Wikisource:Extraits/2017/9

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Callimaque de Cyrène, En l'honneur de Jupiter IIIe siècle av. J.-C.

Traduction Laporte-Dutheil 1775



I. EN L’HONNEUR DE JUPITER.


Tandis qu’on offre des libations à Jupiter, quel plus digne objet de nos chants que ce dieu même, toujours grand, toujours roi, qui dompta les Titans et qui donne des lois à l’Olympe ?

Mais sous quel nom l’invoquerai-je ? Est-il le dieu de Dicté ? est-il le dieu du Lycée ? J’hésite, puisque enfin le lieu de sa naissance est contesté. Ô Jupiter ! l’un veut que la Crète, l’autre que l’Arcadie ait été ton berceau : grand dieu, qui des deux en impose ?… Mais toujours le Crétois fut menteur ; le Crétois osa bien, dieu puissant, t’élever un tombeau, à toi qui n’as pu mourir, à toi qui es éternel. Oui, ce fut sur le mont Parrhasius, dans le plus épais de ses bois, que Rhée te donna la naissance ; bois devenu sacré dès cet instant ; bois dont jamais femme, dont jamais animal sujet aux travaux de Lucine n’ose approcher, et que les Apidans appellent la couche antique de Rhée.

Oui, ce fut là que ta mère, soulagée de son divin fardeau, chercha le canal d’une onde pure pour se purifier et laver ton corps. Mais le majestueux Ladon, mais le limpide Érymanthe ne coulaient point encore, et l’Arcadie était encore aride. Un jour elle devait être célèbre par ses fleuves ; mais, au moment où Rhée détacha sa ceinture, des chênes sans nombre s’élevaient sur le terrain où coule aujourd’hui l’Iaon ; des chars pesants roulaient sur le lit du Mélas ; le Carnion, en dépit de ses eaux, entendait les animaux féroces creuser leur tanière sur sa tête, et le voyageur altéré, marchant sans le savoir au-dessus du Crathis ou du sablonneux Métope, brûlait de soif, tandis que des sources abondantes étaient sous ses pieds.

Dans son cruel embarras, la déesse s’écria : « Terre, enfante à ton tour ; tendre mère, tes enfantements sont faciles. » Elle dit, et, levant son bras puissant, frappa le mont de son sceptre. Le roc s’ouvre et vomit l’onde à grands flots. Aussitôt ta mère, roi des dieux, lava ton corps, t’enveloppa de langes et chargea Néda de te porter dans les antres de Crète pour