Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21/Avertissement de Beuchot

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AVERTISSEMENT
DE BEUCHOT.


Les éditions in-4o et encadrée des Œuvres de Voltaire, données du vivant de l’auteur, présentent rassemblées celles de ses compositions qu’on désigne sous le nom de Romans, ou Contes en prose. Je n’ai pas changé cette disposition conservée dans les éditions de Kehl, et qui doit être agréable à un très-grand nombre de lecteurs ; mais j’ai, dans ma classification, suivi, autant que cela m’a été possible, l’ordre chronologique ; et c’est dans cet ordre que je vais parler des romans de Voltaire.

Le premier en date serait le Voyage de Gangan, dont il est question dans une lettre de Voltaire à Frédéric, du mois de mai ou juin 1739, et dans la réponse du prince en date du 7 juillet. Mais cet ouvrage est perdu.


1746.

Le Monde comme il va.
Le Crocheteur borgne.
Cosi-Sancta.


Longchamp, secrétaire de Voltaire de 1746 à 1754, dit dans ses Mémoires[1] que Babouc, ou le Monde comme il va, fut composé en 1746, pendant la retraite de Voltaire à Sceaux ; et je n’ai rien trouvé qui contredise Longchamp. La plus ancienne édition que je connaisse est celle de 1748, dans le tome VIII de l’édition faite à Dresde des Œuvres de Voltaire. Ce conte fait aussi partie du Recueil de pièces en vers et en prose, par l’auteur de la tragédie de Sémiramis, 1750, in-12.

C’est une imitation de Babouc, ou du moins de son titre, qu’a faite l’auteur inconnu d’une brochure intitulée la Lune comme elle va, m dcc lxxxi, in-8o de trente-six pages ; brochure au-dessous de la critique, et relative aux discussions entre Joseph II et les Hollandais pour l’ouverture de l’Escaut.

La Révolution française a fait naître trois imitations de Babouc : I. Le Retour de Babouc à Persépolis, ou la suite du Monde comme il va, 1789, in-8o, a eu deux éditions ; c’est un opuscule de trente pages : je n’ai pu en découvrir l’auteur. — II. Le Fils de Babouc à Persépolis, ou le Monde nouveau, Paris, décembre 1790, in-8o, de cent vingt-quatre pages. — III. Nouvelle Vision de Babouc, ou la Perse comme elle va, 1796, in-8o, de cent douze pages, contenant seulement la première partie, et l’annonce de la seconde. Je ne crois pas que la seconde partie ait paru. L’auteur s’appelait Bunel.


Les éditeurs de Kehl, qui les premiers comprirent le Crocheteur borgne dans les Œuvres de Voltaire, mirent en note :


Ce conte, ainsi que le suivant, n’a jamais été imprimé. M. de Voltaire attachait peu de prix à ces amusements de société. Il sentait très-bien que le plus joli roman ne pourrait jamais être ni aussi curieux, ni aussi instructif pour les hommes éclairés que le texte même de la Cité de Dieu d’où il avait tiré Cosi-Sancta. Quant au Crocheteur borgne, c’est le même sujet que celui du conte intitulé le Blanc et le Noir. L’idée est prise des contes orientaux, où l’on voit souvent ainsi tantôt un rêve pris pour la réalité, tantôt des aventures réelles, mais arrangées d’une manière bizarre, prises pour un rêve par celui qui les éprouve. Le but de ces contes est de montrer que la vie ne diffère point d’un songe un peu suivi ; ils conviennent à des peuples dont le repos est le plus grand des biens, et qui cherchent dans la philosophie des motifs de ne point agir, et de s’abandonner aux événements. Ces deux petits romans sont de la jeunesse de M. de Voltaire, et fort antérieurs à ce qu’il a fait depuis dans ce genre.


Mais dans l’errata mis à la fin du tome LXX de leur collection, ces éditeurs disaient :


Nous avons reconnu que le roman intitulé le Crocheteur borgne, donné par un homme en place comme une production de Voltaire, est de M. Bordes, de Lyon. On l’avait aussi faussement attribué à M. de Boufflers.


J’ai déjà dit que cet errata de l’édition de Kehl était l’ouvrage de M. Decroix ; je tiens de ce même M. Decroix la note que voici :


Dans l’édition de Kehl, tome LXX, page 544, on a dit que le roman intitulé le Crocheteur borgne est de M. Bordes, de Lyon. Des recherches ultérieures nous ont persuadés qu’il n’est pas de lui. Imprimé en 1784 sous le nom de Voltaire, dans l’édition de Kehl, il ne fut point revendiqué par les héritiers de M. Bordes, ni joint à l’édition de ses œuvres complètes, qu’ils publièrent à Lyon, en quatre volumes, 1783. Il ne le fut pas davantage par M. le chevalier de Boufflers, à qui on l’avait aussi attribué, ni par d’autres gens de lettres. D’un autre côté, on n’a trouvé aucune trace de cet ouvrage dans les écrits de M. de Voltaire. La copie en avait été donnée à feu M. Panckoucke, par une personne qui ne s’est point nommée. On voit que l’auteur anonyme a tâché d’y prendre la manière d’un grand peintre, et son petit tableau est en général fort agréable ; mais on y découvre certaine affectation dans le style et quelques disparates qui ne sauraient appartenir à l’auteur de Candide et de Zadig.


Cependant le Crocheteur borgne avait été imprimé dès 1774, c’est-à-dire du vivant de l’auteur, dans le Journal des dames, de mars 1774, pages 11-24. Mme de Princen (depuis Mme de Montanclos), éditeur de ce journal, l’avait fait précéder de la note que voici :


J’insère ici un petit conte qui est l’ouvrage d’un homme très-célèbre, qui ne l’a jamais fait imprimer. Il fut fait dans la société d’une princesse qui réunissait chez elle les talents qu’elle protégeait. Toute faute, dans cette société, devait être réparée par un conte fait sur-le-champ : c’était une espèce de pensum. On sait que le pensum de la société de Boileau était la lecture de quelques vers de Chapelain. J’ai cru que la lecture de celui-ci serait agréable par la gaieté qui règne dans les idées et dans la manière dont elles sont rendues.


C’est donc à l’époque de la retraite de Voltaire chez la duchesse du Maine qu’appartient le Crocheteur borgne. L’édition de 1774 présente des variantes que j’ai cru devoir recueillir. La première est même tellement importante que j’ai été tenté de l’admettre dans le texte. Dans deux endroits que j’indique, j’ai préféré la version de 1774 à celle de l’édition de Kehl.

« Mme la duchesse du Maine avait imaginé une loterie de titres de différents genres d’ouvrages en vers et en prose ; chacune des personnes qui tiraient ces billets était obligée de faire l’ouvrage qui s’y trouvait porté. Mme de Montauban ayant tiré pour son lot Une Nouvelle, elle pria M. de Voltaire d’en faire une pour elle ; et il lui donna le conte suivant. »

Ce peu de mots composant l’Avertissement mis par les éditeurs de Kehl en tête de Cosi-Sancta est ma seule autorité pour placer ce roman à l’année 1746.


1747

Zadig.


Je possède un volume petit in-8o, intitulé Memnon, histoire orientale, Londres (Paris), 1747. Ce volume, réimprimé sous le même titre en 1748, contient quinze chapitres, qui font partie de Zadig, ou la Destinée, histoire orientale, 1748, in-12. Zadig a de plus que Memnon trois chapitres, qui sont aujourd’hui les xiie, xiiie et xviie. L’édition encadrée de 1775 est la première qui contienne le chapitre vii. Deux autres chapitres, les xive et xve, et des additions au chapitre vi, parurent pour la première fois dans les éditions de Kehl. Colini, secrétaire de Voltaire en 1753, raconte[2] que les additions faites alors à Zadig, « les calomnies et les méchancetés des courtisans, la fausse interprétation donnée par ceux-ci à des demi-vers trouvés dans un buisson, la disgrâce du héros, sont autant d’allégories dont l’explication se présente naturellement ». Cependant, dès l’édition de 1747, le chapitre iv contient les demi-vers ; les chapitres xiv et xv n’ont été, comme je l’ai dit, ajoutés qu’en 1785 ; les chapitres xii, xiii et xvii sont, comme on l’a vu, de 1748. Ce serait donc au chapitre vii que se borneraient les additions faites en 1753 ; et ce chapitre n’a été publié qu’en 1775.

À l’occasion de Zadig, Longchamp raconte que Voltaire, désirant faire imprimer ce roman pour son compte, mais craignant que les imprimeurs n’en tirassent des exemplaires au delà du nombre convenu, et que le livre ne fût répandu dans le public avant que l’auteur l’eût offert à ses amis, eut recours au moyen suivant, pour parer aux inconvénients qu’il redoutait. Il fit venir l’imprimeur Prault, et lui demanda quel serait le prix d’une édition tirée à mille exemplaires. Le prix parut trop élevé à Voltaire ; mais, dès le lendemain, Prault vint de lui-même proposer une diminution d’un tiers dans le prix, et Voltaire lui donna la première moitié du roman de Zadig, qui était écrit sur des cahiers détachés, dont le dentier se terminait avec la fin d’un chapitre, annonçant que pendant que cette partie serait sous presse, il reverrait l’autre. Voltaire fit avertir Machuel, libraire de Rouen, momentanément à Paris, et, après les conventions sur le prix, lui remit la fin de l’ouvrage, en indiquant à quelle page il devait commencer. Lorsque tout fut terminé, Voltaire fit brocher les exemplaires qu’il destinait à ses amis, en fit faire la distribution, et répondit aux plaintes des imprimeurs par l’exposé des craintes qu’il avait eues.

J’ai abrégé le récit de Longchamp, sans le rendre plus vrai. Je ne connais aucune édition de Zadig qui le confirme, aucune dont une feuille se termine avec la fin d’un chapitre.


1750.

Memnon.
Bababec et les Fakirs.


Longchamp dit que Memnon est de 1746 ; mais on a vu que c’était d’abord sous ce titre qu’avait été imprimé Zadig ; et il est à croire que Longchamp, qui n’a rédigé ses Mémoires que longtemps après, aura confondu les deux ouvrages. Par la raison même que Voltaire avait donné en 1747 un Memnon, il est à présumer que ce n’est pas immédiatement après qu’il aura publié un autre ouvrage sous le même titre. En admettant la nécessité de l’intervalle entre deux ouvrages différents du même auteur, mais ayant le même titre, cet intervalle ne peut s’étendre au delà de 1750, puisque c’est la date que porte le tome IX de l’édition de Dresde des Œuvres de Voltaire. C’est sous la même date qu’a été publié le Recueil de pièces en vers et en prose, par l’auteur de la tragédie de Sémiramis, 1750, in-12. P. Clément, auteur des Cinq Années littéraires, dit dans sa quarante-sixième lettre, datée du 13 janvier 1750, qu’il n’y a pas quinze jours que le petit conte de Memnon est échappé à son auteur.


Bababec est aussi imprimé dans le tome IX de l’édition de Dresde, mais sous le titre de : Lettre d’un Turc sur les Fakirs et sur son ami Bababec. Cette pièce est citée par Diderot au mot Bramine, dans le tome II de l’Encyclopédie, publié en 1751, imprimé en 1750.


1752.

L’immense correspondance de Voltaire ne contient pas un mot qui puisse faire connaître l’époque de la publication de Micromégas. L’édition que je crois l’originale est sans millésime et avec un titre gravé. L’abbé Trublet, dans ses Mémoires sur Fontenelle[3], n’hésite pas à dire que Micromégas est dirigé contre Fontenelle ; mais il ne parle pas de la date de la publication. J’ai donc conservé celle que donnent les éditions de Kehl. Il existe cependant de Micromégas une édition portant la date de 1750. Cette date est-elle authentique ? je n’oserais l’affirmer ; loin de là. J’ai donc suivi les éditions de Kehl, où Micromégas est précédé de l’avertissement que voici :


Ce roman peut être regardé comme une imitation d’un des voyages de Gulliver. Il contient plusieurs allusions. Le nain de Saturne est M. de Fontenelle. Malgré sa douceur, sa circonspection, sa philosophie, qui devait lui faire aimer celle de M. de Voltaire, il s’était lié avec les ennemis de ce grand homme, et avait paru partager, sinon leur haine, du moins leurs préventions. Il fut fort blessé du rôle qu’il jouait dans ce roman, et d’autant plus peut-être que la critique était juste, quoique sévère, et que les éloges qui s’y mêlaient y donnaient encore plus de poids. Le mot qui termine l’ouvrage n’adoucit point la blessure, et le bien qu’on dit du secrétaire de l’Académie de Paris ne consola point M. de Fontenelle des plaisanteries qu’on se permettait sur celui de l’académie de Saturne.


1756.

Les Deux Consolés.
Histoire des Voyages de Scarmentado.
Le Songe de Platon.


Le prospectus des frères Cramer, pour leur édition de 1756, comprend ces trois romans au nombre des morceaux neufs qu’ils allaient publier.

Cependant la table chronologique qui est dans le tome LXX de l’édition in-8o de Kehl range les Voyages de Scarmentado à l’année 1747. Longchamp[4] dit qu’ils furent composés en 1746, avec plusieurs autres romans, pendant la retraite de Voltaire à Sceaux. S’il fallait en croire Colini[5], Voltaire aurait écrit les Voyages de Scarmentado après l’aventure de Francfort, en 1753. « Encore froissé des injustices qu’il venait d’éprouver, il composa les Voyages de Scarmentado, conte ingénieux qui renferme des allusions visiblement applicables aux événements dans lesquels il avait figuré. » C’est au lecteur à prononcer si ce roman contient les allusions dont parle Colini. Pour moi, je ne les y ai point aperçues.

Une édition de la Princesse de Babylone, qui parut en 1768, est présentée comme une Suite des Voyages de Scarmentado.


Le Songe de Platon a été réimprimé dans le volume intitulé le Secret de l’Église trahi, ou le Catéchumène, ouvrage peu connu, d’un des plus grands philosophes de nos jours, an III (de la République), in-18 de cent huit pages. Les pages 100 à 108 contiennent le Songe de Platon, du même auteur. Les deux ouvrages cependant ne sont pas de la même main. Le Secret de l’Église n’est autre que le Catéchumène, 1768, réimprimé aussi sous le titre de l’Américain sensé par hasard. Le Catéchumène a été reproduit dans la onzième partie, autrement onzième volume des Nouveaux Mélanges, faisant partie des Œuvres de Voltaire, imprimées chez les frères Cramer. Il n’est pas de Voltaire, mais de Bordes, dans les œuvres duquel toutefois on ne le trouve pas.


1759.

Candide.
Histoire d’un bon Bramin.


Candide parut au plus tard en mars 1759. Le roi de Prusse en accuse réception par sa lettre du 28 du mois d’avril.

Voltaire en avait envoyé le manuscrit à la duchesse de La Vallière, qui lui fit répondre qu’il aurait pu se passer d’y mettre tant d’indécences, et qu’un écrivain tel que lui n’avait pas besoin d’avoir recours à cette ressource pour se procurer des lecteurs.

Beaucoup d’autres personnes furent scandalisées de Candide, et Voltaire désavoua cet ouvrage, qu’il appelle lui-même une coïonnerie. Il ne faut pas, au reste, prendre à la lettre son titre d’optimisme. L’optimisme, dit-il ailleurs[6], n’est qu’une fatalité désespérante.

Voltaire écrivit, sous le nom de Mead, une lettre relative à Candide, qui fut insérée dans le Journal encyclopédique, du 15 juillet 1759 : on la trouvera dans les Mélanges, à cette date.

C’est à Thorel de Campigneulles, mort en 1809, qu’on attribue une Seconde Partie de Candide, publiée en 1761, et plusieurs fois réimprimée à la suite de l’ouvrage de Voltaire, comme étant de lui. On l’a même admise dans une édition intitulée Collection complète des Œuvres de M. de Voltaire, 1764, in-12. L’édition de Candide, 1778, avec des figures dessinées et gravées par Daniel Chodowicky, contient les deux parties.

Le Remerciement de Candide à M. de Voltaire (par Marconnay) est de 1760.

Linguet publia, en 1766, la Cacomonade, histoire politique et morale, traduite de l’allemand, du docteur Pangloss, par le docteur lui-même, depuis son retour de Constantinople, 1766, in-12 ; nouvelle édition, augmentée d’une lettre du même auteur, 1766, in-12. Un arrêt de la cour royale de Paris, du 16 novembre 1822 (inséré dans le Moniteur du 26 mars 1825), ordonne la destruction de la Canonnade, ou Histoire du Mal de Naples par Linguet. Ce n’est pas la première fois que les ouvrages condamnés sont mal désignés dans les jugements. L’arrêt de la cour du parlement, du 6 août 1761, ordonne de lacérer et brûler le tome XIII du Commentaire de Salmeron, qui n’a que quatre volumes.

Candide en Danemark, ou l’Optimisme des honnêtes gens, est d’un auteur qu’on ne connaît pas.

Antoine Bernard et Rosalie, ou le Petit Candide, a paru en 1796, un volume in-18.

Le Voyage de Candide fils au pays d’Eldorado, vers la fin du dix-huitième siècle, pour servir de suite aux aventures de monsieur son père, an XI (1803), a deux volumes in-8o.

Le chapitre xxvi de Candide a été imité, en 1815, par Lemontey, dans un article intitulé le Carnaval de Venise.

J.-J. Rousseau prétendait[7] que c’est sa Lettre sur la Providence qui a donné naissance à Candide ; Candide en est la réponse. Voltaire en avait fait une de deux pages où il bat la campagne, et Candide parut dix mois après. Ce que Rousseau appelle sa Lettre sur la Providence est sa lettre à Voltaire du 18 août 1756 ; la réponse de Voltaire est du 21 septembre 1756 ; Candide ne vit le jour que vingt-sept à vingt-neuf mois plus tard.


L’Histoire d’un bon Bramin est le morceau que Voltaire appelle la Parabole du Bramin, dans sa lettre à Mme du Deffant, du 13 octobre 1759.


1764.

Le Blanc et le Noir.
Jeannot et Colin.


Ces deux contes font partie du volume qui parut en 1764, sous le titre de Contes de Guillaume Vadé.

C’est à l’année 1764 qu’appartient le Pot-Pourri, qui, dans l’édition de 1775, ou encadrée, des Œuvres de Voltaire, se trouve parmi les Romans, mais que les éditeurs de Kehl ont mis dans les Mélanges littéraires, où il me semble plus convenablement placé.


1767.

L’Ingénu, histoire véritable, tirée des manuscrits du P. Quesnel, 1767, deux parties, petit in-8o, fut, dans quelques éditions, intitulé le Huron, ou l’Ingénu.

L’ouvrage se vendait publiquement en septembre 1767, mais au bout de huit ou dix jours il fut saisi ; et le prix, qui était de trois livres, monta à vingt-quatre[8].

Trois ans après, on vit paraître l’Ingénue, ou l’Encensoir des dames, par la nièce à mon oncle, Genève et Paris, chez Desventes, 1770, in-12.


1768.

L’Homme aux quarante écus.
La Princesse de Babylone.


Dans l’Homme aux quarante écus, Voltaire attaque la Richesse de l’État (par Roussel de La Tour), 1763, in-8o et in-4o, et l’Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques (par Lemercier de La Rivière), 1767, in-4o, ou deux volumes in-12.

L’Homme aux quarante écus parut en février 1768. Parmi les nombreuses réimpressions qui en furent faites, il en est une qui porte cette adresse singulière : Rome, avec la permission de la docte chambre syndicale et de messeigneurs les gras fermiers généraux.

Jean-Baptiste Josserand, garçon épicier, Jean Lecuyer, brocanteur, et Marie Suisse, sa femme, furent, le 24 septembre, condamnés, les deux premiers, à la marque et aux galères, la dernière, à cinq ans de détention à la Salpêtrière, pour avoir vendu le Christianisme dévoilé, Éricée ou la Vestale, et l’Homme aux quarante écus ; ces trois ouvrages furent condamnés au feu. Pendant qu’on les brûlait à Paris, on en réimprimait à Paris, avec approbation et privilège, des fragments dans le Mercure, juillet et août 1768. La condamnation, à Rome, de l’Homme aux quarante écus est du 29 novembre 1771.

Chinki, histoire cochinchinoise qui peut servir à d’autres pays, parut la même année que l’Homme aux quarante écus, et a été attribué à Voltaire, parce que sur le titre d’une édition on avait ajouté : Seconde Partie de l’Homme aux quarante écus. On sait que Chinki est de l’abbé Coyer ; c’est une satire piquante contre les maîtrises : aussi l’a-t-on réimprimé à Lyon en 1824 (in-8o, de quarante-quatre pages) ; quelques personnes espéraient alors, tandis que d’autres craignaient le prochain rétablissement des corporations.


Naru, fils de Chinki, histoire cochinchinoise qui peut servir à d’autres pays, et de suite à celle de Chinki, son père, 1776, in-8o, est aussi anonyme ; l’auteur est Duvicquet d’Ordre.

L’Homme au latin, ou la Destinée des savants, histoire sans vraisemblance, 1769, in-8o, est de Siret.

L’Homme aux trente-six fortunes, 1769, est in-8o.

L’Homme aux portions, ou Conversations philosophiques et politiques, publiées par J.-J. Fazy, Paris, 1821, in-12, est une imitation de l’Homme aux quarante écus.

M. de Saint-Chamans a publié le Petit-fils de l’Homme aux quarante écus, Paris, 1823, in-8o.


La Princesse de Babylone suivit de près l’Homme aux quarante écus, car il en est question dans la lettre de Mme du Deffant, du 3 mars 1768. Il en parut plusieurs éditions la même année. L’une, en cent quatre pages, porte cette adresse : à Rome, avec la permission du saint-père. C’est dans celle en cent quarante-quatre pages, et qui contient la Lettre de l’archevêque de Contorbéry, que j’ai pris la variante de la fin du chapitre xv. Une édition en cent cinquante-six pages est intitulée Voyages et Aventures d’une princesse babylonienne, pour servir de suite à ceux de Scarmentado, par un vieux philosophe qui ne radote pas toujours. Elle a cela de particulier qu’elle est divisée en vingt-deux chapitres, avec sommaires. Après avoir été annoncée avec éloge dans le Mercure de novembre 1768, page 93, elle est signalée comme infidèle dans le volume de décembre, page 55[9].


1769.

Les Lettres d’Amabed, traduites par l’abbé Tamponet, parurent en mai 1769 (voyez la lettre à Mme de Choiseul, du 20 mai). Outre l’édition qu’il en donna séparément, Voltaire les fit entrer dans le tome Ier du recueil qu’il a intitulé les Choses utiles et agréables. Ces deux éditions, que je crois faites sur la même composition, contiennent des notes que j’ai rétablies.

L’abbé Tamponet, docteur de Sorbonne, avait été censeur de l’Encyclopédie. C’était déjà sous ce nom que Voltaire avait publié les Questions de Zapata (voyez les Mélanges, année 1767).


1773.

C’est d’après la dernière phrase de l’Aventure de la Mémoire que je place ce conte à l’année 1773. Cette phrase prouve, ce me semble, que le conte est du même temps que le Discours de l’avocat Belleguier ; voyez les Mélanges, année 1773.


1774.

Le Taureau blanc, traduit du syriaque.
Éloge historique de la Raison.


Le Taureau blanc, écrit en 1773 (voyez la lettre à La Harpe, du 20 septembre), circulait encore manuscrit en février 1774. J’en ai vu six éditions de la même année : trois sont sans nom d’auteur ou traducteur ; une porte celui de M. Mamaki, interprète du roi d’Angleterre pour les langues orientales ; deux sont de dom Calmet. C’est dans les dernières que j’ai trouvé quelques phrases du chapitre ier, que j’ai rétablies.


L’Éloge historique de la Raison, prononcé dans une académie de province, par M. Chambon, fut composé en 1774, et publié en 1775 à la suite de Dom Pèdre. Voltaire y date l’Éloge de 1774, et le fait précéder d’un Avis de l’éditeur, ainsi conçu : « Nous ajoutons ce petit ouvrage de M. de Chambon, si connu dans la république des lettres, à la tragédie de Dom Pèdre, pour en faire un juste volume. » C’était déjà sous le nom de Chambon que Voltaire avait donné son Éloge de Louis XV ; voyez les lettres à Richelieu, du 31 mai ; à d’Alembert, du 15 juin 1774.

Dans sa lettre au roi de Prusse, du 4 février 1775, Voltaire intitule cet écrit Voyage de la Raison et de la Vérité ; et le titre de Voyage est celui sous lequel il est imprimé dans l’édition de Kehl. Le texte même de l’ouvrage me faisait un devoir de rétablir le premier titre. Ce texte porte : Érasme fit au xvie siècle l’Éloge de la Folie ; vous m’ordonnez de vous faire l’Éloge de la Raison, etc.


1775.

Histoire de Jenni, ou le Sage et l’Athée, par M. Sherloc, traduit par M. de La Caille.
Les Oreilles du comte de Chesterfield, et le chapelain Goudman.


Les éditeurs de Kehl datent l’Histoire de Jenni de 1769. Je la crois de 1775. C’est sous la date du 13 décembre de cette année que les Mémoires secrets en parlent ; et s’il ne faut pas toujours ajouter foi à ce piquant recueil, on peut s’en rapporter à lui pour les dates, lorsque rien ne les contredit.


Chersterfield est mort le 24 mars 1773, à soixante et dix-neuf ans. C’est donc postérieurement à cette date qu’il faut classer les Oreilles du comte de Chesterfield, puisqu’au chapitre ier il est question de la mort de Chesterfield.

À la fin du chapitre v, Voltaire parle du chevalier Hamilton, qui a fait connaître aux Napolitains étonnés l’Histoire naturelle de leur mont Vésuve. Dès 1766, on trouve dans les Transactions philosophiques et dans l’Annuel Register des observations d’Hamilton. Ce ne fut qu’en 1772 qu’il fit imprimer ses Observations sur le Vésuve, etc., 1772, in-8o. Voltaire lui écrivit le 17 juin 1773.

D’après ces indications, on peut croire que les Oreilles du comte de Chesterfield sont de 1773 ; mais ces raisons, suffisantes pour ne pas placer ce conte avant 1773, ne le sont pas pour changer la date de 1775, donnée par les éditeurs de Kehl.


Sans date[10].

Aventure indienne.
Aveugles juges des couleurs.


B.
4 octobre 1829.

  1. Mémoires sur Voltaire, etc., 1826, 2 vol. in-8o ; voyez tome II, page 240.
  2. Mon Séjour auprès de Voltaire, page 61.
  3. Page 137.
  4. Mémoires, etc., page 140.
  5. Mon Séjour, etc., page 61.
  6. Homélie sur l’athéisme. Voyez les Mélanges, année 1767 ; et aussi (tome IX) une des notes du troisième Discours sur l’Homme.
  7. Lettre de J.-J. Rousseau au prince de Vurtemberg, du 11 mars 1764.
  8. Mémoires secrets, du 13 septembre 1767. — La saisie du livre n’empêcha pourtant pas Marmontel de brocher aussitôt sur le même sujet une comédie mêlée d’ariettes, avec musique de Grétry, mais sans la moindre allusion satirique. Ce littérateur voulait simplement payer son tribut de reconnaissance au patriarche, qui avait consacré une page de l’Ingénu à la défense de Bélisaire. On laissa jouer la pièce.

    Nous avons eu depuis au théâtre : l’Ingénu, ou le Sauvage du Canada, pantomime par Hus, 1805 ; et le Huron, ou les Trois Merlettes, folie philosophique en vers et en prose, par Xavier, Duvert et Lausanne, 1834. (G. A.)

  9. Elle n’est pas infidèle ; il y manque seulement la digression finale contre Cogé, Larcher, Fréron, etc. Voyez page 431. (L. M.)
  10. Voyez, à la fin de l’Avertissement pour la présente édition, la date de ces deux morceaux.