Wikisource:Extraits/2024/6

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André Léo, La Commune de Malenpis. dans La Commune de Malenpis, éd. 1874, p. 7.

LA
COMMUNE DE MALENPIS


Il y avait, dans un pays près d’ici, mais fort petit et qui ne se voit pas sur la carte, une commune indépendante de tous les peuples voisins, qui se gouvernait à sa guise, en raison de vieilles chartes qu’elle avait.

Ces chartes portaient que jamais aucun roi, empereur, ni prince, ne pourrait mettre le pied sur le territoire de la commune, sans qu’aussitôt tous les balais de l’endroit, aux mains de toutes les ménagères en état de porter les armes, fussent mis à ses trousses ; et, pour plus de sûreté, tous les hommes valides, avec faux et fourches, devaient escorter les femmes et les balais.

Moyennant cette convention, bien et dûment signée et paraphée desdits princes voisins, la commune envoyait à chaque prince, au jour de sa fête, un bouquet de roses ou de houx, suivant la saison, accompagné d’une oie grasse.

C’était, de coutume, un jeune garçon et une jeune fille qui portaient ces présents ; la fille le bouquet, le garçon l’oie, et l’on choisissait ordinairement pour cela deux amoureux, qui se mariaient l’année suivante.

Cette coutume remontait à plus de cent années, et voici, dit-on, d’où elle venait : Le fils du roi Goinfrard, vaincu à la guerre par son rival l’empereur Casse-Cou, était venu se réfugier dans la commune, chez un fermier, homme de bien, qui le cacha de son mieux, et ainsi lui sauva la vie. Cependant le prince profita de l’hospitalité qui lui était donnée pour séduire la fille de son hôte.