Vie et aventures de Martin Chuzzlewit/52

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CHAPITRE XXVII.
Dans lequel les tables sont tournées sens dessus dessous.

Les événements que nous venons de rapporter avaient retardé, mais de quelques heures seulement, les projets favoris du vieux Martin, si longtemps enfouis dans son cœur, et qu’un transport d’indignation avait si souvent failli révéler brusquement pendant son séjour chez Pecksniff. Étourdi comme il l’avait été d’abord par les renseignements que Tom Pinch et John Westlock lui avaient communiqués sur la nature supposée de la mort de son frère ; accablé par les dépositions ultérieures de Chuffey et de Nadgett, et par cet entraînement de circonstances qui avaient abouti au suicide de Jonas, catastrophe dont il fut immédiatement informé, Martin voyait pour le moment ses projets et ses espérances ajournés par ces incidents divers qui venaient se jeter violemment entre lui et son but ; cependant leur violence même et l’ensemble tumultueux de toutes ces scènes l’encouragèrent à exécuter ses plans avec plus de rapidité et d’énergie. Dans chacune de ces circonstances, dans tous ces actes de cruauté, de lâcheté et de perfidie, il reconnaissait le germe funeste qui leur avait donné naissance. La racine de cette mauvaise herbe, c’était l’égoïsme, l’égoïsme cupide, ardent, exigeant, tyrannique ; l’égoïsme avec son long cortège de soupçons, de ruses, de tromperies, et toutes les conséquences qui en découlent. M. Pecksniff en avait offert au vieillard un si parfait modèle, que le bon, le tolérant, le patient Pecksniff, était devenu pour Martin l’égoïsme incarné, l’hypocrisie en personne. Et plus étaient odieuses les formes que ces vices révélaient maintenant aux regards de Martin, plus ce dernier éprouvait d’amère consolation dans son projet de faire enfin bonne justice à M. Pecksniff et à ses victimes.

Il apporta dans cette œuvre, non-seulement l’énergie et la détermination naturelle que le lecteur a pu reconnaître dans son caractère dès le début de ce récit, en faisant connaissance avec ce gentleman, mais encore toute cette vigueur concentrée qui, en se nourrissant d’un aliment intérieur, avait pris d’autant plus d’ardeur qu’elle avait été obligée de se comprimer plus longtemps. Or, ces deux courants de résolution violente, se réunissant et balayant tout sur leur passage, acquirent une violence si impétueuse, que John Westlock et Mark Tapley, passablement énergiques pour leur propre part, eurent toutes les peines du monde à le suivre.

Dès son arrivée à Londres, Martin avait envoyé chercher John Westlock, qui lui fut amené par Tom Pinch. Comme le vieillard avait gardé le meilleur souvenir de Mark Tapley, il s’était assuré le concours immédiat de ce gentleman par l’entremise de John ; et c’est ainsi, comme nous l’avons vu, qu’ils s’étaient trouvés tous réunis dans la Cité. Mais Martin avait refusé de voir son petit-fils jusqu’au lendemain. Ce jour-là, selon ses instructions, M. Tapley fut chargé d’avertir le jeune homme de se rendre au Temple vers dix heures du matin. Martin ne voulut pas se servir de l’intermédiaire de Tom Pinch, de peur d’attirer sur lui des soupçons injustes ; cependant Tom avait assisté à toutes les conférences, et il resta avec ses amis jusqu’à une heure avancée de la nuit, après qu’ils eurent appris la mort de Jonas. Ensuite, il s’en revint au logis raconter à la petite Ruth tous ces merveilleux événements, et l’inviter à l’accompagner le lendemain matin au Temple, conformément aux instructions particulières de M. Chuzzlewit.

Un trait caractéristique du vieux Martin et de la façon dont il envisageait les choses qu’il se proposait de faire, c’est qu’il n’avait communiqué ses intentions à personne : elles n’avaient percé que dans quelques allusions aux représailles qu’il avait à tirer de M. Pecksniff, pour se venger du rôle qu’il lui avait fallu jouer dans sa maison ; on eût pu aussi les deviner un peu à l’éclat que jetaient les yeux de Martin quand le nom de Pecksniff était prononcé devant lui. John Westlock lui-même, en qui il avait évidemment une grande confiance (bien partagée du reste par tous les autres), n’avait pas reçu de lui plus ample confidence. Martin se borna à le prier de revenir le lendemain matin ; et, sans en savoir davantage, ils le quittèrent à une heure avancée de la nuit.

Une journée aussi chargée d’événements eût épuisé, de corps et d’esprit, un homme beaucoup plus jeune que Martin : cependant le vieillard se plongea dans une profonde et triste méditation, qui dura jusqu’à l’aube du jour. Et même alors, il ne demanda point au lit quelque temps de repos, mais il se borna à sommeiller un peu dans son fauteuil jusqu’à sept heures du matin. C’était le moment qu’il avait fixé pour la visite de M. Tapley, qui arriva aussi frais, aussi dispos, aussi joyeux que le Matin en personne.

Il frappa à la porte un léger coup, qui mit à l’instant sur pied M. Chuzzlewit.

« Vous êtes ponctuel, dit le vieillard, allant ouvrir aussitôt.

– Ma devise, monsieur, répondit M. Tapley, qui d’après cela paraissait avoir roulé dans sa tête les devoirs matrimoniaux, ma devise, c’est : amour, honneur et obéissance. L’horloge sonne sept heures, monsieur.

– Entrez !

– Merci, monsieur. Qu’ai-je à faire d’abord pour votre service, monsieur ?

– Vous avez exécuté ma commission auprès de Martin ? dit le vieillard fixant ses yeux sur lui.

– Oui, monsieur, répondit Mark, et jamais de votre vie vous n’avez vu gentleman aussi surpris que lui.

– Que lui avez-vous dit en outre ?

– Par exemple, monsieur, répondit M. Tapley en souriant, j’aurais bien aimé à lui en dire un peu plus ; mais, faute d’en savoir davantage, je ne lui ai rien dit du tout.

– Vous lui avez confié ce que vous saviez ?

– C’était si peu de chose, monsieur ! répliqua M. Tapley. Je n’avais vraiment pas à lui dire grand’chose qui vous concernât, monsieur. Je lui ai seulement dit que, dans mon opinion, M. Pecksniff se trouverait trompé, monsieur, que vous seriez trompé vous-même, et que lui aussi il serait trompé comme les autres, monsieur.

– En quoi ? demanda M. Chuzzlewit.

– En ce qui le concerne, n’est-il pas vrai, monsieur ?

– En ce qui nous concerne, lui et moi.

– Très-bien, monsieur, dit Tapley, quant aux anciennes idées que vous aviez l’un de l’autre. Pour ce qui est de lui, monsieur, et de ses idées, je sais qu’il a joliment changé, je vous en réponds. Je le savais longtemps avant qu’il vous parlât l’autre jour, et, je dois vous le dire, personne ne peut le connaître à moitié aussi bien que moi ; personne. Il y avait toujours eu en lui beaucoup de bon, mais je ne sais comment ça s’était un peu encroûté. Je ne vous dirai pas qui est-ce qui avait pétri la pâte de cette croûte, mais…

– Continuez, dit Martin, pourquoi vous arrêter ?

– Mais… Eh bien ! je vous demande pardon, mais je pense que c’est peut-être bien vous, monsieur : sans intention, comme de raison. Tout compensé, vous pourriez avoir eu des torts chacun de votre côté. Voilà ! maintenant j’en suis débarrassé ! ajouta M. Tapley, dans un accès de résolution désespérée. Je n’ai plus à traîner cette idée dans mon esprit pour m’en casser la tête. J’ai beaucoup fait d’attendre jusqu’à hier. C’est dit à présent. Je n’y puis plus rien, j’en suis bien fâché. Ne faites pas retomber ça sur lui, monsieur. Voilà ! »

Il était clair que Mark s’attendait à recevoir l’ordre de sortir immédiatement, et il était tout prêt à déguerpir.

« Ainsi, monsieur, dit Martin, vous pensez que ses anciennes fautes proviennent jusqu’à un certain point de mon fait ?

– Ma foi, monsieur, répliqua M. Tapley, j’en suis très-fâché, mais je ne puis le nier. C’est fièrement beau de votre part, monsieur, de permettre à un ignorant de se prononcer comme ça : mais c’est en effet ma manière de voir. J’ai pour vous, monsieur, autant de respect qu’il est possible d’en avoir ; mais je pense comme ça. »

Le rayon d’un sourire plein de douceur passa sur les traits sévères de Martin, tandis que le vieillard regardait attentivement Mark sans répondre.

Après un silence de quelques instants, Martin fit cette observation :

« Et cependant, vous êtes un ignorant vous-même, à ce que vous dites.

– Parfaitement, répliqua M. Tapley.

– Et moi, vous me jugez un homme instruit et bien élevé ?

– Oh ! oui, rien de plus certain. »

Le vieillard, appuyant sa main contre son menton, fit deux ou trois tours de chambre avant d’ajouter :

« Vous l’avez quitté ce matin ?

– Je l’ai quitté pour venir tout droit ici, monsieur.

– Soupçonnait-il de quoi il s’agissait ?

– Il ne pouvait pas plus le soupçonner que moi, monsieur. Je lui ai raconté ce qui s’est passé hier, monsieur. Je lui ai appris que vous m’aviez dit : « Pourrez-vous venir à sept heures du matin ? » et que vous m’aviez chargé de lui demander s’il pourrait venir à dix heures ; en ajoutant que j’avais répondu oui pour l’une et l’autre question. Voilà tout, monsieur. »

C’était tout, en effet ; sa franchise si naturelle ne permettait pas d’en douter.

« Peut-être, dit Martin, s’imaginera-t-il que vous allez le quitter pour entrer à mon service ?

— Monsieur, répondit Mark, sans perdre un atome de sa tranquillité, je l’ai servi dans de telles circonstances, et nous avons été compagnons dans de telles misères, que, j’en suis sûr, il ne croirait jamais un mot de cela. Et vous ne le croyez pas plus que lui, monsieur.

– Voulez-vous m’aider à m’habiller et me faire servir à déjeuner par les gens de l’hôtel ?

– Avec plaisir, monsieur.

– Et en attendant, continua Martin, voulez-vous me faire le plaisir de rester dans la chambre, de vous tenir à côté de la porte et de recevoir les visiteurs quand ils viendront y frapper ?

– Certainement, monsieur.

– Vous ne jugerez point nécessaire de manifester de surprise à leur vue.

– Oh ! mon Dieu ! non, monsieur, pas du tout. »

Quoique Mark fît cette promesse avec un aplomb parfait, il n’en était pas moins en ce moment même dans un état de stupéfaction visible. Martin parut s’en apercevoir et se rendre compte de l’expression comique des traits de M. Tapley en face de ces circonstances étranges : car, en dépit de la gravité de sa voix et de sa physionomie, une sorte de sourire vague flotta plusieurs fois sur sa figure. M. Tapley cependant se mit en devoir d’exécuter les commissions dont il était chargé, et ne tarda pas à perdre toute marque apparente d’étonnement, pour s’occuper lestement de sa besogne.

Lorsqu’il eut mis en ordre les habits de M. Chuzzlewit, et quand ce gentleman eut fait sa toilette et se fut assis pour déjeuner, les sentiments de surprise qu’éprouvait M. Tapley revinrent l’assaillir avec violence. Debout près du vieillard, une serviette sous le bras (il n’était pas plus embarrassé d’être sommelier au Temple qu’il ne l’avait été de s’improviser cuisinier volontaire sur le Screw), il ne pouvait résister à la sensation de jeter sans cesse sur Martin des regards à la dérobée. Et non-seulement il ne pouvait s’en empêcher ; mais il céda volontiers si souvent à la tentation, que Martin le surprit en flagrant délit une cinquantaine de fois. M. Tapley faisait faire à son visage des exercices extraordinaires quand il lui arrivait d’être attrapé. Il se mettait tout à coup à se frotter les yeux, ou le nez, ou le menton ; ou bien il paraissait se plonger avec un air de haute sagesse dans les pensées les plus profondes ; ou bien il prenait soudain un très-vif intérêt aux mœurs et aux évolutions des mouches sur le plafond, ou à celles des moineaux qui voltigeaient au dehors ; ou bien encore il s’efforçait de dissimuler son trouble sous l’excessive politesse avec laquelle il offrait le muffin[1] : et il n’est pas déraisonnable de supposer que, par la mobilité de ces jeux de scène, il éprouvait au plus haut degré l’art que possédait si bien le vieux Chuzzlewit de maîtriser sa physionomie.

Pourtant le vieux Martin était resté parfaitement tranquille, et il déjeuna tout à son aise, ou plutôt il eut l’air de déjeuner : car c’était à peine s’il mangeait et buvait, et souvent il tombait dans de longues rêveries. Quand le vieillard eut fini, Mark s’assit à la même table et se mit à déjeuner pour son propre compte, tandis que M. Chuzzlewit parcourait la chambre en silence.

Mark eut bientôt desservi et préparé pour Martin un fauteuil sur lequel le vieillard s’installa sur le coup de dix heures, appuyant ses mains sur sa canne, les croisant sur la pomme et posant son menton sur le tout. Son impatience et ses distractions avaient disparu ; et en le voyant assis là, attachant sur la porte ses regards fixes et perçants, Mark ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait devant lui une belle et puissante figure, pleine d’énergie et de fermeté. Ou bien il se réjouissait d’avance en songeant que M. Pecksniff, après avoir joué si longtemps une jolie partie de boules avec le propriétaire de ce visage si fortement caractérisé, semblait être enfin au moment de subir une ou deux revanches dont il se souviendrait.

La seule incertitude de savoir ce qu’on allait faire et ce qu’on allait dire, et qui et qu’est-ce, suffisait bien pour piquer la curiosité de Mark. Mais, comme d’ailleurs il savait bien que le jeune Martin était en route et arriverait dans quelques minutes, il avait de la peine à se tenir tranquille et silencieux. Cependant, sauf que par moments il se livrait à une toux creuse et peu naturelle afin de se donner un maintien, il se conduisit avec un grand décorum pendant les dix plus longues minutes qu’il eût jamais eues à supporter.

On frappe à la porte : c’est M. Westlock. En le recevant, M. Tapley fit décrire à ses sourcils l’arc le plus haut possible, pour indiquer qu’il se trouvait dans une situation difficile. M. Chuzzlewit accueillit très-poliment M. Westlock.

Mark vint donner avis que Tom Pinch et sa sœur montaient l’escalier. Le vieillard alla à leur rencontre, prit les mains de Tom et embrassa Ruth sur la joue. Ce commencement promettait : aussi M. Tapley sourit-il avec satisfaction.

M. Chuzzlewit s’était remis dans son fauteuil, avant que le jeune Martin, arrivé le dernier, entrât à son tour. Le vieillard le regarda à peine et lui indiqua du geste un siège éloigné.

C’était moins encourageant : aussi M. Tapley retomba-t-il dans sa situation difficile.

Un nouveau coup frappé à la porte ramena Mark à lui-même. Il ne s’élança pas, il ne cria pas, il ne tomba pas à la renverse en voyant miss Graham et mistress Lupin : mais il respira longuement et fortement, et s’en revint parfaitement résigné, les regardant d’un air qui semblait dire que désormais il ne s’étonnerait plus de rien, et qu’il était satisfait d’en avoir fini avec ce genre de sensation, à tout jamais.

Le vieillard accueillit Mary avec une tendresse au moins égale à celle qu’il avait montrée à la sœur de Tom Pinch. Entre lui et Mme Lupin, il y eut un air de reconnaissance amicale qui annonçait une entente parfaite. Ceci ne causa aucun étonnement à M. Tapley : car, ainsi qu’il le dit plus tard, il s’était retiré du commerce et avait vendu son fonds.

Ce n’était pas le trait le moins curieux de cette réunion, que chacun des assistants éprouvât une telle surprise, un tel embarras à la vue des autres, qu’aucun d’eux ne s’aventurait à prendre la parole. M. Chuzzlewit seul rompit le silence.

« Laissez la porte ouverte, Mark, dit-il, et venez ici. »

Mark obéit.

Le pas de la dernière personne attendue résonna sur l’escalier.

Tout le monde le reconnut.

C’était M. Pecksniff, et M. Pecksniff bien pressé, qui plus est ; car il montait avec une précipitation si extraordinaire, qu’il trébucha deux ou trois fois.

« Où est mon vénérable ami ? » cria-t-il quand il fut arrivé sur le palier.

Et, les bras ouverts, il s’élança dans la chambre.

Le vieux Martin ne fit que le regarder : ce regard suffit : M. Pecksniff recula vivement, comme s’il avait reçu la décharge d’une batterie électrique.

« Mon vénérable ami se porte-t-il bien ? s’écria M. Pecksniff.

– Tout à fait bien.

Cette réponse parut calmer l’inquiétude du questionneur. M. Pecksniff joignit les mains, et levant les yeux au ciel avec une joie pieuse, il exprima silencieusement sa reconnaissance ; puis il promena son regard sur l’assemblée, et secoua la tête d’un air de reproche. Pour un homme si doux, ce regard était sévère, très-sévère.

« Ô vermine ! dit M. Pecksniff. Ô suceurs de sang ! N’est-ce pas assez que vous ayez abreuvé d’amertume l’existence d’un homme qui n’a pas son pareil dans les annales biographiques des gens de bien ! Faut-il maintenant, maintenant encore, lorsqu’il a fait son choix, lorsqu’il a mis sa confiance en un humble parent qui, du moins, est sincère et désintéressé, faut-il maintenant, vermine, vile fourmilière (je regrette d’employer ces expressions énergiques, mon cher monsieur, mais il est des moments ou une vertueuse indignation doit se donner carrière) ; faut-il maintenant, vermine, vile fourmilière (car je veux répéter ces mots), qu’abusant de sa faiblesse, vous veniez fondre sur lui de tous côtés, comme des renards et des vautours et autres animaux de la gent emplumée, réunis autour (je ne dirai pas autour d’une charogne, ou d’une carcasse, car M. Chuzzlewit est tout le contraire), mais autour de leur proie, oui, de leur proie, pour la déchirer et la dépouiller, pour gorger leur panse vorace et souiller leurs becs tranchants par toute espèce de régal carnivore ! … »

Obligé de s’arrêter là-dessus pour reprendre haleine, il fit de la main un geste solennel pour leur montrer la porte, puis il ajouta :

« Horde de pillards et de voleurs dénaturés, laissez-le ! laissez-le, vous dis-je ! sortez ! allez vous cacher ! vous n’avez rien de mieux à faire que de vous sauver ! Continuez d’errer sur la surface de la terre, mes jeunes messieurs, comme des vagabonds que vous êtes, et n’ayez pas l’audace de rester dans un lieu sanctifié par les cheveux gris de l’honorable patriarche qui, dans sa débilité, m’a fait l’honneur à moi, son ami indigne, mais du moins désintéressé, de m’accepter pour soutien et pour bâton de vieillesse. Et vous, mon bon monsieur, dit M. Pecksniff s’adressant directement au vieillard avec un ton de doux reproche, comment avez-vous pu vous décider à me quitter, fût-ce pour ce court laps de temps ? Je ne doute pas que vous ne vous soyez absenté pour me ménager quelque surprise agréable : Dieu vous en récompense ! Mais il ne fallait pas aller ainsi courir les aventures. Vraiment, je vous en voudrais beaucoup, mon ami, s’il m’était possible de vous en vouloir ! … »

Il s’avança, les bras étendus, pour saisir la main du vieillard. Mais il n’avait pas remarqué que cette main serrait et pressait étroitement une canne. Comme Pecksniff s’approchait en souriant à portée du vieux Martin, celui-ci, enflammé d’indignation, s’abandonna à un mouvement violent ; son visage étincela, il se leva vivement, et, d’un coup solidement appliqué, renversa M. Pecksniff sur le parquet.

M. Pecksniff tomba à plat sous ce coup si bien dirigé ; il tomba aussi lourdement que si un garde du corps de la reine avait exécuté contre lui une charge à fond de train, et, soit qu’il fût étourdi du choc, soit qu’il fût seulement stupéfait devant la nouveauté de cette chaude réception, le fait est qu’il ne se mit pas en devoir de se relever. Il resta étendu à la même place, regardant autour de lui ; son visage avait une expression de douceur mêlée de désappointement, mais si ridicule, que ni Mark Tapley ni John Westlock ne purent réprimer un sourire. Cependant ils s’empressèrent d’intervenir pour empêcher une seconde représentation du coup de canne, ce qui n’eût pas manqué d’avoir lieu à en juger par l’éclat des yeux du vieillard et son attitude menaçante.

« Qu’on le traîne dehors ! ne le laissez pas à portée de mon bras, dit Martin ; sinon, je ne réponds pas de moi. La longue contrainte que j’ai imposée à mes mains eût fini par les paralyser. Je ne serai pas maître de les retenir tant qu’elles le sentiront à leur portée. Qu’on le traîne dehors ! »

Voyant que M. Pecksniff ne se relevait pas, M. Tapley, sans plus de façon, le traîna en effet dehors, mais à la lettre, et le planta sur son séant, le derrière par terre, le dos appuyé contre le mur d’en face.

« Écoutez-moi, coquin ! dit M. Chuzzlewit. Je vous ai mandé ici pour vous faire assister à votre propre ouvrage ; j’ai voulu vous en rendre témoin pour vous abreuver de fiel et d’absinthe. J’ai voulu vous en rendre témoin, parce que je sais que la vue de chacune des personnes ici présentes percera comme un dard votre cœur faux et misérable ! … Eh bien ! me connaissez-vous enfin pour ce que je suis ? … »

Franchement, M. Pecksniff était bien excusable de le regarder tout ébahi ; car l’air de triomphe empreint sur les traits, dans le langage et dans l’attitude du vieillard, était un spectacle qui en valait la peine.

« Voyez ! … dit le vieillard en le montrant du doigt et faisant appel aux assistants ; voyez ! et puis… venez ici, mon cher Martin… voyez ! voyez ! voyez ! »

Et chaque fois qu’il répétait ce mot, il pressait plus étroitement son petit-fils contre son cœur.

« Martin, dit-il, tu peux juger, par le coup que je viens de frapper, de la violence de la colère que j’éprouvais, du temps que j’étais obligé de me retenir. Pourquoi nous sommes-nous jamais séparés ? comment avons-nous pu nous quitter ? comment avez-vous pu m’abandonner pour aller chez cet homme ? »

Le jeune Martin ouvrait la bouche pour répondre ; mais son grand-père l’arrêta et continua ainsi :

« La faute en fut à moi non moins qu’à vous ; Mark me l’a dit aujourd’hui, et je le savais depuis longtemps. Plût à Dieu que je m’en fusse douté plus tôt ! Mary, ma chère Mary, approchez. »

Comme elle tremblait et qu’elle était toute pâle, il la fit asseoir dans son propre fauteuil, et resta debout à côté d’elle, tenant une des mains de Mary, et ayant près de lui son petit-fils.

« La malédiction de notre maison, dit le vieillard en regardant la jeune fille avec tendresse, ç’a été l’égoïsme ; oui, toujours l’égoïsme. Combien de fois l’ai-je répété, sans jamais me douter que j’avais fait aussi peser le mien sur les autres ! »

Il passa sa main sous le bras de Martin et, se trouvant ainsi entre les deux jeunes gens, il poursuivit en ces termes :

« Vous savez tous que j’ai élevé cette orpheline pour me servir de compagne. Mais nul de vous ne peut savoir par quels degrés j’ai été amené à la considérer comme ma fille ; car elle en a acquis sur moi tous les droits par son abnégation, sa tendresse, sa patience, en un mot, par l’excellence de son caractère. Et pourtant le ciel m’est témoin que je ne me suis pas donné grand mal pour développer chez elle ces qualités. Elles ont fleuri sans culture et mûri sans soleil. Je ne puis trouver dans mon cœur la force de dire que j’en sois fâché ; car le drôle qui est là-bas relèverait la tête. »

M. Pecksniff plongea sa main dans son gilet et secoua légèrement cette partie de son être à laquelle il avait été fait allusion, comme pour témoigner qu’elle était encore assez droite pour qu’il n’eût pas besoin de la relever.

« Il y a, dit le vieux Martin (je l’ai appris par la propre expérience de mon cœur), il y a une sorte d’égoïsme qui est toujours à épier l’égoïsme d’autrui, et qui, tenant les autres à distance par le soupçon et la méfiance, s’étonne qu’ils ne s’approchent pas, qu’ils n’aient point de laisser-aller, et leur reproche leur égoïsme. Ainsi, autrefois, je doutais de ceux qui m’entouraient (et ce n’était pas sans raison d’abord) ; autrefois, je doutais de vous, Martin…

– Non sans raison non plus, répondit le jeune homme.

– Entendez-vous là-bas, hypocrite ? Entendez-vous, langue doucereuse, valet bas et rampant ? s’écria le vieux Martin. Entendez-vous, chien couchant ? Quand j’étais à la recherche de mon petit-fils, vous aviez déjà jeté vos filets ; vous étiez déjà occupé à le pêcher ; vous ne pouvez pas dire non. Quand j’étais malade dans la maison de cette bonne femme, et que votre bienveillance plaidait en faveur de ce jeune homme, c’est que vous l’aviez déjà attrapé, n’est-il pas vrai ? Comptant sur le retour de la tendresse que vous saviez si bien que je lui portais, vous l’aviez visé pour une de vos deux filles, n’est-ce pas encore vrai ? Ce plan ayant échoué, alors vous avez trafiqué de lui comme d’une marchandise ; vous avez espéré m’éblouir par le lustre de votre charité pour jeter sur moi votre grappin ! Eh bien ! même dès ce moment-là, je vous connaissais si bien que je vous le dis. Ne vous ai-je pas dit que je vous connaissais ?

– Je ne suis pas fâché, monsieur, répondit doucement M. Pecksniff. De votre part, je puis supporter bien des choses. Je ne vous contredirai jamais, monsieur Chuzzlewit.

– Voyez, reprit Martin regardant autour de lui ; je me suis mis entre les mains de cet homme à des conditions aussi abjectes, aussi viles, aussi dégradantes pour lui, que les termes mêmes dans lesquels je les lui ai dictées. Je les lui ai déclarées longuement, devant ses propres enfants, syllabe par syllabe, aussi rudement que je l’ai pu, et avec autant d’insolence, avec un mépris aussi brutal qu’on en peut mettre, je ne dis pas seulement dans son air et dans ses manières, mais même dans son langage. Si j’avais une fois, une fois seulement, réussi à faire monter à son visage le feu et la pourpre de la colère, j’eusse abandonné mon dessein. S’il m’avait opposé une seule remontrance en faveur du petit-fils qu’il croyait déshérité ; s’il avait élevé la moindre objection contre mes intentions de lui faire chasser Martin de sa maison pour l’abandonner à la misère, je crois que je lui aurais désormais pardonné son odieux caractère : mais rien, rien, pas un mot ! Se faire le complaisant des plus mauvaises passions, telle était sa nature, et il a fidèlement rempli sa tâche !

– Je ne suis pas fâché, dit M. Pecksniff : je suis froissé, monsieur Chuzzlewit, je suis blessé dans mes sentiments, mais je ne suis pas fâché, mon bon monsieur. »

M. Chuzzlewit reprit :

« Une fois décidé à l’éprouver, je résolus de poursuivre l’épreuve jusqu’au bout ; mais, pendant que je m’abaissais à sonder cet abîme de duplicité, je pris avec moi l’engagement sacré de lui tenir compte aussi de la moindre lueur de bonté, d’honneur, de charité, de vertu enfin, qui viendrait à briller chez lui. Depuis le commencement jusqu’à la fin, il n’a montré rien de semblable, absolument rien. Et pourtant il ne peut pas dire que je ne lui en aie pas fourni l’occasion ; il ne peut pas dire que je ne l’aie pas sans cesse mis sur cette voie ; il ne peut pas dire que je ne l’aie pas laissé parfaitement libre en toute chose, et que je n’aie pas été entre ses mains un instrument passif pour le bien comme pour le mal, ou, s’il dit le contraire, il ment ! … car c’est encore dans sa nature.

– Monsieur Chuzzlewit, interrompit Pecksniff en versant des larmes, je ne suis pas fâché, monsieur ; je ne saurais être fâché contre vous. Mais ne m’avez-vous jamais, mon cher monsieur, exprimé le désir que ce jeune homme dénaturé, qui, par ses indignes artifices, a, pour ce moment, oui, pour ce moment seulement, faussé votre bonne opinion à mon égard, fût renvoyé de ma maison ? Recueillez vos souvenirs en bon chrétien, mon ami.

– Certainement je vous l’ai dit, répliqua rudement le vieillard. Je ne pouvais pas peut-être venir vous dire que je savais que vous l’aviez abusé par votre hypocrisie mielleuse, et je ne pouvais trouver de meilleur moyen pour lui dessiller les yeux que de vous montrer à lui dans toute la servilité de votre caractère. Oui, je vous exprimai ce désir, et vous ne vous l’êtes pas fait dire deux fois ; en une minute, vous retournant contre la main que votre langue venait de lécher, comme un vil chien que vous êtes, vous avez fortifié, confirmé et justifié ma résolution. »

M. Pecksniff fit une inclination de tête d’un air soumis, pour ne pas dire abject et rampant. Si on l’avait complimenté sur la pratique des plus hautes vertus, il n’eût pas fait un salut plus humble.

« Le malheureux qui a été assassiné, continua M. Chuzzlewit, qui se faisait alors appeler… comment donc ?

– Tigg, souffla Mark.

– Oui, Tigg. Ce Tigg m’avait adressé des suppliques en faveur d’un sien ami, un membre indigne de ma famille. Trouvant en lui un homme tout à fait convenable pour mes projets, je l’employais à recueillir quelques nouvelles de vous, Martin. C’est de lui que je sus que vous étiez parti en compagnie du brave garçon que je vois là-bas. Ce fut lui qui, vous rencontrant à Londres, un soir… vous vous souvenez où ?

– Au mont-de-piété, dit le jeune Martin.

– Oui… vous suivit jusqu’à votre logis, et se mit à même de vous envoyer un billet de banque.

– Je pensai plus tard, dit le jeune homme avec émotion, que ce billet m’était venu de vous. Mais, pour le moment, je ne me doutais guère que vous prissiez intérêt à mon sort. Si je l’avais su…

– Si vous l’aviez su ! répliqua tristement le vieillard ; il aurait fallu pour cela que vous pussiez me juger plutôt d’après le fond de mon âme que d’après les apparences du rôle que je m’étais donné à moi-même. J’espérais, Martin, vous amener au repentir et à la soumission ; j’espérais vous réduire par le besoin à revenir à moi. Plus je vous aimais, moins je pouvais me décider à faire cet aveu, s’il n’était précédé de votre soumission. Ce fut ainsi que je vous perdis. Si j’ai indirectement participé au malheur de cet homme, en mettant à sa disposition quelques ressources bien limitées dont il a fait un si mauvais usage, que Dieu me le pardonne ! J’eusse dû prévoir qu’il mésuserait de cet argent, que mes dons étaient mal placés entre ses mains, et que pareille semence sur un pareil terrain ne pouvait engendrer que le mal. Mais, à cette époque, j’étais loin de croire qu’il eût en lui des dispositions déclarées et un si rare talent pour devenir un imposteur sérieux ; je ne voyais en lui qu’un dissipateur insouciant, paresseux, dissolu, plus coupable envers lui-même qu’envers les autres, un pilier de cabaret adonné à des goûts vicieux qui ne pouvaient entraîner personne dans sa ruine.

– Je vous demande pardon, monsieur, dit Mark Tapley, qui, pendant ce temps, s’était donné le plaisir de prendre Mme Lupin sous le bras ; je vous demande pardon si j’ai la hardiesse de dire que, selon moi, vous avez bien raison, et qu’il était tout naturel qu’il tournât comme il a fait. Il y a, monsieur, un nombre extraordinaire d’individus qui, tant qu’ils n’ont pour marcher que leurs souliers et leurs guêtres, s’en vont la tête inclinée, d’un pas tranquille, le long du ruisseau, droit devant eux et sans faire grand mal à personne. Mais vous n’avez qu’à leur donner des chevaux et une diligence, et vous serez étonné de leur habileté à conduire, de l’adresse avec laquelle ils peupleront de passagers leur véhicule, de l’audace avec laquelle ces casse-cou s’élanceront sur le milieu du pavé, sans s’inquiéter de faire une chute du diable. Parbleu ! monsieur, il y a une foule de Tiggs qui, à toute heure du jour, passent devant Temple-Gate, où nous sommes, et auxquels il ne faudrait qu’une chance pour que chacun d’eux poussât comme un champignon et devînt une montagne à son tour !

– Votre ignorance, comme vous l’appelez, Mark, dit M. Chuzzlewit, est plus sage que la science de bien des hommes, et que la mienne entre autres. Vous avez raison, et ce n’est pas la première fois aujourd’hui. Maintenant, mes amis, écoutez-moi ; et écoutez-moi aussi, vous là-bas, qui, si je suis bien informé, êtes dès à présent ruiné dans votre fortune, comme vous l’êtes depuis longtemps dans votre honneur. Et quand vous m’aurez entendu, quittez ce lieu et ne m’empoisonnez pas plus longtemps par votre présence ! »

M. Pecksniff posa sa main sur son cœur et s’inclina de nouveau.

« La pénitence que j’ai accomplie dans sa maison, dit M. Chuzzlewit, m’a amené souvent et avant tout à faire la réflexion que voici : c’est que, s’il avait plu au ciel d’infliger à ma vieillesse des infirmités qui l’eussent réduite réellement à l’état où je feignis de me trouver, je n’aurais eu à en accuser que moi. Ô vous, dont la richesse a été, comme la mienne, une source de chagrins continuels, vous qu’elle a conduits à vous méfier de ceux qui vous étaient le plus proches et le plus chers, et à vous creuser vous-mêmes un tombeau vivant de soupçons et d’isolement ; prenez garde, quand vous aurez rejeté tout ce qui vous était tendrement attaché, de devenir, sur votre déclin, l’instrument d’un homme tel que celui-ci, et de vous éveiller dans un autre monde pour verser sur vos torts des larmes qui vous rendraient amer le bonheur même du ciel, s’il n’était pas inaccessible à toutes les misères de cette pauvre humanité ! … »

Alors le vieillard raconta comment il avait souvent espéré, au début, que l’amour pourrait naître entre Mary et Martin, et comment il s’était plu à penser qu’il en observerait les premiers symptômes, puis les mettrait à l’œuvre chacun de leur côté, en simulant des doutes sur leur constance avant de leur avouer que leur tendresse avait été douce à son cœur ; comment il avait espéré que, par sa sympathie pour eux et ses soins généreux pour leur jeune établissement, il se créerait à leur affection et à leurs égards un droit que rien ne viendrait affaiblir et qui assurerait le bonheur de ses vieux jours ; comment, à l’aube même de son projet, et quand le plaisir de ce plan pour leur félicité était encore chez lui vague et incertain, Martin était venu lui dire qu’il avait déjà fixé son choix, se doutant que son grand-père avait sur la jeune fille des idées peu arrêtées, mais sans savoir pour qui ; comment il avait été affligé d’apprendre que Martin avait choisi Mary de lui-même, parce que cela lui faisait perdre le mérite d’y avoir pensé le premier, et qu’en voyant Mary déjà liée de son côté par cet amour, il avait été torturé par l’idée que déjà, malgré leur jeunesse, ces deux enfants, dont il avait été le bienfaiteur si tendre, étaient semblables au reste du monde et uniquement occupés de leurs vues égoïstes et secrètes ; comment, dans l’amertume de cette impression et de son expérience du passé, oubliant qu’il n’avait jamais provoqué de confidences sur ce sujet, et confondant ce qu’il avait voulu faire avec ce qu’il avait fait, il avait adressé de si durs reproches à Martin, que tous deux avaient échangé des paroles violentes et s’étaient séparés en colère ; comment il avait continué d’aimer pourtant son petit-fils et d’espérer son retour ; comment, dans la nuit où il était tombé malade au Dragon, il avait pris la plume pour lui faire un adieu paternel, le constituer son héritier et sanctionner son mariage avec Mary ; comment enfin, après son entrevue avec M. Pecksniff, il avait repris sa méfiance envers son petit-fils, brûlé le testament, et s’était enfoncé dans son lit, en proie aux soupçons, au doute et aux regrets.

Il leur dit encore comment, résolu à sonder ce Pecksniff et à éprouver la constance et la fidélité de Mary (pour lui-même non moins que pour Martin), il avait conçu et médité son plan ; comment il s’y était affermi de plus en plus, en face de la conduite pleine de dignité et de patience de la jeune fille, de plus en plus en face de la bonté et de la simplicité, de la loyauté et de la franche droiture de Tom. Et en parlant de lui il s’écria : « Dieu le bénisse ! » et des larmes vinrent mouiller ses yeux ; car il dit que Tom, après lui avoir inspiré d’abord de la méfiance et de l’antipathie, était venu rafraîchir son cœur comme la pluie d’été, et l’avait disposé à croire à la vertu. Et Martin prit la main de Tom ; puis ce fut Mary ; puis John, son vieil ami, qui la lui secoua cordialement ; puis Mark ; puis Mme Lupin ; puis sa sœur, la petite Ruth. Et la paix intérieure, la paix profonde et tranquille, régnait dans l’âme de Tom.

Le vieillard rappela ensuite avec quelle noblesse d’âme M. Pecksniff avait rempli son devoir envers la société, dans l’affaire du renvoi de Tom ; et comment, ayant souvent entendu sortir de la bouche de M. Pecksniff des paroles de dénigrement à l’endroit de M. Westlock, et sachant que John était l’ami de Tom, il s’était servi, au moyen de son avoué, d’un petit artifice pour préparer Tom à recevoir l’ami inconnu qui allait arriver à Londres. De plus, il somma M. Pecksniff (il ne l’appela pas Pecksniff, il l’appela coquin) de se rappeler qu’il ne l’avait nullement attiré dans un piège pour l’entraîner à faire le mal, mais que c’était bien de sa propre volonté, qu’il l’avait fait de son propre mouvement, et malgré les avis qu’il avait reçus de son hôte en sens contraire. Une fois encore il somma M. Pecksniff (cette fois il l’appela chien pendu) de se rappeler que, lorsque son petit-fils s’était présenté chez lui, vers ces derniers temps, pour solliciter le pardon qui l’attendait, c’était encore lui, Pecksniff, qui l’avait repoussé avec une dureté de langage qui n’appartenait qu’à lui, et s’était interposé sans remords entre le suppliant et la tendresse légitime de son grand-père.

« C’est pourquoi, ajouta le vieillard, s’il suffisait d’un mouvement de mon doigt pour écarter la corde de votre cou, je ne remuerais pas mon doigt ! … Martin, vous n’aviez pas là un rival dangereux ; cependant, Mme Lupin, que voici, a rempli le rôle de duègne durant quelques semaines, non pas tant pour protéger votre amour que pour surveiller le galant de Mary : car autrement cette goule (il avait une incroyable fécondité d’expressions pour désigner M. Pecksniff) eût rampé chaque jour dans les promenades que recherchait Mary, pour souiller l’air pur qu’elle allait respirer. Qu’est-ce qu’il y a ? La main de Mary tremble singulièrement. Voyez, Martin, si vous pouvez la tenir. »

La tenir ! Si le jeune homme la serra comme il serrait la taille de Mary, il la tint bien allez !

Par exemple, ce qui était bien de sa part, c’est que, même en ce moment, au sein de sa haute fortune et de son bonheur, et quand il pressait contre son cœur cette adorable jeune fille, il eut encore une main à tendre à Tom Pinch.

« Ô Tom ! cher Tom ! je ne vous ai revu qu’accidentellement en venant ici. Pardonnez-moi !

– Vous pardonner ! s’écria Tom. Jamais de ma vie je ne vous pardonnerai, Martin, si vous dites un mot de plus à ce sujet. Soyez heureux tous deux, mon cher ami, mille fois heureux ! »

Heureux ! … Il n’y avait pas une bénédiction sur terre que Tom ne leur eût souhaitée ; il n’y avait pas une bénédiction sur terre que Tom n’eût versée sur eux, s’il l’avait pu.

« Je vous demande pardon, monsieur, dit M. Tapley en s’avançant un peu ; mais tout à l’heure, monsieur, vous avez fait allusion à une dame du nom de Lupin.

– En effet, répondit le vieux Martin.

– Oui, monsieur. Un joli nom, n’est-ce pas, monsieur ?

– Un nom parfait, dit le vieillard.

– Ne serait-ce pas une chose pitoyable que de changer un si beau nom en celui de Tapley ?

– Cela dépend des idées de la dame. Quelle est son opinion ?

– Eh bien ! monsieur, dit Tapley en se retirant avec une salutation du côté de la florissante hôtesse, son opinion est que, si elle ne peut pas gagner au change en prenant le nom de l’individu, l’individu y gagnera beaucoup. En conséquence, « si personne n’y connaît d’empêchement légitime, etc., » le Dragon bleu sera converti en Joyeux Tapley. C’est une enseigne de mon invention, monsieur. C’est très-neuf, très-alléchant et très-expressif ! »

Tout ce qui se passait était tellement agréable à M. Pecksniff, que notre vertueux architecte restait toujours dans la même position, les yeux fixés sur le plancher, se tordant alternativement les mains, comme si c’était autant de sentences capitales qui pleuvaient sur lui. Non-seulement sa personne paraissait complètement affaissée, mais encore la déconfiture semblait s’être étendue jusqu’à son costume. On eût dit que ses habits étaient devenus plus usés, son linge plus jaune, ses cheveux plus plats et plus défaits ; ses bottes même avaient quelque chose de terne et de sale, comme si tout leur éclat s’était évanoui avec celui de leur maître.

Sentant (plutôt qu’il ne le vît) que le vieillard lui montrait en ce moment le chemin de la porte, il leva les yeux, ramassa son chapeau et adressa ainsi la parole au vieux Martin :

« Monsieur Chuzzlewit, monsieur ! Vous avez partagé mon hospitalité…

– Et je l’ai payée.

– Merci, dit M. Pecksniff tirant son mouchoir de poche. Ceci sent votre ancienne franchise familière. Vous l’avez payée. C’est ce que j’allais dire. Vous m’avez trompé, monsieur. Je vous remercie de nouveau. J’en suis content. C’est pour moi une récompense suffisante que de vous voir en pleine possession de la santé et de vos facultés intellectuelles. Avoir été trompé implique une nature confiante. Telle est en effet ma nature. J’en remercie le ciel. J’aime mieux avoir une nature confiante, monsieur, vous entendez, qu’une nature défiante. »

Ici M. Pecksniff, avec un sourire mélancolique, salua et s’essuya les yeux.

« Monsieur Chuzzlewit, continua Pecksniff, à peine y a-t-il une seule des personnes présentes par qui je n’aie été trompé. J’ai pardonné ici même à toutes ces personnes. C’était mon devoir, et, naturellement, je l’ai rempli. Maintenant, était-il digne de vous d’user de mon hospitalité, et de jouer dans ma maison le rôle que vous y avez joué, monsieur ? c’est une question que je livre à votre propre conscience. Et votre conscience ne vous absout pas. Non, monsieur, non ! »

Tout en prononçant ces derniers mots d’une voix haute et solennelle, M. Pecksniff n’était pas tellement absorbé par l’ardeur de ses convictions, qu’il ne jugeât à propos de se rapprocher un peu de la porte.

« J’ai, dit-il, été frappé aujourd’hui avec une canne, qui, j’ai quelque raison de le croire, est hérissée de nœuds ; j’ai été frappé sur cette partie délicate et précieuse du corps humain qu’on appelle le cerveau. D’autres coups, monsieur, ont été portés sans canne à une partie plus tendre de mon individu, c’est-à-dire mon cœur. Vous avez signalé, monsieur, la ruine de ma fortune. Oui, monsieur, je suis en faillite, je suis ruiné par suite d’une spéculation malheureuse où j’ai été victime de la friponnerie ; je me trouve réduit à la pauvreté, et cela au moment même, monsieur, où ma fille bien-aimée devient veuve et où le deuil et le déshonneur sont dans ma famille. »

Ici M. Pecksniff s’essuya de nouveau les yeux et s’appliqua deux ou trois petits coups sur la poitrine, comme pour répondre à autant de petits toctocs frappés en dedans par le marteau de sa conscience ; ce qui pourrait se traduire ainsi : « Courage, mon garçon ! »

« Je connais le cœur humain, et cependant j’ai confiance en lui : c’est là mon faible. Ne sais-je pas (ici il devint excessivement larmoyeur et parut diriger son regard vers Tom Pinch), ne sais-je pas que ce sont mes malheurs qui m’attirent ce traitement ? Ne sais-je pas, monsieur, que sans cela je n’eusse jamais entendu ce qu’il m’a fallu entendre aujourd’hui ? Ne sais-je pas que, dans le silence et la solitude de la nuit, une petite voix murmurera à votre oreille, monsieur Chuzzlewit : « Cela n’était pas bien. Cela n’était pas bien, monsieur ! » Pensez-y, monsieur, si vous daignez avoir cette bonté, quand vous ne serez plus sous l’empire des mouvements violents de la passion, et que vous vous serez dégagé des petitesses (si vous me pardonnez cette expression un peu vive)… des petitesses de vos préventions. Et si vous réfléchissez quelquefois, monsieur, au silence de la tombe, quoique j’aie bien peur, je vous en demande pardon, que vous ne le fassiez pas souvent ; si vous réfléchissez quelquefois au silence de la tombe, pensez à moi, monsieur. Si vous vous voyez un jour sur le bord de la tombe, monsieur, pensez à moi. Si vous désirez avoir une inscription gravée sur votre tombe silencieuse, monsieur, qu’elle dise que je… Ah ! monsieur, je plains d’avance vos remords ! que je… moi l’humble individu qui ai l’honneur d’approcher de vous… que je… vous ai pardonné ! que je vous ai pardonné lorsque l’injure était toute fraîche, et la plaie de mon cœur encore saignante. Il se peut qu’il vous soit amer d’entendre maintenant ce langage, monsieur ; mais ce sera un jour la consolation de votre vie. Puissiez-vous, monsieur, y trouver une consolation quand vous en aurez besoin ! Bonsoir ! »

Et, sur ce discours sublime, M. Pecksniff s’éloigna. Mais l’effet majestueux de sa sortie fut très-compromis par un choc presque immédiat que reçut l’orateur et qui faillit le faire tomber à la renverse. Celui qui l’avait poussé était un tout petit homme vêtu de velours et coiffé d’un grandissime chapeau. Il était horriblement agité, et, à la façon dont il avait grimpé l’escalier et dont il se rua dans la chambre de M. Chuzzlewit, on eût dit qu’il avait le cerveau détraqué.

« Y a-t-il iciquelqu’un qui le connaisse ? cria le petit homme. Y a-t-il ici quelqu’un qui le connaisse ? Ô mon Dieu, y a-t-il ici quelqu’un qui le connaisse ? »

Les assistants s’entre-regardaient, se demandant mutuellement une explication : mais tout ce qu’ils savaient, c’est qu’il y avait là un petit homme frénétique, coiffé d’un grandissime chapeau, et qui tour à tour s’élançait dans la chambre et en sortait brusquement, multipliant par la rapidité de ses mouvements en une douzaine de paires de bas d’un bleu éclatant la paire unique qu’il portait, et répétant sans cesse d’une voix aiguë :

« Y a-t-il ici quelqu’un qui le connaisse ?

– Si vous n’avez pas la cervelle sens dessus dessous, monsieur Sweedlepipe, s’écria une autre voix, voulez-vous bien finir votre tapage, je vous prie ? »

En même temps, Mme Gamp apparut sur le pas de la porte, elle était hors d’haleine d’avoir grimpé tant de marches, et soufflait d’une façon terrible ; cependant elle finit par pouvoir faire ses révérences à la compagnie.

« Faites excuse à la débilité de l’individu, dit Mme Gamp, toisant M. Sweedlepipe avec une vive indignation : j’aurais bien dû m’y attendre, naturellement ; et même que j’aurais voulu qu’il se noyât dans la Tamise avant de l’emmener ici : quand je pense qu’il n’y a pas plus d’une sainte heure qu’il a manqué de raser le nez du père d’une famille charmante où il est né trois fois des jumeaux, monsieur Chuzzlewit ! et qu’il l’aurait coupé, ni plus ni moins, si le gentleman n’avait pas vu dans son miroir à barbe comme ça allait, et détourné de la main le rasoir ! Et jamais, monsieur Sweedlepipe, je vous l’assure, jamais je n’ai si bien senti qu’aujourd’hui quel malheur c’est que de vous connaître, et je vous le dis, monsieur, et je ne veux pas vous tromper !

– Je vous demande pardon à tous, mesdames et messieurs, s’écria le petit barbier, ôtant son chapeau ; et à vous aussi, madame Gamp. Mais… mais… (ceci, il l’ajouta moitié en riant, moitié en pleurant) y a-t-il ici quelqu’un qui le connaisse ? »

Comme le barbier prononçait ces paroles, un je ne sais qui, en bottes à revers, avec le haut de la tête couvert d’un bandeau, s’avança en chancelant dans la chambre et se mit à tourner, tourner sur lui-même, sans se douter probablement qu’il ne marchait pas droit devant lui.

« Regardez-le ! … s’écria le petit barbier frénétique. C’est lui ! … Ça sera bientôt passé, et alors il sera aussi bien qu’autrefois. Il n’est pas plus mort que moi. Il est, ma foi ! alerte et bien vivant. N’est-ce pas, Bailey ?

– Rrr-réellement oui, Poll ! répondit ce gentleman.

– Voyez ! s’écria le petit barbier riant et pleurant à la fois. Tenez ! comme il va droit, quand je lui donne la main ! Là ! le voilà parti tout droit, comme un homme ! Pas plus de bobo que sur la main ; un coup qui l’a étourdi et voilà tout ! N’est-ce pas, Bailey ?

– Rrr-réellement un fameux coup, Pol ; rrr-réellement ! dit Bailey. Eh quoi ! ma charmante Sairey ! vous voilà ici !

– Quel garçon ça fait ! s’écria le sensible Poll en sanglotant sur l’épaule de Bailey. Jamais je n’ai vu son semblable ! C’est toujours le même entrain. Il en est rempli. Je veux en faire mon associé dans mon commerce. J’y suis décidé. Nous formerons la maison Sweedlepipe et Bailey. Il aura la partie du sport (pour laquelle il est créé et mis au monde), et moi j’aurai le département des barbes. Je lui confierai les oiseaux aussitôt qu’il sera assez bien pour s’en occuper. Il aura le petit bouvreuil et tout le reste. C’est un garçon si extraordinaire ! Je vous demande pardon, messieurs, mesdames, mais j’avais pensé qu’il y avait ici quelqu’un qui pouvait le connaître. »

Mme Gamp avait remarqué, non sans une certaine pointe de jalousie et de dédain, qu’on paraissait favorablement disposé à l’égard de M. Sweedlepipe et de son jeune ami, et que par suite elle n’était plus qu’en seconde ligne. Aussi voulut-elle essayer de revenir au premier plan en expliquant de la manière suivante sa petite affaire :

« Pour lors, monsieur Chuzzlewit, il est sûr et certain que mistress Harris a un doux petit enfant (bien qu’elle ne désire pas qu’on le sache) de sa propre famille, du côté de sa mère, lequel est renfermé dans un bocal d’esprit-de-vin ; et ce doux enfant, elle le vit à la foire de Greenwich voyageant de compagnie avec la dame aux yeux rouges, le nain prussien et le squelette vivant qui devine les pensées de la dame, avec accompagnement d’orgue de Barbarie ; si bien donc qu’on lui montra l’enfant de sa propre chère sœur, et elle ne s’y attendait guère, la pauvre chère femme, d’après le tableau du dehors, où il est peint au contraire vivant, grand comme père et mère et pinçant de la harpe, comme s’il avait pu seulement jamais connaître ni pratiquer cet instrument, le pauvre chéri : puisqu’il n’a jamais soufflé, ce n’était pas pour parler, dans cette vallée de misère ! Et mistress Harris, monsieur Chuzzlewit, m’a fréquentée depuis bien des années et peut vous apprendre que la dame qui est tombée en veuvage ne peut rien faire de mieux et pourrait faire pis que de me prendre à son service, avec la permission de l’aimable société que je vois devant moi.

– Oh ! dit M. Chuzzlewit, est-ce là tout ce que vous demandez ? A-t-on payé cette bonne dame pour les peines que nous lui avons données ?

– Je l’ai payée, monsieur, et largement, répondit Mark Tapley.

– Le jeune homme est véridique, dit Mme Gamp, et je vous remercie affectueusement.

– Alors nous en resterons là de notre connaissance, mistress Gamp, reprit M. Chuzzlewit. Quant à vous, monsieur Sweedlepipe… N’est-ce pas ainsi que vous vous appelez ?

– C’est mon nom, monsieur, répondit Poll, recevant avec un débordement de reconnaissance quelques pièces sonores que le vieillard lui glissa dans la main.

– Monsieur Sweedlepipe, veillez bien sur votre locataire, et donnez-lui de temps en temps un mot ou deux de bon conseil, dit le vieux Martin regardant gravement mistress Gamp stupéfaite, comme, par exemple, sur la convenance de boire un peu moins de liqueurs, et de montrer un peu plus d’humanité, d’avoir un peu moins d’égards pour elle-même et un peu plus de pitié de ses malades, et peut-être de montrer un petit peu de probité. Ou bien, monsieur Sweedlepipe, si mistress Gamp vous donnait trop de mal, elle fera bien de veiller à ce que cela n’arrive pas dans un moment où, me trouvant tout près d’Old-Bailey, je pourrais bien aller de moi-même porter témoignage de la moralité que je lui connais, tâchez, s’il vous plaît, de lui inculquer ces conseils, en temps et lieu, à votre aise. »

Mistress Gamp se tordit les mains, tourna les yeux jusqu’à les rendre invisibles, rejeta en arrière son chapeau pour laisser l’air rafraîchir son front brûlant et, en murmurant d’une voix étouffée : « Un peu moins de liqueurs ! … Sairey Gamp ! … La bouteille sur le dessus de la cheminée, et qu’on m’y laisse seulement humecter les lèvres, quand cela m’est nécessaire ! … » elle tomba dans une de ses pâmoisons ambulatoires. Ce fut dans cet état pitoyable qu’elle fut emmenée par M. Sweedlepipe, qui, entre ses deux malades, mistress Gamp qui se pâmait et Bailey qui tournait comme un toton, avait fort à faire, le pauvre homme.

Le vieillard le suivit, en souriant, d’un regard qui vint à rencontrer la sœur de Tom Pinch, et alors il sourit bien mieux encore.

« Nous dînerons tous ensemble aujourd’hui, dit-il, et comme vous, Martin, et Mary vous avez bien des choses à vous dire, vous garderez la maison pour nous ce matin, en compagnie de M. et Mme Tapley. Pendant ce temps, j’irai visiter votre logement, Tom. »

Tom était enchanté. Ruth ne l’était pas moins. Elle voulut aller avec eux.

« Merci, ma bonne petite, dit ce dernier. Mais je crains d’avoir à faire faire à Tom de nombreux détours pour mes affaires, ma chère. Si vous vouliez partir devant ? »

La jolie petite Ruth, toujours contente, ne demandait pas mieux.

« Mais pas seule, dit Martin, pas seule. J’ose croire que M. Westlock voudra bien vous tenir compagnie. »

Certainement, c’était tout ce que M. Westlock pouvait désirer de mieux. Comme ces vieillards sont imprudents !

« Êtes-vous bien sûr, dit Martin en insistant, de n’avoir pas d’autre engagement ? »

Un engagement ! … Allons donc ! Est-ce qu’il pourrait avoir un engagement !

John et Ruth partirent donc bras dessus bras dessous.

Lorsque, quelques minutes après, Tom et M. Chuzzlewit sortirent à leur tour, également bras dessus bras dessous, le vieillard souriait encore ; et vraiment, pour un gentleman sérieux comme lui, ce sourire-là était bien malin.

  1. Espèce de gâteau