : Deus omnibus bonis explevit mundum, Cic. (Dieu a rempli le monde de tous les biens). — Abundarunt semper auro regna Asiæ, T. Liv. (les royaumes d’Asie eurent toujours de l’or en abondance) ;

Ou la disette et la privation, comme carēre, egēre, vacare, privare, orbare, spoliare : Nulla vitæ pars vacare officio potest, Cic. (aucune partie de la vie ne peut être exempte de devoirs). — Quid illi consilii afferre possum, quum ipse egeam consilio ? Cic. (quel conseil pourrais-je lui donner, puisque moi-même j’ai besoin de conseil ?) — Is maxime divitiis fruitur, qui minime divitiis indiget, Sén. (celui-là jouit le mieux des richesses, qui en a le moins besoin).

Rem. Egēre et indigēre prennent aussi le génitif : Hæc non tam artis indigent, quam laboris, Cic. (ces choses demandent moins d’art que de travail). Ce cas se trouve même quelquefois avec implēre.

II. Avec les Adjectifs.

§ 339. Les adjectifs plenus, refertus, fertilis, et dans un sens opposé, vacuus, expers, immunis, orbus, nudus, liber, se construisent avec l’ablatif, comme les verbes précédents : Vacuus curis (dégagé de soins) ; Omni liber curā et angore Cic. (libre de tout souci et de toute inquiétude) ; Immunis militiā (exempt du service militaire) ; Urbs nuda præsidio (ville dépourvue de garnison).

Rem. D’après ce qui a été dit, § 313, 5° et 6°, ces adjectifs peuvent aussi régir le génitif. Ce cas est le plus naturel avec expers ; Cicéron le préfère avec plenus, tandis qu’il joint plus souvent l’ablatif à refertus. C’est que plenus (plein) est un simple adjectif, et refertus (rempli), un véritable participe[38]. Cette différence paraît visiblement dans cette phrase de la deuxième Philippique : Domus erat aleatoribus referta, plena ebriorum.

III. Avec opus est.

§ 340. La locution mihi opus est (besoin est à moi, j’ai besoin) se rapprochant, pour le sens, du verbe egeo, se construit, comme ce verbe, avec l’ablatif : Auctoritate tuā nobis opus est, et consilio, et gratiā, Cic. (nous avons besoin de votre autorité, de vos conseils, de votre crédit). Quid opus est verbis (qu’est-il besoin de paroles) ?

Rem. 1. Le nom de la chose dont on a besoin peut aussi être le sujet d’une proposition dont opus sera l’attribut : Dux nobis et auctor opus est Cic. (nous avons besoin d’un chef et d’un conseiller). — Verres aiebat multa sibi opus esse, Cic. (Verres disait qu’il avait besoin de beaucoup de choses).

Dans l’une et dans l’autre construction, le nom de la personne qui éprouve le besoin se met au datif.

2. Quand opus est doit être suivi d’un verbe, on emploie, ou l’infinitif : Quid opus est tam valde affirmare ? Cic. (qu’est-il besoin d’affirmer si fortement ?) — ou l’ablatif neutre du participe parfait passif : Priusquam incipias, consulto, et ubi consulueris, maturē facto opus est, Sall. (avant d’entreprendre, il faut réfléchir, et quand on a réfléchi, exécuter promptement)[39].


DU DATIF.


DATIF AVEC LES VERBES.

§ 341. Le datif marque proprement le terme où aboutit une action. En conséquence, il se joint par sa force naturelle :

1° Aux verbes transitifs comme complément indirect, ainsi que nous l’avons fait voir, § 201. C’est surtout en ce sens qu’on le nomme cas d’attribution.

2° A un grand nombre de verbes intransitifs, qui prennent en français la préposition à, comme : Nuire, obesse, nocere ; Plaire, placere ; Déplaire, displicere ; Obéir, pārēre, ŏbēdire, obtempĕrare, et autres semblables : Mundus Deo paret, et hominum vita jussis supremæ legis obtemperat, Cic. (le monde est soumis à Dieu, et la vie des hommes obéit aux commandements d’une loi suprême).

3° A d’autres verbes qui sont transitifs en français, neutres ou intransitifs en latin : Favoriser quelqu’un, favere alicui ; Etudier les belles-lettres, studēre litteris ; Secourir un ami, auxiliari, opitulari amico ; Epargner les vaincus, victis parcĕre ; Ménager, économiser le temps, parcĕre tempori ; Flatter les grands, potentibus blandiri ; La philosophie guérit les âmes, philosophia medetur animis, Cic.[40].

4° A la plupart des verbes composés des prépositions in, ad, ante, cum, inter, ob, post, præ, sub,

Comme complément indirect s’ils sont transitifs : Summum crede nefas, animam præferre pudori, Juv. (croyez que c’est le plus grand des crimes, de préférer la vie à l’honneur) ;

Comme seul complément s’ils sont intransitîfs : Assuescĕre labori (s’accoutumer au travail[41]). — Præstat honestas incolumitati, Cic. (l’honneur passe avant la sûreté). — Omnes participes sumus rationis, quā antecellimus bestiis, Cic. (nous participons tous à la raison, qui nous élève au-dessus des bêtes). — Varietas occurrit satietati, Cic. (la variété prévient la satiété). — Succedĕre muris (s’approcher des murs).

5° A tous les composés du verbe sum (excepté absum et possum) : Desunt luxuriæ multa, avaritiæ omnia, Sén. (beaucoup de choses manquent au luxe, tout manque à l’avarice). — Satius est prodesse etiam malis, quam bonis deesse, Sén. (il vaut encore mieux être utile aux méchants, que de manquer aux gens de bien).

Rem. Les prépositions ad, cum et in se répètent quelquefois avec le verbe composé, pour donner plus de force à l’expression : Quidam, ad eas laudes quas a patribus acceperunt, addunt aliquam suam, Cic. Quelques-uns ajoutent des titres personnels à l’illustration qu’ils ont reçue de leurs pères). — Confer nostram longissimam ætatem cum æternitate, Cic. (comparez la vie la plus longue avec l’éternité). — In omnium animis Dei notionem impressit ipsa natura, Cic. (la nature même a imprimé l’idée de Dieu dans tous les esprits).

§ 342. Les verbes qui expriment une action opposée à celle de donner, comme adimĕre, detrahĕre, eripĕre, extorquēre, veulent au datif leur complément indirect, si c’est un nom de personne : Sunt multi qui eripiunt aliis, quod aliis largiantur, Cic. (il y a bien des gens qui ôtent aux uns pour donner aux autres). — Hunc mihi timorem eripe, Cic. (délivrez-moi de cette crainte) m. à m. ôtez-moi cette crainte.

Mais si le complément indirect est un nom de chose, il se met à l’ablatif avec ou sans préposition : Eripere aliquem flammā, suppliciis, ou e flamma, e suppliciis (arracher quelqu’un aux flammes, aux supplices). On doit employer la préposition lorsqu’elle ajoute à la clarté.

§ 343. Datif exprimant le but ou l’intention.

1. Le datif, marquant le terme où aboutit une action, marque aussi le but qu’on se propose, l’intention qu’on a en la faisant. En ce sens, il répond à la question pour qui ? pourquoi ? a l’avantage ou au désavantage de qui ? Non scholæ, sed vitæ discimus, Sén. (ce n’est pas pour l’école, c’est pour le monde que nous apprenons). — Non solum nobis divites esse volumus, sed liberis, propinquis, amicis, maximeque reipublicæ, Cic. (ce n’est pas seulement pour nous que nous voulons être riches, c’est pour nos enfants, pour nos proches, pour nos amis, et surtout pour la république).

2. D’après ce principe, « Demander une grâce pour quelqu’un » s’exprimera par petere veniam alicui ; tandis que, selon le § 324, « demander une grâce à quelqu’un » doit se rendre par veniam petere ab aliquo.

On dira de même : Metuere alicui, et ab aliquo (craindre pour quelqu’un, et craindre quelque chose de quelqu’un). — Consulere rebus suis (veiller à ses intérêts), et consulere deos (consulter les dieux). — Prospicere patriæ, Cic. (pourvoir au salut de la patrie), et prospicere tempestates, Cic. (prévoir les tempêtes).

Rem. C’estle bon sens et l’usage qui indiquent comment le datif de but et d’intention doit être rendu en français : Excusare se, purgare se alicui (s’excuser, se justifier auprès de quelqu’un). — Irasci amicis non soleo, Cic. (je n’ai pas coutume de me mettre en colère contre mes amis). — Philosophiæ semper vaco, Cic. (j’ai toujours du loisir pour la philosophie). Dans ces trois exemples, les prépositions auprès, contre et pour rendent également le datif, chacune avec des nuances différentes.

Il en est de même des exemples suivants et d’autres semblables : Nullus agenti dies longus est, Sén. (pour qui travaille, le jour n’est jamais long). — Docto homini et erudito, vivere est cogitare, Cic.(pour l’homme instruit et cultivé, vivre c’est penser). — Barbaris ex fortunā pendet fides, T. L. (chez, ou, pour les barbares, la fidélité aux engagements dépend de la fortune).

§ 344. Datif avec le verbe esse.

Est mihi liber.

Le datif se construit souvent avec le verbe esse, considéré comme attributif, § 240. Si le mot qui est au datif désigne une personne, être peut se remplacer en français par avoir : Est mihi liber (un livre est à moi = j’ai un livre). — Est homini cum Deo similitudo, Cic. (l’homme a de la ressemblance avec Dieu).

Si le datif désigne une chose, esse se rendra quelquefois par causer, procurer, ou un autre verbe semblable : Nimia fiducia calamitati esse solet, C. Nép. (une trop grande confiance cause souvent des malheurs).

Rem. 1. Dans certaines locutions de ce genre, le français correspond exactement au latin : Fama quŏque est oneri, Ov. (la réputation même est à charge).

2. Avec les personnes, est a pour attribut implicite, appartenant à... ; avec les choses, aboutissant à...

§ 345. Verbe esse avec deux datifs.

Le datif de la personne et celui de la chose se trouvent souvent réunis : Paucis temeritas est bono, multis malo, Ph. (la témérité tourne à bien à peu de personnes ; elle tourne à mal à beaucoup ; ou mieux : la témérité a rarement une bonne issue, souvent une mauvaise. — Hoc tibi est honori (cela est à votre honneur = cela vous fait honneur). — Hæc res mihi curæ erit (j’aurai soin, je prendrai soin de cette affaire). — Fortitudini fortuna quoque adjumento est, Cic. (la fortune aussi vient en aide au courage). Ici fortitudini tient lieu d’un nom de personne ; le courage est personnifié, considéré comme vivant et agissant.

Rem. Les verbes do, verto, tribuo, se construisent avec deux datifs dans un sens analogue au précédent : Crimini mihi dedit meam fidem (il m’a fait un crime de ma bonne foi). — Aliquid alicui vitio vertere (blâmer quelqu’un de quelque chose, mot à mot, lui tourner une chose à défaut). — Hoc illi tribuebatur ignaviæ, Cic. (on attribuait cette conduite à son manque de courage.).

§ 346. Est mihi nomen.

Au datif accompagné du verbe esse et marquant la possession, se rattache la manière de parler, est mihi nomen (j’ai nom, je m’appelle). Avec cette locution, le nom propre se met, ou au nominatif, (est mihi nomen Caius) ; ou au datif, (est mihi nomen Caio) ; ou enfin, mais fort rarement au génitif, (nomen Mercurii est mihi, Plante) :

Syracusis est fons aquæ dulcis, cui nomen Arethusa, Cic. (à Syracuse, est une fontaine d’eau douce, qu’on nomme Aréthuse).

Attus Clausus, cui postea Appio Claudio fuit nomen, T. Liv. (Attus Clausus, qui depuis fut nommé Appius Claudius).

Rem. Dans le premier exemple, Arethusa est sujet ou attribut de la proposition ; dans le second, il est attiré au datif par cui.

§ 347. Datif avec le verbe impersonnel licet.

Licuit esse otioso.

Une attractiou pareille a lieu avec licet, lorsque ce verbe a pour sujet un des infinitifs esse ou fieri, accompagné d’un adjectif : In publica re, mihi negligenti esse non licet, Cic. (il ne m’est pas permis d’être indifférent aux affaires publiques). — Licuit esse otioso Themistocli, Cic. (Thémistocle aurait pu vivre dans le repos).

Rem. 1. L’adjectif peut aussi se mettre à l’accusatif, comme attribut de la proposition infinitive : Is erat annus quo ei consulem fieri liceret, Cés. (c’était l’année où il lui était permis d’être élu consul). Cette construction est rare, lorsque le datif de la personne est exprimé ; elle est assez fréquente, lorsqu’il ne l’est pas : Liceat esse miseros, Cic. (qu’il nous soit permis d’être malheureux) = nos esse miseros | liceat.

2. Les poëtes et les écrivains postérieurs à Cicéron étendent l’attraction du datif aux verbes datur, contingit, prodest, vacat, necesse est : Infirmo non vacat esse mihi, Ov. (je n’ai pas le temps d’être malade). — Vobis necesse est fortibus viris esse, T. Liv. (c’est une nécessité pour vous d’être braves).

§ 348. Datif avec les verbes passifs.

Mihi probantur.

On a vu, § 328, que le nom de la personne qui fait l’action exprimée par le verbe passif se mettait à l’ablatif, précédé de a ou ab. Ce nom peut aussi se mettre au datif avec certains verbes, comme audiri, haberi, intelligi, laudari, probari, quæriy, videri, et autres, que l’usage apprendra : Cui non sunt auditæ Demosthenis vigiliæ ? Cic. (qui n’a entendu parler des veilles de Démosthène) ? — Mihi valde probantur Ciceronis libri (les livres de Cicéron sont fort de mon goût).

Ce datif doit être considéré comme le complément du verbe être, compris dans tout passif. Les deux exemples suivants feront parfaitement saisir cette analogie : Mihi consilium captum jam diu est, Cic. (mon parti est pris depuis longtemps) ; mot à mot, le parti est pour moi pris depuis longtemps. — Barbarus hic ego sum, quia non intelligor ulli, Ov. (je suis ici un barbare, parce que je ne suis compris de personne) ; proprement, parce que je ne suis intelligible pour personne.

§ 349. DATIF AVEC LES ADJECTIFS.

Les adjectif et les participes pris adjectivement, qui marquent :

1° Avantage ou désavantage : utilis, commodus, opportunus ; — inutilis, noxius, perniciosus ;

2° Facilité ou difficulté : facilis, obvius, pervius ; — difficilis, arduus, invius ;

3° Faveur ou défaveur : amicus, carus, familiaris, propitius, fidus ; — inimicus, invisus, infensus, iratus, infidus ;

4° Voisinage et proximité : vicinus, finitimu, conterminus, propior, proximus ;

5° Alliance et parenté : affinis, propinquus, cognatus ; prennent au datif le nom de la personne à laquelle ce dont on parle est utile, facile, nuisible, etc.

Rem. 1. Utilis et inutilis prennent généralement le nom de la chose à l’accusatif avec ad : Homo ad nullam rem utilis, Cic. (un homme qui n’est bon à rien). — Inutilis ad pugnam (qui n’est pas propre au combat).

2. Amicus et inimicus sont très-souvent substantifs, et, à ce titre, ils se construisent avec le génitif et avec les adjectifs : amicus veritatis ; amicus meus. Réciproquement, hostis peut se prendre adjectivement et se joindre au datif : diis hominibusque hostis.

§ 350. On construit encore avec le datif les adjectifs qui marquent :

1° Propriété ou communauté : proprius, communis.

2° Conformité ou opposition : par, similis, æqualis ; — dispar, impar, dissimilis, contrarius.

Rem. 1. Proprius se joint aussi au génitif : Viri propria est fortitudo, Cic. (le courage est la vertu propre de l’homme).

2. Il en est de même de par et de similis, ainsi que des termes opposés, excepté impar : P. Crassus Cyri et Alexandri similis esse voluit, Cic. (Publius Crassus voulut ressembler à Cyrus et à Alexandre). Similis est en quelque sorte pris substantivement, comme lorsqu’on dit en français, mon semblable, vos pareils. Quant à par, il faut qu’il devienne tout à fait substantif pour régir le génitif : Metellus, cujus paucos pares hæc civitas tulit, Cic. (Métellus, dont les pareils furent toujours rares dans cette ville).
Datif remplacé par ad avec l’accusatif.
Imperio natus. — Natus ad arma.

§ 351. Une foule d’autres adjectifs ou participes, notamment ceux qui marquent habitude, disposition, penchant, comme assuetus, aptus, idoneus, natus, accommodatus, se trouvent aussi avec le datif : Imperio natus, Cés. (né pour l’empire) ; Omne animal id appetit, quod est naturæ accommodatum, Cic. (tout animal désire ce qui est approprié à sa nature).

Mais le complément le plus ordinaire de ces adjectifs, et surtout de pronus, promptus, paratus, proclivis, est l’accusatif régi par ad : Natus ad arma (né pour les armes) ; Locus ad insidias aptus (lieu propre à une embuscade) ; Nihil tam pronum ad simultates, quam æmulatio, Pl. le j. (rien ne mène aussi facilement à la haine que la rivalité).

Cette construction est indispensable avec propensus : Ut natura ad aliquem morbum proclivior, sic animus alius ad alia vitia propensior, Cic. (de même qu’il est des tempéraments plus disposés à certaines maladies, il est des âmes plus portées que d’autres à certains vices).

DATIF AVEC LES ADVERBES.

§ 352. Les adverbes se joignent au datif comme les adjectifs ou les participes dont ils dérivent : Summum bonum a Stoïcis dicitur convenienter naturæ vivere, (les Stoïciens disent que le souverain bien est de vivre conformément à la nature). — Antiochus, si parēre voluisset Annibali, propius Tiberi quam Thermopylis de summā imperii dimicasset', Corn. Nép. (si Antiochus avait voulu suivre les conseils d’Annibal, il aurait combattu pour l’empire plus près du Tibre que des Thermopyles). — Proxime castris (très-près du camp). — Ire obviam hostibus (aller au-devant des ennemis).

Rem. Propius et proxime se construisent aussi avec l’accusatif sans préposition : Propius mare (plus près de la mer). — Proxime Hispaniam Mauri sunt, Sall. (les Maures sont les plus voisins de l’Espagne).

Le positif prope, considéré lui-même comme préposition, ne prend que ce cas : prope oppidum (près de la ville). Comme adverbe, on le trouve assez souvent avec a et l’ablatif : prope a meis ædibus ; tam prope ab domo, a Sicilia[42], Cic.
DE L’ACCUSATIF.
ACCUSATIF AVEC LES VERBES TRANSITIFS.

§ 353. L’accusatif indique mouvement, tendance, direction vers un lieu (cf. § 368), et par analogie, tendance vers un but ou un résultat ; et c’est pour cela que les verbes transitifs régissent l’accusatif : Urbem video (je vois la ville) ; la ville est le but vers lequel est dirigée l’action de voir. Deus creavit mundum (Dieu a créé le monde) ; le monde est le résultat de l’action de créer.

§ 354. Beaucoup de verbes intransitifs deviennent transitifs en composition : Adire aliquem (aborder quelqu’un) ; opus aggredi (entreprendre un ouvrage) ; consilium inire (prendre une résolution) ; silvas peragrare (parcourir les forêts) ; urbem obsidēre, oppugnare (assiéger, attaquer une ville) ; mœnia circumvenire (entourer les murailles) ; Alpes transire (passer les Alpes) ; et une foule d’autres que l’usage apprendra.

Rem. 1. Quelques verbes de cette espèce sont employés tantôt comme transitifs, tantôt comme intransitifs : Excedĕre modum (passer les bornes), et excedere provinciā, e ou de provinciā (sortir de la province). — Egredi fines (franchir les limites), et egredi finibus (sortir du territoire).

2. Quelques verbes composés de circum, præter et trans, se trouvent avec deux accusatifs, dont l’un est régi par le verbe, l’autre par la préposition : Annibal duodecim millia equitum Iberum traduxit, T. Liv. (Annibal fit passer l’Ebre à douze mille cavaliers) = duxit trans Iberum.

L’accusatif de la préposition se conserve avec le passif : Cæsar reperiebat plerosque Belgas esse ortos ab Germanis, Rhenumque antiquitus transductos, Cés. (César trouvait que la plupart des Belges étaient originaires de Germanie, et avaient été transportés anciennement en deçà du Rhin).

Verbes régissant deux accusatifs.

§ 355. Avec le verbe docēre et son composé edocēre, les Latins mettent à l’accusatif le nom de la chose que l’on enseigne, et celui de la personne à laquelle on enseigne cette chose : Doceo pueros grammaticam[43], (j’enseigne la grammaire aux enfants).— Ciceronem Minerva omnes artes edocuit (Minerve enseigna tous les arts à Cicéron).

Si le verbe est au passif, le nom de la personne en devient le sujet, et celui de la chose reste à l’accusatif : Pueri docentur grammaticam[44]. On observera que doceri, signifiant être instruit, recevoir l’instruction, ne peut jamais avoir pour sujet un nom de chose.

Rem. Lorsque docere signifie donner avis, donner connaissance d’une chose, il se construit bien avec de et l’ablatif : Cæsar præmittit ad Boios, qui de suo adventu doceant, Cés. (César envoie prévenir les Boïens de son arrivée).

§ 356. La règle des deux accusatifs s’applique au verbe cēlare (cacher) : Non te celavi sermonem Ampii, Cic. (je ne vous ai pas caché le discours d’Ampius).

On emploie aussi l’ablatif avec de, principalement quand le verbe est au passif : Non est profecto de illo veneno celata mater, Cic. (le secret de ce poison ne fut certainement pas caché à la mère).

§ 357. Cette règle s’applique en outre,

1° Aux verbes orare, rogare (prier, demander en priant) : Nunquam divitias deos rogavi, Mart. (jamais je n’ai demandé de richesses aux dieux).

2° Aux verbes rogare, interrogare (interroger) : Interrogare aliquem sententiam (demander à quelqu’un son avis) ; et avec le passif : Scito, primum me non esse rogatum sententiam, Cic. (sachez que je n’ai pas été appelé à voter le premier).

3° Aux verbes poscĕre, reposcĕre, flagitare : Pacem te poscimus omnes, Virg. (nous vous demandons tous la paix). — Quotidie Cæsar Æduos frumentum flagitabat, Cés. (chaque jour César pressait les Éduens de fournir du blé).

Mais les simples déterminatifs neutres, comme hoc, id, illud, quid, quod, unum, pauca, multa, omnia, et autres semblables, se rencontrent beaucoup plus souvent avec ces verbes que les accusatifs des substantifs : hoc te rogo ; unum hoc vos oro ; quod me rogas.

Les mêmes déterminatifs s’emploient aussi avec moneo : Illud me præclare admones, Cic. (vous me donnez un excellent conseil) ; mais on ne dirait pas, avec un substantif, errorem me admones ; cf. § 314.

Rem. 1. Les verbes rogare et interrogare n’admettent guère, pour accusatif de la chose, que le mot sententiam ; du reste, on dit interrogare aliquem de aliqua re.

2. Quant aux verbes qui signifient demander, exiger, ils prennent le nom de la personne à l’ablatif avec a ou ab, encore plus souvent qu’à l’accusatif : Rem ab aliquo poscere, flagitare, postulare, exigere. Cette construction est la seule permise avec petere ; cf § 324.

ACCUSATIF AVEC LES VERBES INTRANSITIFS.

§ 358. Tous les verbes latins peuvent être divisés en deux classes, 1o ceux qui reçoivent un complément direct pris hors d’eux-mêmes ; ce sont les verbes actifs ou transitifs ; 2o ceux qui renferment en eux-mêmes leur complément direct, et qui sont, ou Intransitifs relatifs, comme opitulari, favēre, parcĕre[45] (cf. § 341, Note *) ; ou Intransitifs absolus, comme currĕre (courir = faire une course), somniare (songer = faire un songe), gaudēre, lætari (se réjouir = avoir de la joie), vivĕre (vivre = passer sa vie).

Le complément direct compris dans ces verbes peut être exprimé séparément, lorsqu’on veut le qualifier ou le déterminer d’une manière quelconque : Mirum somniavi somnium, Plaut. (j’ai fait un rêve merveilleux). — Consimilem luserat jam ille ludum. Tér. (déjà il avait joué un jeu semblable). — Tutiorem vitam vivere, Cic. (vivre plus en sûreté).

Dans ces exemples, le verbe intransitif a pour régime l’accusatif du nom tiré de lui-même. Quelquefois ce régime est un nom d’une signification analogue à celle du verbe[46] : Tu abi tacitus tuam viam, Plaut. (passe ton chemin sans rien dire). — Qui currit stadium, eniti debet ut vincat, Cic. (celui qui court dans le stade, doit s’efforcer de vaincre). — Pugnare prœlia, Hor. (livrer des combats). — Ambulare septingenta millia passuum, Cic. (faire en marchant sept cent mille pas).

Rem. 1. De ces locutions, quelquefois très-élégantes, on ne doit imiter que celles dont on connaît des exemples.

2. Mais il est peu de verbes intransitifs qui ne puissent régir à l’accusatif hoc, illud, pauca, multa, et les autres déterminatifs universels (§ 37). Ces accusatifs déterminent le complément renfermé dans le verbe et représenté par le radical : unum hoc doleo (je n ai qu’un regret) ; unum omnes student (tous ont un seul désir) ; eadem fere peccat (il commet à peu près les mêmes fautes).

3. Les poëtes étendent cet usage à un grand nombre d’adjectifs neutres : dulce loquens (parlant un doux langage) ; torva tuens (lançant des regards farouches).

§ 359. 1. De même qu’on peut dire dolēre acrem dolorem, Plaut. (ressentir une vive douleur), on dit aussi par analogie, casum, sortem, vicem alicujus dolere (plaindre le malheur, le sort, la condition de quelqu’un) ; filii mortem lugēre, mœrēre, lacrimari (pleurer la mort d’un fils)[47].

L’accusatif qui se joint à ces verbes est nécessairement un nom de chose ; avec flēre et ridēre, l’accusatif peut être un nom de personne : Flebunt Germanicum etiam ignoti, Tac. (les inconnus même pleureront Germanicus). Toutefois les composés transitifs deflere, deridere, sont plus usités en ce sens.

2. On peut rattacher à cette classe horrēre aliquid (avoir horreur d’une chose, la redouter), différent de abhorrēre ab aliquâ re (avoir de l’éloignement pour une chose, y répugner) : Ingrati animi crimen horreo, Cic. (je redoute l’accusation d’ingratitude). — Id abhorret a meis moribus, Cic. (cela répugne à mon caractère).

3. Queri (se plaindre de) prend également bien l’accusatif et l’ablatif avec de : Queror injuriam ou de injuria.

ACCUSATIF AVEC LES VERBES PASSIFS.

§ 360. I. Exuvias indutus.

On trouve, surtout chez les poëtes, l’accusatif de la chose régi par un verbe passif : Exuvias indutus Achillis, Virg. (revêtu des dépouilles d’Achille).

Si l’on considère indutus comme l’équivalent de qui induerat (qui avait revêtu), on verra que l’idée d’action subsiste même dans le passif, et que l’accusatif en est le complément naturel[48]. — En prose, on dirait avec l’ablatif, indutus exuviis.

§ 361. II. Fractus membra.

Les poëtes, et quelquefois aussi les prosateurs, mettent à l’accusatif le nom qui exprime la partie du sujet à laquelle se rapporte l’action exprimée par le verbe passif : Vĕrēcundo suffunditur ora rubore, Ov. (son visage se couvre d’une modeste rougeur). — Fractus membra labore miles, Hor. (un soldat dont les membres sont brisés par la fatigue). — Annibal, tacitā curā animum incensus, T. Liv. (Annibal, ayant l’âme dévorée d’une secrète inquiétude).

Dans le premier exemple, l’accusatif ora est régi, comme exuvias, par l’idée d’action comprise dans le verbe. Dans les deux derniers, l’action étant accomplie et le participe n’exprimant plus qu’un simple état, comme ferait un adjectif, fractus membra, incensus animum, s’expliqueront mieux par fracta membra, incensum animum habens[49].

§ 362. ACCUSATIF AVEC LES ADJECTIFS.

I. Nudă pĕdēs.

Les adjectifs eux-mêmes se trouvent souvent dans les poëtes avec l’accusatif : Os humerosque deo similis, Virg. (ayant le visage et les épaules d’un dieu) = similia habens. On dira de même d’une femme qui a les pieds nus, nuda pedes ; les cheveux blonds, flava comas. L’accusatif est régi par l’idée de possession comprise dans tout adjectif, et représentée par la désinence[50].

II. Vitābundus castra.

Quelques adjectifs en bundus, comme mirabundus, populabundus, vitabundus, régissent aussi l’accusatif, mais d’après un autre principe, et uniquement parce qu’ils conservent le sens actif des verbes dont ils viennent : Hanno, vitabundus castra hostium, Benevento jam appropinquabat, T. Liv. (Hannon, évitant soigneusement le camp ennemi, approchait déjà de Bénévent).

§ 363. ACCUSATIF PRIS ADVERBIALEMENT.

On doit remarquer encore certaines expressions fort usitées où figure l’accusatif, et qui forment de véritables locutions adverbiales, comme magnam et maximam partem, suam vicem, id genus : Suevi non multum frumento, sed maximam partem lacte atque pecŏre vivunt, Cés. (les Suèves consomment peu de blé ; ils vivent en grande partie du lait et de la chair de leurs troupeaux). — Suam vicem officio functus, T. Liv. (s’étant acquitté de son devoir, en ce qui le concerne). — Orationes aut aliquid id genus soleo scriběre, Cic. (j’écris habituellement des discours, ou quelque autre chose de cette espèce). — On dit également maximā ex parte, aliquid ejus generis.

Les exemples suivants se rattachent à la même analogie : Homines id ætatis, Cic. (des hommes de cet âge). — Locus ab omni turbā, id temporis, vacuus, Cic. (un lieu où, à cette heure, on n’est point troublé par la foule). — Thebani nihil moti sunt, T. L. (les Thébains ne furent nullement émus).

DES QUESTIONS DE LIEU.

§ 364. QUESTION Ubi.

On met à l’ablatif avec in le nom du lieu où l’on est, ou dans l’intérieur duquel une action s’exécute, lorsque ce nom est celui d’un pays, comme Asia, Italia, Gallia, ou un terme général, comme orbis, regio, insula, urbs, silva, hortus, etc. « Etre en Italie, » esse in Italia. « Se promener dans le jardin, dans la forêt, » ambulare in horto, in silvā.

Rem. On emploie ordinairement l’ablatif sans préposition :

1° Dans certaines expressions consacrées, comme terrā marique (sur terre et sur mer, ou, par terre et par mer).

2° Lorsque le nom commun est accompagné de quelque adjectif, particulièrement de totus ou d’un autre déterminatif : Castra Gallorum opportunis locis erant posita, Cés. (le camp des Gaulois était avantageusement situé). — Tyriorum coloniæ pæne orbe toto diffusæ sunt, Q. C. (les colonies des Tyriens sont répandues dans presque tout l’univers). — Non eodem semper loco sol orĭtur aut occĭdit, Sén. (le lever ou le coucher du soleil n’ont pas toujours lieu à la même place).

Les poëtes sous-entendent in même lorsqu’il n’y a pas d’adjectif : Silvisque agrisque viisque corpora fœda jacent, Ov.

§ 365. Noms de ville à la question Ubi.

1. Les noms de ville se mettent au génitif s’ils sont de la première ou de la seconde déclinaison et du nombre singulier : Alia Tusculi, alia Romæ evĕnit sæpe tempestas, Cic. (il fait souvent un temps à Rome, un autre à Tusculum). De même, Antiochiæ, Ephesi, Corinthi, Lugduni (à Antioche, à Éphèse, à Corinthe, à Lyon).

2. Ils se mettent à l’ablatif sans préposition, s’ils sont du pluriel ou de la troisième déclinaison : Athenis jam diu doctrina interiit, Cic. (la science a péri depuis longtemps à Athènes). — Cur jam oracula Delphis non eduntur ? Cic. (pourquoi ne se rend-il plus d’oracles à Delphes ?) — Babylone Alexander est mortuus, Cic. (Alexandre est mort à Babylone).

3. Si après le nom de ville on place une apposition, les mots qui la forment se mettent à l’ablatif avec ou sans la préposition in : Archias poeta Antiochiæ natus est, celebri quondam urbe et copiosā, Cic.[51] (le poëte Archias est né à Antioche, ville dès longtemps célèbre par sa population et par ses richesses). — Milites legionis Martiæ Albæ constiterunt, in urbe opportunā, munitā, propinquā, Cic. (les soldats de la légion de Mars s’arrêtèrent à Albe, position commode, fortifiée, et voisine de Rome).

4. Les noms de quelques îles peu considérables suivent la règle des noms de ville : Conon plurimum Cypri vixit, Timotheus Lesbi, C. N. (Conon passa une grande partie de sa vie dans l’île de Chypre, Timothée dans celle de Lesbos).

On dit au contraire in Britanni, in Sicilia, in Sardinia, et de même de toutes les grandes îles.

§ 366. Des expressions domi, humi, ruri, etc.

La règle des noms de ville s’applique encore,

1o Au génitif pris adverbialement domi (à la maison, chez soi) : Condiunt Ægyptii mortuos, et eos domi servant, Cic. (les Égyptiens embaument les morts, et les conservent chez eux). Ce mot n’admet pas d’autres adjectifs que meæ, tuæ, suæ, nostræ, vestræ, et par analogie, alienæ.

Domi signifie souvent en paix, en temps de paix, et, dans cette acception, il a pour opposés belli ou militiæ : Nihil domi, nihil militiæ per magistratus geritur sine augurum auctoritate, Cic. (les magistrats ne font rien ni en paix ni en guerre, ou, ni à Rome ni dans les camps, sans l’aveu des augures). On dit de même aut belli, aut domi, belli domique, domi servant toujours de corrélatif, soit à belli, soit à militiæ, qui seuls ne pourraient être employés en ce sens.

2o Au génitif humi, également adverbial : humi jacēre (être étendu par terre) ; humi corpus abjĭcere, Q. C. (se jeter à terre).

3o A l’ancienne forme d’ablatif ruri : Manlius Titum filium ruri habitare jussit, Cic. (Manlius voulut que son fils Titus vécût à la campagne[52]).

Les poëtes et les écrivains postérieurs à Cicéron emploient aussi rure à la question Ubi ; mais ruri est préférable en prose, et l’autre forme doit être réservée pour la question Unde : ruri esse, rure redire.

§ 367. QUESTION Unde.

Le nom qui exprime le lieu d’où l’on part, si c’est un nom de pays ou un terme général, se met à l’ablatif avec une des prépositions de, ex, ab, selon le verbe dont il est accompagné ; cf. § 323. La préposition est souvent omise avec locus, forum, provincia.

Noms de ville, etc., à la question Unde.

Les noms propres de ville, ceux de quelques petites îles, ainsi que domus, humus et rus, se mettent à l’ablatif sans préposition : Dionysius Platonem Athenis arcessivit, C. N. (Denys fit venir Platon d’Athènes). — Domo profugěre, Cic. (s’enfuir de chez soi, de sa maison, de sa patrie). — Surgit humo juvenis, Ov. (le jeune homme se lève de terre). — Quum Tullius rure redierit, mittam eum ad te, Cic. (quand Tullius sera revenu de la campagne, je vous l’enverrai).

§ 368. QUESTION Quo.

Le nom qui exprime le lieu où l’on va se met à l’accusatif avec in si l’on entre dans le lieu, avec ad si l’on ne fait qu’en approcher : Proba vita via est in cælum, Cic. (une bonne vie est le chemin du ciel = conduit dans le ciel). — Ad rivum eumdem lupus et agnus venerant, Ph. (un loup et un agneau étaient venus au même ruisseau). — Proficiscitur in Galliam (il part pour la Gaule).

Noms de ville, etc., à la question Quo.

Les noms de villes, ceux de quelques petites îles, ainsi que domus et rus, se mettent à l’accusatif sans préposition : Proficiscitur Athenas (il part pour Athènes). — Curius primus Romam elephantos duxit, Eut. (Curius fut le premier qui conduisit des éléphants à Rome). — Domum redire (revenir chez soi, dans sa maison ou dans sa patrie). — Ego rus ibo, atque ibi manebo, Tér. (j’irai à la campagne et j’y resterai[53]).

Les mots ajoutés par apposition se mettent à l’accusatif avec in : Demaratus Corinthius dicitur se contulisse Targuinios, in urbem Etruriæ florentissimam, Cic. (Démarate de Corinthe alla, dit-on, s’établir à Tarquinies, ville la plus florissante de l’Étrurie).

Rem. Pĕtĕre, dans le sens d’aller, de gagner un lieu, régit l’accusatif comme tout autre verbe actif : Grues, loca calidiora petentes, maria transmittunt, Cic. (les grues passent les mers, pour aller chercher des climats plus chauds). — Galliam, Italiam, Romam petere (aller en Gaule, en Italie, à Rome).

§ 369. QUESTION Qua.

Le nom du lieu par où l’on passe se met à l’ablatif sans préposition ou à l’accusatif avec per, s’il s’agit d’un chemin, d’une rue, d’une porte : Lupus, Esquilinā portā ingressus, per portam Collinam evaserat, T. Liv. (un loup, entré par la porte Esquiline, s’était sauvé par la porte Colline). — Catilina Aureliā viā profectus est, Cic. (Catilina est parti par la voie Aurélienne).

Avec les noms de ville et de pays, on emploie per et l’accusatif : Per Carthaginem transire ; iter facere per Galliam (passer par Carthage ; traverser la Gaule).

§ 370. Observations générales sur les questions de lieu.

1. Les noms de ville, aux questions ubi, unde, quo, se construisent avec les prépositions, lorsque les noms communs urbs ou oppidum sont placés avant, et que c’est le nom propre qui forme apposition : Cimon in oppido Citio est mortuus, C. N. (Cimon mourut dans la ville de Citium[54]). — Vercingetorix expellitur ex oppido Gergoviā, Cés. (Vercingétorix est chassé de la ville de Gergovie[55]).

2. Il en est de même de domus lorsqu’il régit un génitif ou qu’il désigne l’édifice ou la famille : Alcibiades educatus est in domo Periclis, C. N. (Alcibiade fut élevé dans la maison de Périclès). — Atticus non ex vita, sed ex domo in domum videbatur migrare, C. N. (Atticus paraissait moins sortir de la vie, que passer d’une maison dans une autre).

3. La préposition française chez se rend, à la question Ubi, par apud avec l’accusatif : Cœnare apud amicum (souper chez un ami). — Scaurum ruri apud se esse audio, Cic. (j’apprends que Scaurus est chez lui, à la campagne).

A la question Unde, par a ou ab avec l’ablatif : A patre venio (je viens de chez mon père). — Quisnam a nobis egreditur foras ? Tér. (qui donc sort de chez nous) ?

A la question Quo, par ad avec l’accusaiif : Eamus ad me, Tér. (allons chez moi) ; — ad Cæsarem (chez César).

A la question Qua, pour rendre « Passer par chez quelqu’un, » l’on dira per domum alicujus transire ; mais cette manière de parler est fort rare, aussi bien en français qu’en latin.

Rem. On a vu dans les §§ précédents que chez soi, c.-à-d. au logis, s’exprimait aussi par domi, domo, domum, suivant la nature de la question et le sens de la phrase.

§ 371. QUESTION D’ÉTENDUE.

Le nom qui exprime l’étendue en longueur, en largeur, en hauteur ou en profondeur se met à l’accusatif sans préposition après les verbes et les adjectifs : Planities tria millia passuum in longitudinem patet[56], Cés. (la plaine a trois mille pas d’étendue en longueur). — Muri Babylonis ducenos pedes alti, quinquagenos lati erant[57], Plin. (les murs de Babylone avaient deux cents pieds de haut, et cinquante de large).

Rem. 1. Au lieu de l’accusatif, l’étendue est quelquefois exprimée par l’ablatif ; mais l’emploi de ce cas est rare et on ne doit pas l’imiter.

2. Avec un substantif, elle peut l’être par le génitif de qualité (§ 309) : Colossus centum viginti pedum, Suét. — Pedum quindecim fossa, Cés.

§ 372. QUESTION DE DISTANCE.

La distance d’un lieu à un autre s’exprime, comme l’étendue, par l’accusatif sans préposition : Civitas ea[58] sita fuit passus mille ferme a mari, T. Liv. (cette ville était située à environ mille pas de la mer).

On peut aussi se servir de l’ablatif, et les historiens en offrent d’assez nombreux exemples : Æsculapii templum quinque millibus passuum ab urbe[59] distat, T. Liv. (le temple d’Esculape est éloigné de cinq mille pas de la ville).

On emploie élégammeut l’ablatif spatio, suivi d’un génitif : Æmilius a Chalcide Aulidem[60] trajicit, trium millium spatio distantem, T. Liv. (de Chalcis, Paul Émile passe à Aulis, qui en est éloignée de trois milles).

Quand la distance est exprimée par le mot lapis (pierre milliaire), on le met à l’accusatif avec ad et le nombre ordinal : Ad quartum a Cremonā lapidem fulsere legionum signa, Tac. (à quatre milles de Crémone, brillèrent les étendards des légions).
DES QUESTIONS DE TEMPS.

§ 373. question Quando (quand).

Les circonstances de temps sont assimilées à celles de lieu et marquées par les mêmes cas. Ainsi, le terme qui exprime en quel temps une chose a été faite ou sera faite, se met à l’ablatif sans préposition : Pyrrhi temporibus, jam Apollo versus facere desierat, Cic. (à l’époque de Pyrrhus, Apollon avait déjà cessé de faire des vers). — Quā nocte natus est Alexander, eādem Dianæ Ephesiæ templum deflagravit, Cic. (la nuit même où naquit Alexandre, le temple de Diane à Ephèse fut brûlé). — Homerus annis multis fuit ante Romulum, Cic. (Homère vécut bien des années avant Romulus). — Themistocles fecit idem quod viginti annis ante fecerat Coriolanus, Cic. (Thémistocle fit ce que Coriolan avait fait vingt ans auparavant).

Rem. 1. Au lieu de viginti annis ante, on aurait pu dire, en employant le nombre ordinal au singulier, vigesimo anno ante, ou vigesimo ante anno (la vingtième année auparavant) ; viginti post annis, ou vigesimo post anno (vingt ans, ou, la vingtième année après).

2. Ante et post, qui dans ces exemples sont adverbes, peuvent redevenir prépositions, et l’on dira également bien multis post annis, ou, post multos annos eădem evenēre, comme on dit en français : « Beaucoup d’années après, ou, après beaucoup d’années, les mêmes événements se renouvelèrent. »

3. Cet emploi de post avec l’accusatif fournit le moyen de rendre les locutions françaises, dans peu de jours, dans quelques années, etc. ; dans pouvant se tourner par après, on dira : post paucos dies, post aliquot annos.

Cependant, avec biduum, triduum, quatriduum, le même rapport s’exprime par l’ablatif : Triduo hæc audietis, Cic. (vous apprendrez cela dans trois jours).

4. Si l’on veut rendre en latin, tous les sept jours, et autres expressions semblables, marquant retour périodique d’une action, il faut dire avec quisque et l’ablatif : septimo quōque die (mot à mot, chaque septième journée).

5. A la question Quando appartiennent encore les deux adverbes pridie et postridie. On dit pridie, postridie ejus diei (la veille, le lendemain de ce jour). Mais les autres noms se mettent à l’accusalif : pridie kalendas ; postridie ludos.

§ 374. quection Quam dudum (depuis quand)

1. Pour exprimer depuis quand dure ou durait une action ; le nom de temps se met à l’accusatif, et l’on emploie le nombre ordinal : « L’Italie était depuis douze ans ravagée par la guerre punique, » Punico bello duodecimum annum Italia urebatur, T. Liv. (était ravagée une douzième année)[61]. Et de même : « Il y a bien des années que je suis lié avec Trébonius, » Trebonio multos annos utor familiariter, Cic.

2. S’il s’agit d’un temps tout à fait écoulé, on se sert du nombre cardinal avec ante et le démonstratif hic, hæc, hoc : « Il y a six mois que tu as médit de moi, » Ante hos sex menses male dixisti mihi, Ph. (avant ces derniers six mois).

On peut aussi employer abhinc suivi de l’accusatif ou de l’ablatif : « Il y a vingt-deux ans qu’il est mort, » Ille abhinc duos et viginti annos mortuus est, Cic. — « Il y a quatre ans, » Abhinc annis quatuor, Cic.

Rem. 1. Abhinc signifie, A partir de ce moment en reculant dans le passé ; il se joint toujours au nombre cardinal et se place le premier ; on ne doit donc pas dire quatuor abhinc annis, ni quarto abhinc anno.

2. Depuis ce temps-la s’exprime par ab ou ex illo tempore ; — Depuis la fondation de Rome, par post urbem conditam, ou ab urbe conditā.

§ 375. question Quandiu (pendant combien de temps).

Le terme qui exprime pendant combien de temps[62] une action dure habituellement, a duré ou durera, se met à l’accusatif sans préposition : Ager, quum multos annos quievit, uberiores efferre fruges solet, Cic. (un champ qui s’est reposé plusieurs années donne des moissons plus abondantes). — Duodequadraginta annos tyrannus Syracusanorum fuit Dionysius, Cic. (Denys fut tyran de Syracuse pendant trente-huit ans).

L’on peut aussi employer l’ablatif : Ægyptum Nilus totā æstate obrutam oppletamque tenet, Cic, (le Nil tient l’Egypte inondée et couverte pendant tout l’été). — Imperium Assyrii mille trecentis annis tenuere, Just. (les Assyriens possédèrent l’empire pendant treize cents ans).

Mais l’accusatif exprime mieux la durée non interrompue, et si l’on veut la marquer encore avec plus de précision, on ajoute la préposition per ; Annibal Italiam per annos sexdecim variis cladibus fatigavit, Just. (pendant seize ans, Annibal accabla l’Italie de toute sorte de maux).

Rem. L’âge s’exprime, comme la durée, par l’accusatif avec le participe natus : « Agé de vingt et un ans, » Annos natus unum et viginti, Cic. — « Caton mourut à quatre-vingt-cinq ans, » Cato annos quinque et octoginta natus excessit e vita[63], Cic.

On emploie le verbe agĕre avec le nombre ordinal, quand l’année que l’on désigne n’est pas accomplie : C. Julius Cæsar, annum agens sextum decimum, patrem amisit, Suét. (Jules César était dans sa seizième année, lorsqu’il perdit son père.)

§ 376. question En combien de temps.

Le terme qui exprime en combien de temps une action s’exécute, se met à l’ablatif sans préposition : Saturni stella triginta fere annis cursum suum conficit, Cic. (la planète de Saturne accomplit sa révolution à peu près en trente ans). — Quatuor tragœdias sexdecim diebus absolvisti, Cic. (vous avez achevé quatre tragédies en seize jours).

On le trouve aussi, mais rarement, à l’accusatif avec intra : Gracchus centum tria oppida intra paucos dies in deditionem accepit, T. Liv. (Gracchus reçut en peu de jours la soumission de cent trois places).

Rem. 1. Le vrai sens d’intra est de marquer la limite en dedans de laquelle un fait s’accomplit, et qu’il ne dépasse point : Omnes Potitii intra annum exstincti sunt, T. Liv. (tous les Potitius périrent dans l’année). — Multi intra vicesimum diem dictaturā se abdicarunt, T. Liv. (beaucoup de dictateurs abdiquèrent dans les vingt jours = avant que le vingtième jour fût écoulé).

2. La question pour quel temps ou pour combien de temps se résout par in avec l’accusatif : « Il l’invita à souper pour le lendemain, » Eum ad cœnam invitavit in posterum diem, Cic. — « Nous venons au monde pour peu de temps, » In exiguum ævi gignimur, Sén.

EMPLOI PARTICULIER DES CAS AVEC CERTAINS VERBES.[64]

§ 377. Verbes impersonnels pluit, tonat, fulgurat.

1. Le verbe pluit se construit au besoin avec l’ablalif de la matière : In Aventino lapidibus pluit, T. Liv. (il plut des pierres sur le mont Aventin) ; — ou, mais plus rarement, avec l’accusatif d’après l’analogie marquée § 358 : In areā Vulcani sanguinem pluit, T. Liv. (il plut du sang dans le parvis du temple de Vulcain).

2. Les poëtes donnent quelquefois à ce verbe, ainsi qu’à tonat et à fulgurat, des sujets pris hors du radical[65] : Nec de concussā tantum pluit ilice glandis. — Cœlum tonat omne fragore. — Antra ætnæa tonant, Virg.

§ 378. Verbes pœnitet, pudet, piget, taedet, miseret.

Nous avons expliqué, § 80, III, la véritable nature de ces verbes. Il en résulte que, si l’on veut traduire en latin « Je me repens de ma faute, » il faudra dire me pœnitet culpæ meæ. Le sujet est représenté par le radical de pœnitet, et déterminé par le génitif culpæ (Le regret de quoi ? — de la faute). L’accusatif me est le complément direct du verbe.

La règle est donc de mettre à l’accusatif le nom de la personne qui éprouve le repentir, la honte, la pitié, etc., et au génitif le nom de la personne ou de la chose qui est l’objet de ces sentiments : Vidi eum miserum, et me ejus misertum est, Plaut. (je l’ai vu malheureux, et j’ai eu pitié de lui). — Malo me fortunæ pœniteat, quam victoriæ pudeat, Q. C. (j’aime mieux être mécontent de ma fortune, que honteux de ma victoire).

L’objet du repentir, de la honte, etc. peut être aussi exprimé par un infinitif : Quem pœnitet peccasse, pæne est innocens, Sén. le tr. (celui qui se repent d’avoir péché, est presque innocent). En ce cas, l’infinitif est sujet de pœnitet.

Rem. 1. Pour exprimer « Je commence à me repentir, » on dira incipit me pœnitere, dont l’analyse est : « Le repentir commence à me prendre. » Cette règle s’applique aux verbes soleo, debeo, possum, incipio, cœpi, desino. Construits avec les infinitifs pœnitere, pudere, etc., ces verbes ont pour sujet l’idée contenue dans l’infinitif, et par conséquent ils se mettent toujours à la troisième personne du singulier : Solet eum, quum aliquid furiose fecit, pœnitere Cic. (il a coutume de se repentir, lorsqu’il s’est livré à quelque emportement). — Postquam animus conquievit, pigere eum facti cœpit Just. (lorsque son esprit fut calmé, il commença à être fâché de ce qu’il avait fait).

2. Outre l’impersonnel me miseret, j’ai pitié s’exprime encore par misereor avec le génitif : « Ayez pitié des alliés, » Miseremini sociorum, Cic. — Il ne faut pas confondre misereri avec miserari, qui signifie plaindre, déplorer, et qui régit l’accusatif : Miserari casum alicujus (déplorer le sort de quelqu’un).

§ 379. Verbes rēfert, intĕrest (il importe).

Avec les verbes rēfert et interest, le nom de la personne à laquelle une chose importe se met au génitif : « Il importe au roi, il est de l’intérêt du roi, » Regis interest.

Au lieu de mei, tui, sui, etc., génitifs des pronoms personnels, on emploie les ablatifs pronominaux possessifs meā, tuā, suā, nostrā, vestrā : « Il m’importe, » Meā rēfert. — « Il est de notre intérêt, » Nostrā interest[66].

Si ces possessifs sont suivis de qui, quæ, quod, ce relatif s’accorde en genre et en nombre avec le pronom personnel représenté par meā, tuā, etc. « Il vous importe, à vous qui êtes pères, » Vestrā interest, qui patres estis, Pl. le j. Qui se rapporte au génitif pluriel vestrum, dont l’idée est comprise dans vestrā ; cf. § 322.

Ces locutions, « Il nous importe, il vous importe à tous deux, » se rendent par utriusque nostrum, utriusque vestrum interest.

Rem. L’emploi des ablatifs pronominaux est très-fréquent avec refertet interest ; celui du génitif est très-rare avec refert. Ainsi l’on dit beaucoup mieux interest patris que refert patris.

§ 380. 1. La mesure de l’importance ou de l’intérêt qui s’attache à une chose, s’exprime par les cinq génitifs neutres pris adverbialement, magni, permagni, parvi, tanti, quanti, ou par les accusatifs tantum, quantum, multum, plus, plurimum, minus, quid, nihil, et par les adverbes valde, vehementer, magis, maxime, minime.

2. Rēfert et interest ont toujours pour sujet, ou un infinitif : Interest omnium recte facĕre, Cic. (il importe à tous de bien faire) ; ou une proposition subordonnée : Plurimum refert qui sint audientium mores, Quintil. (il importe beaucoup quelles sont les mœurs des auditeurs). — Non rēfert quam multos libros, sed quam bonos habeas, Sén. (il n’importe pas combien vous avez de livres, mais jusqu’à quel point ils sont bons = d’avoir beaucoup de livres, mais d’en avoir de bons). — Illud meā magni interest, te ut videam, Cic. (il m’importe beaucoup de vous voir) ; le sujet est ut videam te ; le neutre illud ne fait que l’annoncer, comme il en français.

3. Le nom qui exprime a quoi une chose importe se met à l’accusatif avec ad : « Il importe beaucoup à l’honneur et à la gloire du pays, » Magni interest ad decus et ad laudem civitatis, Cic.

Cependant, s’il s’agit d’un objet qui puisse être personnifié, on emploiera le génitif : « Il importe au pays, à la république, » Interest civitatis, reipublicæ.

§ 381. Verbes dĕcet, dēdĕcet, jŭvat.

1. Le verbe decet et son opposé dedecet, ayant la signification active, veulent à l’accusatif le nom de la personne à laquelle une chose sied ou ne sied pas. Le sujet peut être ou un substantif : Candida pax homines, trux decet ira feras, Ov. (l’aimable paix sied aux hommes, la colère farouche aux bêtes sauvages) ; — ou une proposition infinitive : Decet verecundum esse adolescentem, Plaut. (il sied à un jeune homme d’être réservé).

Decet peut s’employer à la troisième personne du pluriel : Miseros convicia non decent, Just. (un langage amer ne sied pas aux malheureux).

2. Ces deux verbes n’ont pas de voix passive. Juvare, qui a les deux voix, n’en est pas moins susceptible des mêmes constructions : Juvat nos beneficii conscientia, Sén. (la conscience d’un bienfait nous rend heureux, mot à mot, nous réjouit). — Multos castra juvant, Hor. (beaucoup d’hommes se plaisent dans les camps). — Juvat me, quod vigent studia[67], Pl. le j. (j’aime à voir les études fleurir).

§ 382. Verbes fallit, fugit, præterit.

On emploie souvent la troisième personne des verbes fallo, fugio, prætereo dans le sens du français ignorer. La chose ignorée est le sujet ; le nom de la personne est le complément direct : Omnes fontes æstate quam hieme gelidiores esse[68] quem fallit ? Plin. (qui ne sait que toutes les sources sont plus froides en été qu’en hiver ?) — Quid sit optimum, neminem fugit, Quintil. (personne ne se méprend sur ce qui est le meilleur). — Non me præterit[69], usum esse optimum dicendi magistrum, Pl. le j. (je n’ignore pas que l’exercice est le meilleur maître d’éloquence).

Rem. Les poëtes et les écrivains postérieurs à Cicéron emploient dans le même sens, et avec l’accusatif de la personne, le verbe latēre : Nil illum, toto quod fit in orbe, latet[70], Ov. (rien de tout ce qui se fait dans l’univers n’est ignoré de lui, ne lui est caché). — Latet plerosque, Plin. (la plupart ignorent).

§ 383. Verbes attinet, pertinet, spectat.

1. Les deux verbes attinere, pertinere, dans le sens de regarder quelqu’un, l’intéresser, s’emploient souvent à la troisième personne avec ad et l’accusatif : Quod ad me attinet, Cic. (pour ce qui me regarde). — Ad rempublicam pertinet me conservari, Cic. (la république est intéressée à ma conservation).

Attinet et pertinet sont quelquefois sous-entendus ; ainsi l’on dit également Quid istud ad me attinet ? Plaut., et Quid istud ad me ? (en quoi cela me regarde-t-il ?) — Nihil ad rem[71], Cic, (cela ne fait rien à la chose).

2. Le verbe spectare, dans le sens de tendre à, viser à, se construit comme les deux précédents ; mais il ne peut pas avoir comme eux un infinitif pour sujet : Totum ejus consilium ad bellum spectare videtur, Cic. (toutes ses vues paraissent tendre à la guerre).

§ 384. Verbes manet, deficit.

1. Le verbe manēre, quoique neutre, régit à l’accusatif le nom de la personne, lorsqu’il signifie attendre, et qu’il a pour sujet un nom de chose : Aliud me fatum manet, Cic. (une autre destinée m’attend, m’est réservée).

Il s’entend de soi-même que, dans le sens de rester à quelqu’un, ce verbe prend le datif : Quod viro forti adimi non potest, id mihi manet et permanebit, Cic. (ce qu’on ne peut enlever à un homme de cœur, me reste et me restera toujours).

D’un autre côté, lorsque attendre a pour sujet un nom de personne, on l’exprime par exspectare ou opperiri.

2. Le verbe deficere (manquer), ayant pour sujet un nom de chose et pour complément un nom de personne, veut ce dernier à l’accusatif : Bonos nunquam honestus sermo deficiet Qtl. (un langage honnête ne manquera jamais à l’homme de bien). L’usage apprendra les autres constructions de ce verbe.

§ 385. Verbes imminet, impendet, instat.

Pour traduire en latin « Un grand danger nous menace, » et autres locutions semblables, où le verbe menacer a pour sujet un nom de chose, on se sert élégamment des verbes neutres imminēre, impendēre (être suspendu sur), instare (se tenir sur, presser), en mettant le nom de la personne au datif : Magnum periculum nobis imminet, impendet, instat. — « Un danger vous menace de leur part, » Tibi ab iis instat periculum, Cic.

§ 386. Verbes minari , gratulari.

1. Mais si c’est une personne qui en menace une autre, on se sert de minari, et le nom de la personne menacée se met au datif : Nisi homini minatus essem, Cic. (si je n’avais menacé cet homme).

Le nom de la personne se trouvant ainsi complément indirect, celui de la chose dont on la menace devient complément direct et se met à l’accusatif : « Menacer quelqu’un de la mort, » Minari mortem alicui ; proprement : montrer avec menace la mort à quelqu’un.

2. La même construction s’applique au verbe gratulari : « Il le félicite de sa victoire, » Ei victoriam gratulatur, Cic. ; proprement : gratam sibi testatur.

§ 387. Verbes interdicĕre, intercludĕre.

1. On dit en français, « Interdire quelque chose à quelqu’un. » En latin, le nom de la chose se met à l’ablatif, et celui de la personne au datif : « Je vous interdis ma maison, » Interdico tibi domo meā. « Interdire à un accusé le feu et l’eau, » Interdicere reo aquā et igni. — Le complément direct est compris dans le verbe : prononcer à l’accusé son interdiction, son exclusion du feu et de l’eau[72].

2. Le verbe intercludere (fermer le passage) se construit de deux manières ; ou avec l’accusatif de la personne et l’ablatif de la chose : Cæsar re frumentariā adversarios intercluserat, Cés. (César avait coupé les vivres à ses adversaires) ; — ou avec l’accusatif de la chose et le datif de la personne : Intercludito inimicis commeatum, Plaut. (coupe les vivres aux ennemis).

§ 388. Verbes aspergĕre, circumdăre, donāre, etc.

Plusieurs autres verbes ont, dans des significations identiques ou du moins analogues, des régimes différents ; nous n’en citerons qu’un petit nombre :

1. Aspergĕre labem vitæ alicujus (répandre une tache sur la vie de quelqu’un, flétrir sa réputation), et aspergĕre aram sanguine (arroser un autel de sang).

2. Circumdare urbem muro, et murum urbi (entourer une ville de murailles, et, construire des murailles autour d’une ville.

3. Donare pecuniam alicui, et aliquem pecuniā (donner de l’argent à quelqu’un, et, gratifier quelqu’un d’une somme d’argent). La dernière tournure est la plus usitée.

4. Induĕre tunicam alicui, et aliquem tunicā (mettre une tunique à quelqu’un, et, revêtir quelqu’un d’une tunique) ; Induere sibi torquem (se parer d’un collier), et sans complément indirect : induere loricam (revêtir sa cuirasse).

5. Mittĕre nuncios alicui et ad aliquem (envoyer des messagers à quelqu’un).

6. Scribere epistolam amico et ad amicum (écrire à un ami).

EMPLOI DES CAS AVEC LES INTERJECTIONS[73].

§ 389. Les interjections ne font point partie de la proposition ; elles ne régissent donc rien et ne sont régies par rien. Cependant on les joint par ellipse à différents cas des noms ;

1. Au génitif, en poésie seulement : O mihi nuncii beati, Catull. (ô l’heureuse nouvelle pour moi !) proprement : je me félicite à cause de cette heureuse nouvelle.

2. Au datif : Hei mihi ! (malheureux que je suis) ! Væ victis (malheur aux vaincus) !

3. A l’accusaiif : O fallacem hominum spem ! Cic. (ô trompeuses espérances des hommes) ! Heu me miserum ! et sans l’interjection, me miserum (que je suis malheureux) ! Suppl. dico, experior, ou sentio[74].

Elles se joignent aussi au nominatif, avec ellipse du verbe ÊTRE : Heu vatum ignaræ mentes ! Virg. ; et au vocatif sans ellipse : Heu miserande puer ! Virg.

Rem. Les deux adverbes en, ecce (§ 96 — 1°), qui ont quelque rapport avec les interjections, se joignent en général au nominatif : En ego vester Ascanius, Virg. (c’est moi, c’est votre Ascagne) ; s. adsum. — Ecce autem nova turba atque rixa, Cic. (mais voici un nouveau bruit, une autre querelle) ; s. oritur.

On les trouve rarement avec l’accusatif, si ce n’est en poésie : En quattuor aras ; ecce duas tibi, Daphni, Virg. s. vides ou aspice ; cf. § 145 — 4.
DES VERBES EN GÉNÉRAL.

§ 390. VERBES AYANT DES RÉGIMES DIFFÉRENTS.

Souvent deux verbes qui ont pour complément un seul et même objet régissent des cas différents parce que l’un est actif et que l’autre est neutre : Naturam ducem sequimur, eique paremus, Cic. (nous suivons pour guide la nature, et nous lui obéissons). Le complément du premier verbe est représenté devant le second par lui en français, par ei en latin, obéir et parēre étant également neutres.

S’il arrive qu’en français les deux verbes soient actifs, et qu’en latin seulement l’un des deux soit neutre, on se règlera d’après le même principe : « Nous aimons et nous favorisons les jeunes gens, » Amamus adolescentes, illisque favemus. — « La douceur du langage flatte et séduit les oreilles, » Suavitas orationis blanditur aurïbus, easque allicit. — « Voilà les jeunes gens que nous aimons et que nous favorisons, » Hi sunt adolescentes quos amamus et quibus favemus.

§ 391. CHANGEMENT DE L’ACTIF EN PASSIF.

Un verbe transitif peut toujours passer de la voix active à la voix passive, sans que la pensée cesse d’être la même. Le complément direct du verbe actif devient alors sujet du verbe passif : « Tout le monde loue la vertu ; La vertu est louée de tout le monde, » Omnes laudant virtutem ; Virtus ab omnibus laudatur.

Nota. Le latin aime à énoncer les propositions sous la forme passive, dans beaucoup de cas où le français préfère la forme active, qui, dans notre langue, est plus rapide et plus dégagée.

§ 392. Amphibologie et manière de l’éviter.

Le changement de l’actif en passif est indispensable dans certaines propositions infinitives, pour éviter des amphibologies comme celle de l’oracle rendu à Pyrrhus : Aio te, Æacida, Romanos vincere posse[75]. Ce vers signifie-t-il « Je dis que tu peux vaincre les Romains, » ou « Je dis que les Romains peuvent te vaincre ? » rien ne l’indique, parce qu’on ne peut savoir lequel de te ou de Romanos est sujet de la proposition infinitive, et lequel en est complément. Si c’est Pyrrhus qui doit être vainqueur, il faut dire : Aio Romanos a te vinci posse ; si ce sont les Romains, il faut dire : Aio te a Romanis vinci posse.

De même la phrase, « J’ai entendu dire que Lachès a frappé Déméas , » se rendra par Audivi a Lachete percussum Demeam, et non par Lachetem audivi percussisse Demeam[76].

§ 393. CHANGEMENT DU PASSIF EN ACTIF.

Lorsqu’un verbe français à la voix passive ne peut être rendu en latin que par un verbe déponent ou par un verbe neutre, il faut changer le passif en actif : « La faute est toujours suivie du repentir, » tournez : « Le repentir suit toujours la faute, » Pœnitentia semper culpam sequitur. — « Les mauvais exemples sont plus souvent imités que les bons, » tournez : « Les hommes imitent plus souvent, » etc., Mala, quam bona, exempla sæpius imitantur homines. — « Vous avez été souvent favorisé de la fortune, » tournez : « La fortune a souvent favorisé vos intérêts : » Sæpe rebus tuis fāvit fortuna.

Si la phrase française contient plusieurs verbes, il faut les ramener tous à la voix active, quand même un de ces verbes aurait un passif en latin : « La vertu est louée et admirée même de ceux qui ne la pratiquent pas, » Laudant miranturque virtutem, etiam qui non colunt.

VALEUR ET USAGE DES TEMPS.

Les temps du verbe latin répondent exactement à ceux du verbe français, ainsi que nous l’avons montré § 42. Nous n’avons donc à noter ici que quelques usages particuliers des formes temporelles.

§ 394. Présent employé pour le passé.

On emploie souvent le présent au lieu du parfait pour donner au récit plus de vivacité : Roma interim crescit Albæ ruinis, duplicatur civium numerus, Cœlius additur urbi mons. T. L. (cependant Rome s’accroît des ruines d’Albe, le nombre des citoyens est doublé, on ajoute à la ville le mont Célius.

§ 395. Futur périphrastique (lecturus sum).

Le participe futur actif, réuni à sum, eram, ero, etc., forme une suite de temps composés, où l’idée de l’avenir est combinée avec celle du temps marqué par le verbe auxiliaire ; il en résulte la conjugaison suivante, qu’on nomme périphrastique :

TEMPS DE LA PREMIÈRE SÉRIE. TEMPS DE LA DEUXIÈME SÉRIE.
INDICATIF. SUBJONCTIF. INDICATIF. SUBJONCTIF.
Lecturus sum   —  sim Lecturus fui   —  fuerim
Lecturus eram   —  essem Lecturus fueram   —  fuissem
Lecturus ero      

Lecturus sum diffère de legam, comme je dois lire, je me propose de lire, diffère de je lirai. Il en est de même des autres formes : lecturus eram (je devais lire, j’allais lire, j’étais sur le point de lire) ; quum lecturus ero (lorsque je devrai lire, lorsque je me disposerai à lire) ; lecturus fui (j’ai été sur le point de lire) ; si lecturus fuissem (si j’avais dû lire), etc.

Cicéron réunit le futur simple et le futur périphrastique dans une phrase où il conseille à l’orateur d’étudier les dispositions « de ceux devant lesquels il plaidera ou devra plaider, » eorum apud quos aliquid aget aut erit acturus[77]. Cet exemple suffit pour en faire sentir la différence.

Rem. 1. C’est à cette conjugaison que sont empruntés les futurs de l’infinitif, lecturum esse et fuisse, ainsi que le futur du subjonctif, lecturus sim ; cf. futurus sim, § 47, R. 5.

2. Les locutions aller, être sur le point de, au moment de, près de, qui se traduisent bien par le participe futur avec l’auxiliaire, peuvent aussi se rendre par in eo esse ut avec le subjonctif : « Il était sur le point de périr, il allait périr, » Jam in eo erat ut periret. On dirait de même, jamjam erat periturus.

§ 396. Des deux auxiliaires du parfait passif, sum et fui.

Sum et fui, eram et fueram, s’emploient indistinctement comme auxiliaires du parfait et du plus-que-parfait passif (§67). Cependant, si l’on a besoin de marquer plus fortement le passé, on préférera fui et fueram : « Marius publia seul un édit qui avait été rédigé en commun, » Marius id, quod communiter compositum fuerat, solus edixit. L’auteur a employé fuerat pour mieux exprimer l’antériorité. Il aurait pu dire aussi, quod compositum erat ; la phrase signifierait alors, « publia seul ce qui était réglé en commun, » et compositum prendrait le sens d’un simple adjectif[78].

Il est des cas où une forme ne pourrait pas être employée pour l’autre : Respiravi, liberatus sum, Cic. (je respire, je suis sauvé) ; Actum est, periisti, Tér. (c’en est fait, tu es perdu). Liberatus fui, actum fuit, formeraient un sens tout différent.

§ 397. Des temps dans le style épistolaire.

Les Latins, en écrivant une lettre, aimaient à se transporter par la pensée à l’époque où leur correspondant devait la recevoir, et ils parlaient au passé. Ainsi, au lieu de dire comme nous : « Je n’ai rien à vous écrire, car je n’ai rien appris de nouveau, et j’ai répondu hier à toutes vos lettres, » Cicéron dit à Atticus[79] : Nihil habebam quod scriberem, neque enim novi quidquam audieram, et ad tuas omnes[80] rescripseram pridie. L’auteur s’exprime comme s’il voulait qu’en recevant sa lettre Atticus pût dire : « Au moment où Cicéron m’écrivait cette lettre, il n’avait rien à me mander ; car il n’avait rien appris de nouveau, et il avait répondu la veille à toutes les miennes. »

Du reste, Pline le jeune n’observe déjà plus cette règle, dont Cicéron même s’écartait quelquefois, et l’usage a prévalu d’employer en latin les mêmes temps que nous employons en français.

VALEUR ET USAGE DES MODES.

§ 398. INDICATIF.

Nous avons expliqué, § 43, la signification de ce mode, et tous les exemples cités jusqu’ici en ont assez fait connaître l’usage, qui en général est le même en latin qu’en français.

Cependant les Latins se servent de l’indicatif dans certains cas où nous employons le conditionnel. Ainsi, Je pourrais, je devrais, il faudrait, s’expriment bien par possum, debeo, oportet, au présent ; J’aurais pu, j’aurais dû, il aurait fallu, par poteram, debebam, oportebat, à l’imparfait, ou potui, debui, oportuit, au parfait : Possum excitare multos testes, Cic. (je pourrais invoquer de nombreux témoins). — Oh ! regem me esse oportuit. Tér. (oh, que j’aurais bien dû être roi) !

On dit de même æquum est, — erat (il serait, il eût été juste) ; longum est omnia commemorare (il serait trop long d’entrer dans tous les détails) ; hic locus est de ea re disserendi (ce serait ici le lieu de traiter cette question).

Rem. Cet usage doit d’autant moins étonner que, même en français, l’indicatif et le conditionnel ont quelquefois la même valeur : Omnibus eum contumeliis onerasti, quem patris loco colere debebas, Cic. (tu as abreuvé de tous les outrages, celui que tu devais, ou, que tu aurais dû révérer comme un père).

§ 399. SUBJONCTIF.

D’après l’idée que nous avons donnée du subjonctif (§ 43), la place de ce mode est dans les propositions subordonnées[81]. Toutefois il s’emploie sans être précédé d’un autre verbe[82].

1° Pour tenir lieu de l’impératif ; voyez le § suivant, n°2.

2° Pour indiquer une simple possibilité : Hic quærat quispiam, Cic. (ici quelqu’un pourrait demander).

3° Pour délibérer avec d’autres ou avec soi-même : Quid hoc homine faciatis ? Cic. (que feriez-vous de cet homme ?) Quid facerem ? Virg. (que pouvais-je, que devais-je faire?)

4° Pour exprimer un souhait, avec ou sans utinam : Hoc omen avertat Jupiter (puisse Jupiter détourner ce présage) ! Utinam minus cupidi vitæ fuissemus ! Cic. (plût aux dieux que nous eussions été moins attachés à la vie !)

5° Pour repousser ou pour nier quelque chose avec indignation : Egone ut prolis meæ fundam cruorem ! Sén. le tr. (moi, je verserais le sang de mes fils !)[83] Tu ut unquam te corrigas ! Cic. (toi, tu te corrigerais jamais !) Huic cedamus ! Cic. (nous céderions à cet homme !) En ce sens, on emploie toujours le présent du subjonctif, et non l’imparfait.

6° On emploie encore le présent ou le parfait de ce mode pour énoncer une opinion avec réserve et sans prendre le ton affirmatif : velim (je voudrais) ; optaverim (je désirerais) ; non hoc dixerim (je ne dirais pas) ; hoc magno mercentur Atridæ, Virg. (les Atrides vous payeraient bien cher cet avantage).

Rem. Dans toutes ces phrases, le subjonctif exprime la même idée de doute que notre conditionnel ; voilà pourquoi il est si souvent traduit par ce mode. Voilà pourquoi aussi il convient surtout dans les interrogations, où le subjonctif présent peut remplacer avec élégance le futur de l’indicatif : Ubi istum invenias, qui honorem amici anteponat suo ? Cic. (où trouverez-vous un homme qui préfère l’élévation de son ami à la sienne propre ?) cf. § 469.

§ 400. IMPÉRATIF.

1. Des deux formes de l’impératif (lege, legito ; legite, legitote), la seconde sert à commander pour l’avenir[84] ; la première commande pour le présent : Cras petito, dabitur ; nunc abi, Plaut. (demande demain ; on te donnera ; maintenant, va-t-en).

La seconde forme s’emploie surtout dans les textes de loi : Regio imperio duo sunto, iique consules appellantor, Cic. (il y aura deux magistrats revêtus du pouvoir royal, et ils seront appelés consuls) ; — et dans les prescriptions dont l’effet doit toujours durer : Cœlestia semper spectato, humana contemnito, C. (attache tes regards sur le ciel, méprise les choses humaines).

2. Dans le discours ordinaire, on commande à la seconde personne par la première forme : Viens, veni ; Cours, curre ; Hâte-toi, propera ; Venez, venite ; Hâtez-vous, properate[85].

A la troisième personne, on emploie le présent du subjonctif : Qui dedit beneficium, taceat ; narret, qui accepit, Sén. (que l’auteur d’un bienfait le taise ; que celui qui l’a reçu, le raconte).

On l’emploie également pour commander à la première personne du pluriel : Meminerimus etiam adversus infimos justitiam esse servandam, Cic. (souvenons-nous qu’il faut observer la justice, même envers les plus petits).

On s’en sert encore, même à la seconde personne, pour exprimer un conseil, une invitation, plutôt qu’un ordre précis : Sic cum inferiore vivas, quemadmodum tecum superiorem velles vivere, Sén. (vivez avec votre inférieur, comme vous voudriez que votre supérieur vécût avec vous).

3. Au lieu de l’impératif pur et simple, on peut employer, surtout dans le style épistolaire, la périphrase curā ut, avec le subjonctif : « Venez le plus tôt possible, » Curā ut quamprimum venias, Cic. (cf. § 223).

On se sert également de fac avec ou sans ut : « Ayez bon courage et bonne espérance, » Magnum fac animum habeas, et spem bonam, Cic.

4. La défense de faire quelque chose s’exprime par ne avec le subjonctif : In re rusticā, operæ ne parcas, Plin. (dans l’agriculture, n’épargnez pas votre peine) ; — ou par noli et nolite suivis de l’infinitif : Noli pati litigare fratres, Cic. (ne laissez pas des frères plaider l’un contre l’autre) ; Nolite id velle, quod fieri non potest, Cic. (ne veuillez pas une chose qui ne peut s’accomplir).

INFINITIF.

§ 401. Infinitif construit avec des substantifs ou des adjectifs.

1. Nous avons établi[86] que l’infinitif pouvait servir ou de sujet ou de complément direct à un verbe ; il a donc la valeur d’un nominatif et celle d’un accusatif. Les exemples où il paraît employé pour d’autres cas peuvent tous se ramener à l’un de ces deux-là : Tempus est majora conari, T. L. (il est temps de faire de plus grands efforts) ; conari est le sujet, tempus l’attribut ; tempus est équivaut à opportunum est. — Consilium capit equitatum a se dimittere, Cés. (il prend le parti de renvoyer sa cavalerie) ; consilium capit équivaut à statuit, et dimittere en est le complément[87] : il prend pour résolution — quoi ? renvoyer…

Consilium capere se construit presque toujours ainsi, à moins que consilium ne soit qualifié par un adjectif ; dans ce cas, comme il ne formerait plus avec capere une seule idée, il faudrait employer le gérondif en di : Audax consilium capit equitatum dimittendi ; cf. § 409.

2. Quant aux constructions comme ætas apta regi, Ov. (âge facile à gouverner), peritus cantare, Virg. (habile à chanter), dignus eligi, Plin. le j. (digne d’être choisi), contentus ostendere, Qtl. (content de montrer), et autres semblables, l’infinitif peut y être considéré comme un accusatif complément de l’adjectif, § 362. Ces constructions, ne se trouvant d’ailleurs que dans les poëtes, et dans les écrivains postérieurs à Cicéron, ne doivent être imitées qu’en vers.

Paratus, seul parmi les adjectifs ou les participes pris adjectivement, est d’un grand usage, dans la prose classique, avec l’infinitif : Paratus audire, Cic. (disposé à entendre) ; Quod parati sunt facere, Cic. (ce qu’ils sont préparés à faire) ; Omnia perpeti paratus, Cés. (prêt à tout souffrir).

§ 402. Infinitif de narration.

Souvent, dans une narration vive et rapide, on emploie le présent de l’infinitif au lieu de l’indicatif : Verres unumquodque vas in manus sumere, laudare, mirari ; rex gaudere... Cic. (Verrès prend chaque vase dans ses mains, il loue, il admire ; le roi est enchanté...). On dit de même en français, surtout dans le style familier : « Aussitôt les ennemis de s’enfuir et de jeter leurs armes. » Dans l’une et dans l’autre langue, l’infinitif est régi par un verbe facile à suppléer : Il se mit à prendre ; Ils se hâtèrent de s’enfuir.

§ 403. Infinitif d’étonnement ou d’indignation.

Une proposition infinitive est quelquefois mise seule et avec ellipse de la proposition principale, pour exprimer l’étonnement, l’indignation ou quelque autre sentiment vif de l’âme : Tēne hoc, Atti, dicere, tali prudentia præditum ? Cic. (se peut-il bien, Attius, qu’avec les lumières dont vous êtes doué, vous teniez ce langage ?) — Mēne incepto desistere victam ? Virg. (faut-il que je renonce à mon entreprise ? que je sois vaincue ?) On dirait de même en français : Vous, Attius, tenir ce langage ! Moi, renoncer à mon entreprise ! moi, vaincue !

ADDITIONS AUX RÈGLES DE LA PROPOSITION INFINITIVE.

§ 404. Futur passif, conditionnel et futur antérieur.

Nous avons donné, § 218, des exemples de la proposition infinitive à tous les temps, excepté au futur passif, au conditionnel et au futur antérieur.

1. Le futur passif doit être rendu par le supin avec iri, et non par le participe en dus avec esse : « Tout le monde croit que l’accusé sera condamné, » Arbitrantur omnes reum damnatum iri[88]. — « Le méchant ne sait pas que sa proie lui sera enlevée, » Nescit improbus prædam sibi ereptum iri.

2. Le conditionnel, tant à l’actif qu’au passif, se rend par le futur de l’infinitif : « Le philosophe Pérégrinus disait que le sage ne ferait pas une mauvaise action, quand même les dieux et les hommes devraient ignorer qu’il l’a faite, » Peregrinus philosophus virum sapientem non peccaturum esse dicebat, etiamsi peccasse eum dii atque homines ignoraturi forent, A. Gell. — « Pensons-nous que, si l’on avait fait un mérite à Fabius de ce qu’il savait peindre, il n’y aurait pas eu aussi chez nous beaucoup de Polyclètes et de Parrhasius ? » An censemus, si Fabio laudi datum esset, quod pingeret, non multos etiam apud nos futuros Polycletos[89] et Parrhasios[90] fuisse ? Cic. — « Verrès savait qu’on lui ferait un crime (qu’il lui serait imputé à crime) d’avoir reçu de l’argent, » Verres sciebat sibi crimini datum iri pecuniam accepisse, Cic.

§ 405. Fore, futurum esse, futurum fuisse ut.

Au lieu de mettre le verbe de la proposition complétive à l’un des deux futurs de l’infinitif, on peut le mettre au subjonctif, précédé de fore ou futurum esse ut pour le premier futur, et de futurum fuisse ut pour le futur antérieur.

Cette périphrase s’emploie surtout avec le passif : « Je crois que la ville sera prise, » Credo fore ut oppidum capiatur. — « Je croyais que la ville serait prise, » Credebam fore ut oppidum caperetur[91].

Comme l’infinitif passif n’a pas de futur antérieur, elle fournit le moyen d’y suppléer : « Le roi ignorait que la ville se serait rendue à lui, s’il eût attendu un seul jour, » Rex ignorabat futurum fuisse ut oppidum ipsi dederetur, si unum diem exspectasset[92].

On s’en sert également pour rendre le futur antérieur de l’actif : « Je crois que vous aurez lu ces livres avant que je sois de retour (devoir arriver que vous ayez lu), » Credo fore ut hos libros legeris, antequam redierim.

Elle est indispensable, à l’une et à l’autre voix, lorsque le supin, et par conséquent l’infinitif futur, manquent ou ne sont pas usités : Hujus me constantiæ spero fore ut nunquam pœniteat, Cic. (j’espère que je ne me repentirai jamais de cette fermeté). — Video te velle in cœlum migrare, et spero fore ut contingat id nobis, Cic. (je vois que vous voulez aller au ciel, et j’espère que nous aurons ce bonheur[93]). Les cinq verbes pœnitet, piget, pudet, tædet, miseret, les autres verbes impersonnels, un grand nombre d’intransitifs et les déponents qui n’ont point de parfait, exigent la périphrase : « Je crois que vous remédierez bientôt à ces inconvénients, » Puto futurum esse ut brevi his incommodis medeare.

§ 406. Unum te monitum volo.

Avec les verbes volo, nolo, cupio, la proposition infinitive est élégamment représentée par l’accusatif du participe passé passif, avec ellipse d’esse : Unum te monitum volo (je veux vous avertir, je veux que vous soyez averti d’une chose). — Hoc natura præscribit, ut homo homini consultum velit, Cic. (la nature veut que l’homme s’intéresse au bonheur de l’homme[94].

Cette tournure équivaut à la locution française voir, dans des phrases comme les suivantes : « Nous voulons voir le sort de nos enfants assuré, à cause d’eux-mêmes, » Liberis consultum volumus propter ipsos, Cic. — « Je voudrais ne pas voir Démocrite blâmé par Épicure, qui l’a suivi en tout, » Democritum ab Epicuro, qui eum unum secutus est, nollem vituperatum, Cic.

§ 407. Memini me legĕre.

Après le verbe memini, l’infinitif se met le plus souvent au présent, même lorsqu’il s’agit d’une action passée, pourvu que la personne qui se souvient en ait été l’auteur ou le témoin : « Je me souviens d’avoir lu, » Memini me legere (proprement, j’ai gardé dans ma mémoire que je lisais). — Meministis tum, judices, corporibus civium Tiberim complerin cloacas referciri, Cic. (vous vous rappelez, juges, que le Tibre fut rempli des corps des citoyens, que les égouts en furent comblés).

Mais s’il est question d’un fait que n’ait pu voir celui qui s’en souvient ou à qui on le rappelle, le parfait de l’infinitif est nécessaire : Memineram C. Marium, navigio perparvo, in oras Africæ desertissimas pervenisse, Cic.[95] (je me souvenais que C. Marius avait abordé, sur un misérable esquif, aux rivages les plus déserts de l’Afrique). § 408. Audivi te canentem.

L’infinitif français, après les verbes voir et entendre, se traduit en latin par le participe présent lorsqu’on veut représenter l’action comme se faisant : « Je vous ai entendu chante, » audivi te canentem (je vous ai entendu chantant). — Adolescentium greges Lacedæmone vidimus incredibili contentione certantes, Cic. (nous avons vu à Lacédémone des troupes de jeunes gens se battre avec un acharnement incroyable). — Quocunque te flexeris, tibi Deum videbis occurrentem, Sén. (de quelque côté que vous vous tourniez, vous verrez Dieu s’offrir à vos regards).

Mais si l’on veut indiquer seulement que l’action a eu lieu, ou qu’elle se fait habituellement, on emploie l’infinitif : Audisti Minucium Rufum dicere, Cic. (vous avez entendu Minucius Rufus dire...) — Hejum res divinas apud eos deos prope quotidie facere vidisti, Cic. (vous avez vu Héjus offrir presque tous les jours un culte à ces dieux). — Volucres videmus, utilitatis suæ causā, construere nidos, Cic. (nous voyons les oiseaux construire des nids pour leur usage ).

§ 409. GÉRONDIF.

Nous avons exposé, § 44, la nature et la destination du gérondif et de ses différents cas.

1. Le génitif détermine un nom comme notre préposition de suivie de l’infinitif : Legendi semper occasio est ; audiendi, non semper, Pl. le j. (on a toujours l’occasion de lire, on n’a pas toujours celle d’entendre un orateur).

Il se construit avec les mêmes adjectifs que tout autre génitif, cf. § 313 : Cupidus videndi (curieux de voir). — Orator est vir bonus dicendi peritus(1) (l’orateur est un honnête homme qui a le talent de la parole).

2. Le gérondif garde le régime de son verbe : « L’occasion de lire des livres, » Occasio legendi libros. — « Curieux de voir la ville, » Cupidus urbem videndi.

Mais si ce régime doit, comme ici, être un accusatif, il sera mieux d’employer le participe en dus, da, dum, en le faisant accorder avec le nom, qui lui-même se mettra au cas où eût été le gérondif : Occasio legendorum librorum. Cupidus videndæ urbis.

Caton l’ancien, apud Senec. Contr. i, Præf. et apud Quint., xii, i, i.

Rem. 1. On ne doit jamais employer l’adjectif neutre pris substantivement au génitif pluriel, le neutre ne s’y distinguant pas du masculin. Ainsi, pour traduire, « l’art de discerner le vrai et le faux, » dites : Ars vera et falsa dijudicandi, et non verorum... dijudicandorum.

2. La terminaison di reste invariable avec les génitifs des pronoms personnels, nostri, vestri, ainsi qu’avec sui, même quand il se rapporte à plusieurs personnes : Ne quis hoc me, vestri adhortandi causā, loqui existimet[96], (que l’on ne croie pas que je tiens ce langage pour vous encourager). Germani in castra venerunt, sui purgandi causā[97] (les Germains vinrent dans le camp pour se justifier). Ce serait une faute grave de dire vestri adhortandorum, sui purgandorum[98].

§ 410. Le datif du gérondif se joint aux adjectifs qui régissent ce cas : Apta natando ranarum crura, Ov. (les membres des grenouilles sont propres à la natation). Mais cette construction est fort rare, et le gérondif n’y reçoit jamais de complément.

Lorsqu’il doit en avoir un, l’on a recours au participe en dus : Sunt nonnulli acuendis puerorum ingeniis non inutiles lusus, Qtl. (il y a certains jeux qui peuvent servir à aiguiser l’esprit des enfants) ; on ne dirait pas bien acuendo ingenia.

§ 411. L’accusatif sert de complément à quelques prépositions, notamment à ad et inter : Homo ad intelligendum et ad agendum natus est, Cic. (l’homme est né pour comprendre et pour agir). — Mores puerorum se inter ludendum detegunt, Qtl. (le caractère des enfants se révèle dans leurs jeux).

Si le gérondif appartient à un verbe actif et qu’il ait un régime direct, on emploie le participe en dus : Homo multa habet instrumenta ad adipiscendam sapientiam, Cic. (l’homme a beaucoup de ressources pour acquérir la sagesse).

§ 412. L’ablatif s’emploie comme nom d’instrument ou de manière : Nihil agendo homines male agere discunt[99] (en ne faisant rien, les hommes apprennent à mal faire). — Injurias ferendo majorem laudem, quam ulciscendo, merebere, Cic. (vous acquerrez plus de gloire à supporter les injures, qu’à les venger = par l’action de supporter, que par celle de venger).

Il sert aussi de complément aux propositions in, a, de, ex : Prohibenda est ira in puniendo, Cic. (il faut se garder de la colère en punissant).

Avec les prépositions, si le gérondif doit avoir un régime direct, on emploie de préférence le participe en dus : In voluptate spernendā virtus vel maxime cernitur, Cic. (la vertu éclate surtout dans le mépris de la volupté).

On s’en sert même sans préposition ; Superstitione tollendā, religio non tollitur, Cic. (détruire la superstition, ce n’est pas détruire la religion).

PARTICIPE FUTUR PASSIF.

§ 413. Diligentia adhibenda est.

1. Dans plusieurs exemples des quatre derniers paragraphes, le participe en dus fait partie des compléments[100].

Lorsqu’il est au nominatif ou à l’accusatif avec esse, il change de rôle. Il est toujours alors attribut d’une proposition qui exprime obligation et devoir (§ 66, 9) : Diligentia in omnibus rebus adhibenda est, Cic. (il faut apporter du soin à toutes choses). — Omnem memoriam discordiarum oblivione sempiternā delendam[101] censeo, Cic. (je pense qu’il faut effacer, par un éternel oubli, tout souvenir de nos discordes).

2. Les constructions précédentes exigent que le verbe soit transitif (comme ici adhibere et delere), afin que le régime direct de l’actif (ici, soin et souvenir) puisse devenir sujet de la proposition passive.

Si le verbe, quoique transitif, n’a pas de régime, il devient impersonnel, et le participe passif se met au neutre : « Il faut semer, même après une mauvaise récolte, » Etiam post malam segetem serendum est, Sén.

Les verbes intransitifs ont, aussi bien que les autres, ce participe neutre : « Il faut aller au-devant de l’audace et de la témérité, » Obviam eundum est[102] audaciæ temeritatique, T. Liv. — « Il faut user d’exercices modérés, » Utendum exercitationibus modicis, Cic.

3. Le nom de la personne qui doit accomplir l’action exprimée par le verbe se met au datif : « Nous devons faire ce que nos parents nous commandent, » Faciendum id nobis, quod parentes imperant, Plaut. — « Le vieillard même doit apprendre, » Etiam seni discendum est[103], Sén.

Rem. 1. Le participe en dus exprime quelquefois une simple convenance : Non omnis error stultitia est dicenda[104] (toute erreur ne doit pas être appelée sottise). — Liber is est existimandus, qui nulli turpitudini servit, Cic. (on doit regarder comme libre celui qui n’est esclave d’aucun vice honteux). — Nihil innocenti tam optandum, quam æquum judicium, Cic. (rien n’est si désirable pour l’innocent, qu’un jugement équitable).

2. Ce dernier exemple fait voir comment ces participes peuvent arriver à l’état de véritables adjectifs, comme admirandus, memorandus, metuendus, miserandus, erubescendus, et plusieurs autres : Occultæ inimicitiæ magis timendæ sunt, quam apertæ, Cic. (les inimitiés secrètes sont plus à craindre = sont plus redoutables, que les haines déclarées).

§ 414. Dedit mihi libros legendos.

1. L’infinitif français, précédé de à, comme dans cette phrase : « Le maître m’a donné des livres à lire, » se rend très-bien par le participe en dus : Magister dedit mihi libros legendos. — « Nous donnons des maximes à apprendre aux enfants, » Pueris sententias ediscendas damus, Sén.

On dit de même : « Se charger d’instruire la jeunesse, » Juventutem erudiendam suscipere ; et ainsi de tous les verbes qui se rapportent à l’idée de donner ou de prendre.

2. Le verbe curare, avec le même participe, équivaut à l’expression française faire faire quelque chose : Cæsar pontem in Arari faciendum curat, Cés. (César fait construire un pont sur la Saône.)
DES PARTICIPES EN GÉNÉRAL.

§ 415. Le participe se construit comme l’adjectif, quant à l’accord : Venia est pœnæ meritæ remissio, Sén. (le pardon est la remise d’une peine méritée). — Male parta male dilabuntur, Cic. (bien mal acquis se dissipe de même).

Il conserve le régime de son verbe : Socratis morti illacrimari soleo, Platonem legens, Cic. (je pleure toujours sur la mort de Socrate, en lisant Platon).

Rem. Il ne faut pas confondre le participe présent legens avec le gérondif legendo, quoique souvent ils se traduisent l’un comme l’autre. Ainsi, dans le dernier exemple, en lisant Platon signifie, pendant que je lis Platon ; mais si l’on dit : «J’ai acquis, en lisant Platon, une foule de belles connaissances, » cette même locution signifiera, par la lecture de Platon, et il faudra employer l’ablatif du gérondif : Multa et præclara didici, Platonem legendo.

§ 416. Diverses manières de rendre en français les participes latins.

1. Le participe peut toujours être remplacé par une proposition entière : Plato scribens est mortuus, Cic. (Platon est mort en écrivant = pendant qu’il écrivait).

Souvent cette périphrase est indispensable en français : Mendaci homini, ne verum quidem dicenti, credere solemus, Cic. (nous ne croyons pas un menteur, même lorsqu’il dit la vérité).

Magna pars peccatorum tollitur, si peccaturis testis adsistat, Sén. (une grande partie des mauvaises actions n’a pas lieu, si vous donnez un témoin à ceux qui vont les commettre).

2. Le participe en rus se traduit quelquefois par l’infinitif avec pour : Dilabuntur in oppida, mœnibus se defensuri, T. L. (ils se sauvent dans les villes, pour s’y défendre à l’abri des murailles) ; — ou par un verbe qui marque l’intention : Qui visuri domos, parentes, liberos estis, ite mecum, T. L. (vous tous qui voulez revoir, etc.) ; — ou par le conditionnel : Librum misi exigenti tibi, missurus etsi non exegisses, Pl. le j. (je vous ai envoyé ce livre sur votre demande ; je vous l’aurais envoyé de même, quand vous ne l’auriez pas exigé).

3. Le participe accompagné d’une négation représente fort bien notre préposition sans, suivie de l’infinitif ou d’un mode personnel : Soli animalium non sitientes bibimus, Plin. (seuls des animaux, nous buvons sans avoir soif). — Vita non sentientibus effluit, Sén. (la vie s’écoule sans qu’on y pense).

Il se traduit au besoin par une locution adverbiale : Miserum est nihil proficientem angi, Cic. (il est malheureux de se tourmenter en pure perte). — Nos a tergo insequens nec opinantes assequitur senectus, Cic. (la vieillesse s’attache à nos pas, et nous atteint à notre insu).

4. Le participe parfait passif se rend dans certains cas par un substantif : Terra mutata non mutat mores, T. L. (le changement de pays ne change pas les mœurs). — Magnus ex amissis civibus dolor fuit, T. L. (la perte des citoyens causa une grande douleur).

5. Joint au régime direct d’un verbe actif, le même participe réunit deux propositions en une seule, en faisant entrer la première dans le complément de la seconde : « Alexandre ôta son anneau de son doigt, et le remit à Perdiccas (remit à Perdiccas son anneau ôté...). » Alexander detractum annulum digito Perdiccæ tradidit, Q. C.

On pourrait dire aussi : « Alexandre, après avoir ôté = ayant ôté son anneau, le remit à Perdiccas. »

Diverses manières de rendre en latin les participes français.

§ 417. Captam urbem hostis diripuit.

La tournure detractum annulum tradidit fournit un moyen de suppléer au participe passé actif, qui manque en latin. On pourra l’employer toutes les fois qu’en français le participe et le verbe principal auront le même objet pour complément : « L’ennemi ayant pris la ville, la pilla (pilla la ville prise), » Captam urbem hostis diripuit.

§ 418. Quum aquam bibisset.

Mais si le participe français ne peut se rattacher, comme dans l’exemple précédent, au régime du verbe principal, ni passer à la voix passive, il faudra tourner par lorsque, comme, puisque, et mettre le verbe latin au subjonctif : « Darius, dans sa fuite, ayant bu de l’eau trouble, dit qu’il n’avait jamais bu avec plus de plaisir, » Darius in fugā, quum aquam turbidam bibisset, negavit unquam se bibisse jucundius, Cic. — « Eschine, ayant quitté Athènes et s’étant retiré à Rhodes, lut, dit-on, le beau discours qu’il avait prononcé contre Démosthène, » Æschines, quum cessisset Athenis, et se Rhodum contulisset, legisse fertur orationem illam egregiam quam contra Demosthenem dixerat, Cic.

§ 419. Quum prætor esset.

Le verbe sum n’ayant point de participes qui répondent à étant, ayant été, on y suppléera par la tournure qui vient d’être indiquée : « La chose étant ainsi, je partirai, » Quæ quum ita sint, ou, quum ita se res habeat, proficiscar. — « Marius Gratidianus, étant préteur, ne remplit pas le devoir d’un honnête homme, » Marius Gratidianus officio boni viri non functus est, quum prætor esset, Cic.

§ 420. Aggressus Pompeianos.

Le participe passé des verbes déponents, ayant la signification active, rend directement le participe français correspondant : « César ayant attaqué les soldats de Pompée, les jeta en bas des retranchements, » Cæsar aggressus Pompeianos ex vallo deturbavit, Cés. — « Alexandre, s’étant emparé de l’Egypte = devenu maître de l’Egypte, fonda la ville d’Alexandrie, » Alexander, Ægypto potitus, Alexandriam urbem condidit.

ABLATIF ABSOLU.

§ 431. Deo juvante. — Carthagine deletā.

Une des fonctions du participe est de former des propositions qui servent de complément circonstanciel à une proposition principale : « Dieu aidant, l’affaire réussira. — Carthage détruite, Rome tourna ses forces contre elle-même. » Dieu aidant, équivaut à si Dieu aide ; Carthage détruite, équivaut à lorsque Carthage fut détruite. En latin, comme en français, le verbe de ces propositions se met au participe ; et, comme elles expriment ou le moyen (Dieu aidant), ou le temps (Carthage détruite), ce participe ainsi que le substantif qui en est le sujet, se mettent à l’ablatif[105] : Deo juvante, res bene succedet. — Carthagine deletā, suas in se vires Roma convertit.

On a déjà vu que le participe étant ne pouvait se rendre en latin ; le simple rapprochement du sujet et de l’attribut, tous deux à l’ablatif, suffit pour en tenir lieu : « Cicéron étant consul, » Cicerone consule[106].

Cette forme de proposition se nomme ablatif absolu. Elle se traduit en français de diverses manières, selon le sens de la phrase. Nous en donnerons plusieurs exemples avec le participe présent actif, avec le participe parfait passif, et sans participe.

Participe présent actif à l’ablatif absolu.

Solon et Pisistratus Servio Tullio regnante viguerunt, Cic. (Solon et Pisistrate fleurirent pendant le règne de Servius Tullius). — Nihil præcepta atque artes valent, nisi adjuvante natura, Quintil. (les préceptes et les théories ne peuvent rien sans le secours de la nature).

A l’ablatif absolu, le participe présent prend toujours la terminaison e.

Participe parfait passif à l’ablatif absolu.

Quæ potest esse jucunditas vitæ, sublatis amicitiis ? Cic. (quel peut être l’agrément de la vie, si l’on en bannit l’amitié ?) — Natură dedit usuram vitæ, tanquam pecuniæ, nullā præstitutā die, Cic. (la vie est comme un prêt que la nature nous a fait, sans nous fixer de terme[107]).

Absence de participe à l’ablatif absolu.

Natus est Augustus Cicerone et Antonio consulibus, Suét. (Auguste naquit sous le consulat de Cicéron et d’Antonius). — Naturā duce, errari nullo pacto potest, Cic. (en prenant la nature pour guide, on ne peut jamais s’égarer). — Sereno quŏque cœlo, aliquando tonat, Sén. (il tonne quelquefois, même par un ciel serein = quand le ciel est serein). — Tu nihil invitā facies dicesve Minervā, Hor. (tu ne feras rien, tu ne diras rien malgré Minerve[108]). — Paupertate magistrā virtutes discuntur (on apprend la vertu à l’école de la pauvreté). — Me ignaro (à mon insu). — Annibale vivo (du vivant d’Annibal). — Nullā rhedā, nullis impedimentis, Cic. (sans voiture, sans bagages).

§ 422. Cas où l’on ne peut employer l’ablatif absolu.

Dans les propositions exprimées par l’ablatif absolu, le sujet du participe ne se rattache jamais ni au sujet ni au complément du verbe principal. On n’emploiera donc pas cet ablatif pour traduire le participe français dans des phrases comme la suivante : « Pyrrhus attaquant Argos fut tué d’un coup de pierre. » C’est Pyrrhus qui attaquait ; c’est Pyrrhus qui fut tué ; les sujets sont identiques ; il faut dire : Pyrrhus, quum Argos oppugnaret, lapide ictus interiit, C. N. (cf. § 418).

Ou comme celle-ci : « Auguste se préparant à passer en Afrique, des tempêtes continuelles l’en empêchèrent. » Auguste se préparait ; des tempêtes empêchèrent Auguste ; le sujet du participe est le même que le complément du verbe principal ; il faut tourner : empêchèrent Auguste se préparant : Augustum in Africam transire apparantem continuæ tempestates inhibuerunt, Suét. (cf. § 417).

DU SUPIN.

§ 423. Spectatum ludos veniunt.

Le supin, comme le gérondif, supplée aux cas de l’infinitif. Le supin en um est un accusatif (§ 44), et, comme tel, il se joint aux verbes ire, venire, proficisci, mittĕre, et autres semblables, pour marquer le but du mouvement, que nous exprimons d’ordinaire par l’infinitif avec ou sans préposition : « Ils viennent voir, ou, pour voir, » Spectatum veniunt.

Le supin conserve le régime de son verbe : « Ils viennent voir les jeux, » Spectatum ludos veniunt.

Il se rend quelquefois en français par un substantif : Stultitia est venatum ducĕre invitas[109] canes (c’est une folie de mener des chiens à la chasse malgré eux).

Rem. Le supin se remplace de diverses manières, toutes fort usitées : Veniunt ad spectandum, — spectandi causāad ludos spectandos, — ludos spectaturi, — ut ludos spectent.

Les poëtes y substituent quelquefois l’infinitif : Non nos aut ferro libycos populare penates vēnimus, etc. Virg.

§ 424. Incredibile dictu.

Le supin en u est un ablatif qui sert de complément à certains adjectifs, comme facilis, difficilis, incredibilis, jucundus, honestus, turpis, et quelques autres : Incredibile dictu (chose incroyable à dire) ; Mirabile visu (chose admirable, ou, étonnante à voir) ; Quod optimum factu erit, facies, Cic. (ce qu’il y aura de mieux à faire, vous le ferez) ; Quo brevior, eo dilucidior et cognitu facilior narratio fiet, Cic. (plus la narration sera courte, plus elle sera claire et facile à saisir).

On voit par ces exemples que le supin en u se rend en français par à suivi de l’infinitif. Il peut être remplacé par d’autres tournures : « Une bonne cause est facile à défendre, » Justæ causæ facilis est defensio, Cic. — « Le véritable attachement n’est pas facile à distinguer du faux, » Non facile dijudicatur amor verus et fictus, Cic.

Rem. Le supin en u se joint encore aux substantifs fas, nefas, et au verbe pudet : Si hoc fas est dictu, Cic. (s’il est permis de le dire). — Pudet dictu ! Tac. (cela fait honte à dire !)

DES PRÉPOSITIONS.

§ 425. Les prépositions sont destinées à exprimer ceux des rapports qui ne seraient pas suffisamment déterminés par les cas. Des quarante-deux prépositions énumérées, § 85, les unes expriment un seul genre de rapport et régissent un seul cas ; les autres expriment deux rapports différents et régissent deux cas.

Prépositions à un seul cas.

Accusatif ; Vingt-huit prépositions, savoir :

Ad, per, ob, post, cis, trans, ante ;
Apud, inter, præter, propter ;
Erga, circum, penes, versus ;
Adversus, secundum, pone, prope, juxtā ;
Enfin, contra, citra, et six autres en ā (cf. § 85, II).

Ces prépositions ayant déjà figuré dans beaucoup d’exemples, nous n’en expliquerons ici qu’une partie, et nous nous bornerons aux remarques les plus importantes.

§ 426. Ad portas. — Ad Bellonæ. — Ad unum.

Ad s’emploie quelquefois dans le sens d’apud, comme le français a dans celui d’auprès : Ad portas urbis pugnatum est (on combattit aux portes de la ville).

Avec ædem (temple) exprimé ou sous-entendu, ad tient lieu de in : Ad ædem Bellonæ, ou simplement, ad Bellonæ (au temple, dans le temple de Bellone).

Avec les adjectifs numéraux, il signifie environ, à peu près : Ad ducentos (à peu près deux cents). — Jusqu’a : Ad unum

  1. La fusion de l’accusatif attributif avec le verbe est matérielle et complète dans ludificari aliquem (se jouer de quelqu’un), puisque les comiques disent dans le même sens ludos facere aliquem. Elle ne l’est pas moins dans amplificare = amplum facere.
  2. Après que et combien, admiratifs ou interrogatifs, la négation française ne s’exprime pas en latin.
  3. Mesure pour les grains, contenant environ 50 litres.
  4. On sait maintenant que c’est une reine.
  5. Dans les écrivains postérieurs à Cicéron, quum maxime ne veut quelquefois dire que maintenant, précisément alors : Florus, IV, 1, Lentulus, quum maxime prætor (Lentulus, qui justement alors était préteur).
  6. L’exemple de Virgile, Tot millia gentes arma ferunt italæ, doit s’expliquer par l’apposition (tot millia, quæ sunt gentes italæ). Il en est de même de quelques passages de César, B. C., II, 18 ; III, 4, etc.
  7. Sur l’emploi de l’ablatif pour exprimer une qualité, voy. § 334.
  8. Voyez deux exemples pareils, § 248, R. I, et § 281.
  9. Sur l’emploi du subjonctif dans les interrogations indirectes, cf. §472.
  10. La différence est la même entre ecquis et ecqui, qu’entre quis et qui ; cf. § 466.
  11. En général, quam ne s’emploie bien que lorsque alius est accompagné d’une négation ou d’une interrogation. C’est seulement après le siècle d’Auguste qu’on le trouve à la suite de propositions affirmatives.
  12. L’édition d’Orelli porte si qui rex. Quis et aliquis ont un double nominatif, suivant qu’ils sont pris substantivement ou adjectivement, ou plutôt, suivant qu’ils désignent un objet en lui-même, ou avec quelque rapport à ses qualités :
      SINGULIER. PLURIEL.
    Substantivement. Quĭs, quæ, quĭd, Quī, quæ, quæ.
    Adjectivement. quī, quă, quŏd, quī, quæ, quă.
    Substantivement. Aliquĭs, aliquĭd. aliquī, aliquæ, aliquă.
    Adjectivement. aliquī, aliquă, aliquŏd,

    L’usage apprendra à distinguer ces nuances, un peu délicates pour des commençans, et qui d’ailleurs ne sont pas très-rigoureusement observées, si ce n’est dans quid et aliquid, qui ne sont jamais que substantifs, et dans quod et aliquod, qui sont toujours adjectifs. Quæ est fort rare au pluriel neutre.

  13. Ce n’est qu’après le siècle d’Auguste que l’on trouve quicunque employé en prose pour quivis, quilibet, omnis, comme dans cet exemple de Quintil., I, 10, 35 : Numerorum notitia cuicunque erudito necessaria est (la connaissance de l’arithmétique est nécessaire à tout homme instruit).
  14. Mot à mot : fut entendu par le moyen du questeur de lui.
  15. Il unit tellement ces deux termes, que leur ensemble ne forme plus qu’une seule idée, comme ferait un mot composé. Comparez statio solis et solstitium, ruris colonus et ruricola, consultum senatūs, et senatusconsultum.
  16. On ne dit pas en ce sens multi ni majoris ; au moins les exemples en sont extrêmement rares. Avec tous ces génitifs, on pourrait sous-entendre pretii, qui se trouve quelquefois exprimé.
  17. On lit dans Cicéron, in Verr. de Sign. 7 : Quid ? tu ista permagno æstimas ? et Parad. VI, 3 : Si prata et areas quasdam magno æstimant ; mais c’est dans le sens d’évaluer, mettre à prix : cf. § 312, R. 2.
  18. Un petit flocon de laine.
  19. Le zeste d’une noix.
  20. Un poil, un cheveu.
  21. Mot à mot : il faut peser non combien un homme est utile, mais de quelle valeur il est.
  22. Mesure de capacité d’un peu moins de neuf litres. Quant à la valeur du sesterce, voyez § 144, note.
  23. On dit, dans un autre sens, anxius adverso omine, § 328, R. 2.
  24. La construction la plus ordinaire est securus de aliquā re.
  25. Dubius animo est plus usité ; cf. quietus animo, § 336.
  26. Et aussi, Orator nullā in re rudis esse debet, Cic.
  27. Plenus, refertus et plusieurs autres prennent aussi l’ablatif ; § 339.
  28. Non habens consuetudinem malarum artium.
  29. Reus, celui qui a une affaire, un procès ; is cujus res agitur.
  30. Ces verbes s’appellent causatifs ; en effet, ils causent, ils font faire l’action exprimée par memini. Le radical de ce dernier est mĕn ; celui de moneo est mŏn, simple transformation de men.
  31. L’ablatif est de règle quand il s’agit d’une amende : Camillus quindecim millibus æris damnatur, T. Liv, V, 32. Il y a des exemples du génitif : Quanti damnatus esset, Ibid. Octupli damnatus, Cic. in Verr. III, 12.
  32. Il en est de même de l’expression damnare voti, ou en poésie, votis, proprement : « Condamner à l’acquittement de ce qui est promis par un vœu, » et par conséquent, exaucer un vœu, en parlant de la divinité.
  33. A l’époque classique, au lieu d’exprimer l’idée : Condamner à l’exil, on disait in exsilium pellere, ejicere ; exsilio afficere, multare ; au lieu de : Il fut condamné à quitter sa patrie, jussus est e patria discedere.
  34. Dans hoc mali, aliud commodi, les deux génitifs sont aussi des adjectifs employés substantivement : cela de mauvais, autre chose d’avantageux.
  35. Nous plaçons l’ablatif immédiatement après le génitif à cause des nombreuses analogies que ces cas ont entre eux, analogies telles qu’ils s’emploient quelquefois l’un pour l’autre, et qu’ils se partagent les fonctions de notre préposition DE. On peut dire en général que le génitif répond à DE placé après un nom, et l’ablatif à DE précédé d’un verbe.
  36. Alienus se trouve même, quoique plus rarement, avec le génitif et avec le datif. Cicéron en offre quelques exemples.
  37. Proverbe qui signifie que l’on est fort en peine, le péril étant le même à retenir ou à lâcher l’animal ; Tér. Phorm., III, 2 , 21 ; Suét. Tiber. 25.
  38. Plus tard, l’ablatif prévalut même avec plenus, et Quintilien, IX, 3, 1, témoigne que, de son temps, on disait plenum vino et non vini. C’est qu’alors plenus était devenu synonyme de repletus.
  39. Il a été parlé, § 251 et suiv., de l’ablatif avec le comparatif. Nous traiterons plus bas de l’ablatif de lieu, de l’ablatif de temps et de l’ablatif absolu.
  40. Le complément direct que ces verbes régissent en français, peut être changé par l’analyse en un complément indirect. En effet, favoriser quelqu’un, c’est lui accorder une faveur ; étudier les lettres, c’est donner aux lettres son application ; épargner les vaincus, c’est leur faire grâce ; secourir un ami, c’est lui porter secours, et ainsi des autres. Réciproquement, les régimes directs, faveur, application, grâce, secours, sont représentés en latin par le radical des verbes favere, studere, parcere, opitulari. La chose étant évidente pour ce dernier, dans lequel on reconnaît distinctement opem et le second radical de ferre, l’analogie, qui est la loi des langues, force de l’admettre pour les autres. La différence entre le latin et le français n’est donc que dans la forme, et une analyse facile la fait disparaître.
  41. Le verbe assuescere se trouve aussi avec l’ablatif : homines labore assiduo et quotidiano assueti, Cic. de Orat., III, 15.
  42. Cet emploi de l’ablatif paraîtra fort naturel, si l’on envisage prope comme synonyme de haud procul.
  43. Le nom de la chose doit être considéré comme faisant partie du verbe, et formant avec lui une sorte de composé, dont le nom de la personne sera le complément direct : grammaticam-doceo pueros (j’instruis-en-grammaire les enfants). C’est ainsi que l’expression archaïque animum advertere aliquid offre le commencement d’une composition qui est complète dans animadvertere aliquid. Cf. Méth. gr. pag. 308, Not.
  44. Cf. Méth. gr. §§ 342 et 348.
  45. Ces verbes sont relatifs, parce que, pour former un sens complet, ils ont besoin d’un régime indirect (porter secours, accorder une faveur, faire grâce, à quelqu’un) ; les autres sont absolus, parce que leur action se termine en eux-mêmes, sans relation avec un objet extérieur.
  46. Cf. Méth. gr. § 343.
  47. Quoique toutes ces expressions soient fort bonnes à imiter, la règle la plus générale n’en est pas moins de dire dolere aliquā re, § 327.
  48. Cf. Méth. gr. § 349, Not. 2.
  49. Cf. Méth. gr. § 343.
  50. Cf. § 313, et Méth. gr. § 344. — Les historiens imitent quelquefois les poëtes : Vir ceteră egregius, T. Liv. pour in ceteris.
  51. Pro Arch., 3. Celebri, trés-peuplée ; quondam, fort anciennement.
  52. Il est inutile de rien sous-entendre pour expliquer les génitifs Romæ, Lugduni, domi, humi. Remarquons d’abord que Romæ est pour Romai, et que dès lors tous ces mots se terminent réellement en i comme ruri et comme Tiburi, Carthagini, Lacedæmoni, dont on trouve des exemples à la question ubi, enfin comme ubi lui-même et ibi. N’est-il pas permis de penser que le cas du repos était primitivement le datif en latin comme en grec, ou plutôt que, dans les deux langues, la terminaison i ajoutée au radical formait un cas spécial destiné à marquer le lieu où l’on est ? Les désinences æ et i n’auraient donc du génitif que l’apparence, et seraient un vrai locatif. Priscien et Donat, en considérant ces prétendus génitifs comme des adverbes de lieu, conduisent directement à cette conjecture. Ce serait aussi une trop bizarre anomalie, que le même rapport fût exprimé par un cas au singulier et par un autre au pluriel.
  53. Il n’y a aucune préposition à sous-entendre, la destination de l’accusatif étant d’exprimer le lieu vers lequel un mouvement se dirige. C’est ce qui autorise les poëtes à omettre la préposition même devant les noms de pays et les termes généraux : Italiam Lavinaque venit littora.Devenere locos lætos et amœna vireta. Virg.
  54. Ville maritime de l’île de Chypre.
  55. Place forte des Arvernes, à peu de distance de la ville moderne de Clermont-Ferrand.
  56. Cf. § 358 : Ambulare septingenta millia passuum.
  57. Altus signifie Ayant en hauteur ; Latus, Ayant en largeur ; cf. § 362, nuda pedes.
  58. Sagunte, en Espagne.
  59. Epidaure, en Argolide.
  60. Chalcis, dans l’île d’Eubée ; Aulis, dans la Béotie. — Le mot Chalcide, quoique étant un nom propre de ville, est précédé de la préposition a, pour plus de clarté, et à cause de l’opposition.
  61. On trouve aussi, mais plus rarement, le nombre cardinal : Viginti jam annos bellum gero cum impiis civibus, Cic. Phil. VI, 7, (il y a vingt ans que je fais la guerre aux mauvais citoyens).
  62. La question quam dudum et la question quandiu diffèrent entre elles comme depuis et pendant. Du reste, toutes deux se rapportent à la durée ; or, la durée n'étant que l’étendue dans le temps, il est naturel qu’elle soit exprimée par les mêmes cas que l’étendue dans le lieu.
  63. S’il y avait une préposition à sous-entendre, ce serait ante ; mais l’accusatif se joint à natus d’après la même analogie qu’à latus, altus, etc. § 371.
  64. Les §§ contenus sous ce titre, ne sont, comme les Questions de lieu et de temps, que des applications spéciales des règles qui concernent les cas. Nous avons réservé ces applications pour des articles séparés, parce qu’elles forment des latinismes sur lesquels il est nécessaire d’appeler l’attention.
  65. Cf. § 80, I, Rem.
  66. Ces mots sont réellement des ablatifs féminins et non des accusatifs pl. neutres. Priscien l’affirme en propres termes, et la chose est évidente pour rēfert, composé de fert et de l’ablatif re. Elle se conclut par analogie pour interest, où re est sous-entendu. L’ablatif n’est pas plus étrange ici que dans intereā (cf. § 90, R. 4). Un ex. de Plaute, Capt II, 2, 46 : tuā re feceris (tu auras agi dans ton intérêt), conduit directement à tuā rē fert, tuā [] interest. Enfin a est toujours long dans les poëtes, et ce fait est décisif. Ajoutons que explique très-naturellement le génitif qui se joint à ces verbes.
  67. Sujet, quod studia vigent.
  68. Sujet, omnes fontes gelidiores esse ; complément quem : Quelle personne cela trompe-t-il ? à qui cela échappe-t-il ?
  69. Ne me passe pas, ne m’échappe pas.
  70. Cf. Méth. gr. § 388, 7.
  71. Hoc nihil pertinet ad rem. Ici nihil, et plus haut quid, sont à l’accusatif, d’après le § 363.
  72. On trouve quelques exemples où la construction est la même en latin qu’en français : Parthi feminis non convivia tantum virorum, verum etiam conspectum interdicunt, Just. xli, 3. Ce tour n’est pas à imiter.
  73. Cf. § 101.
  74. Cf. Méth. gr. § 292.
  75. Cic. de Divin. ii, 56 ; Quintil. vii, 9, 7.
  76. Quintil. vii, 9, 7, et viii, 2, 16.
  77. Cic. de Orat. i, 52.
  78. Cic. Offic. iii, 20.
  79. Cic. Offic. ix, 10.
  80. Suppl. epistolas.
  81. Voyez notamment les §§ 214, 215, 223, 224, 225, 235, 255.
  82. Cf. Méth. g. § 365, ii.
  83. Ou « que je verse le sang de mes fils ! » comme Polyeucte dit dans Corneille : « Que je sois tout ensemble idolâtre et chrétien ! »
  84. De là le nom de futur de l’impératif donné par les Grammairiens latins à la forme en to, tote, nto.
  85. Cependant Cicéron, en s’adressant aux juges, leur dit toujours scitote (sachez) et non scite.
  86. §§ 44, 221, 223.
  87. Voyez des exemples pareils, Cic. pro Quint. 16 ; Corn. Nep. vi, 3. Cic. Topic. 1, Offic. i, 11 ; T. Liv. iii, 4.
  88. Si l’on disait damnandum esse, cela signifierait qu’il y a obligation de condamner ; damnatum iri indique seulement que le fait aura lieu. Cf. Quintil. ix, 2, 88.
  89. Célèbre statuaire grec.
  90. Célèbre peintre.
  91. Mot à mot : Je crois devoir arriver que la ville soit prise ; je croyais devoir arriver que la ville fût prise.
  92. Voyez des exemples pareils, Cés. B. C. iii, 101 ; Cic. Tusc. iii, 28.
  93. Contingit se dit ordinairement des événements heureux ; accidit, des événements contraires, evenit, de ceux qui sont indifférents.
  94. Mot à mot : La nature commande que l’homme veuille qu’il soit pourvu au bien de l’homme.
  95. Cic. pro Sextio, 22. La phrase entière contient trois infinitifs du parfait. Cette forme se trouve même dans des phrases où l’on aurait pu employer le présent : Meministis me ita distribuisse initio causam, Cic. pro Rosc amer. xlii.
  96. T. Liv. ii, 41.
  97. Cés. B. G. iv, 13 ; cf. vi, 37 ; vii, 43 ; Cic. Catil. i, 3 ; de Divin. ii, 17.
  98. Nostri, vestri, sui, étant réellement des singuliers neutres {§ 146-4), ne pourraient en aucun cas s’accorder avec un génitif pluriel. Il peut se faire d’ailleurs que purgandi et adhortandi soient des gérondifs et non des participes. Ces exemples s’expliqueraient alors comme nobis fuit exemplorum eligendi potestas (Cic. de Inv. ii, 2), où eligendi potestas doit être considéré comme une sorte de mot composé équivalant à optio, et formant une idée complexe d’où dépend exemplorum. Cf. Kritz, Sall. Catil. 31.
  99. Caton, apud Columell., xi, 1.
  100. On remarquera même qu’il tient qqfois lieu du participe présent, dont le passif est privé ; en effet, in voluptate spernendā, superstitione tollendā, équivalent évidemment à dum spernitur voluptas, dum superstitio tollitur.
  101. Esse est sous-entendu, la proposition étant infinitive.
  102. Eundum est est dans un parfait rapport avec itur, ibitur, itum est, § 80-II ; ce participe et tous les autres comme favendum, pugnandum, utendum, moriendum, renferment donc en un seul mot le sujet et l’attribut.
  103. Cf. Méth. gr. § 299.
  104. Cic. de Divin. ii, 43. Dicenda est n’est qu’une résolution de dicatur. Dicenda forme donc une partie de l’attribut, dont l’autre partie est stultitia ; voilà pourquoi il est au féminin.
  105. Voyez §§ 329 et 373, cf. Méth. gr., § 370.
  106. On peut également dire, d’après le § 419, Quum Cicero consul esset.
  107. M. à m. La nature a donné la jouissance de la vie, comme d’une somme d’argent, aucun terme n’étant fixé [pour la restitution].
  108. Ne forçons point notre talent ;
    Nous ne ferions rien avec grâce. La Fontaine, IV, 5.

  109. Plaut. Stich. I, 2. Sur le genre de canes, cf. § 180.