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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/31

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visant au succès, de plus intentionnel, de moins sincère, de moins profond. Le croyant est choqué d’entendre parler de virtuosité religieuse : le mot blesse comme une profanation de ce qui exige le plus de sincérité et de sérieux. Schleiermacher ne tardera pas à le sentir lui-même. Sur les quatorze emplois du mot appliqué aux religieux ou à la religion qui se trouvent dans les Discours de 1799, il ne l’a conservé qu’une fois, p. 299, dans l’édition de 1806 ; il l’a remplacé le plus souvent par « maître », une fois par « expérimenté », ailleurs par « parfait en religion », et d’autres expressions également mieux appropriées. Il est intéressant de constater et l’emploi du mot en 1799, quand le pasteur est parent des romantiques au point de jouer un peu, lui aussi, au virtuose, comme ils le font trop souvent en tout, et son remplacement en 1806, quand il s’achemine vers un christianisme plus positif. Il ne faudrait d’ailleurs pas abuser contre lui d’une telle disposition de son esprit en 1799. Dans ce même passage, ne déclare-t-il pas qu’il est appelé à défendre la religion par une « nécessité intérieure, irrésistible de sa nature », c’est, dit-il, une « vocation divine, celle qui détermine ma place dans l’univers, et fait de moi l’être que je suis » (p. 5). Quelle que soit la part de la rhétorique dans l’éloquence de ces Discours, nous avons bien des preuves du sérieux et de la profondeur du sentiment qui les dicte.

Vient alors, pages 5 à 8, un développement sur la lutte entre deux forces antagonistes, attraction et assimilation d’une part, généreuse expansion de l’autre, conflit qui, d’après lui, commande toute la vie physique et aussi la vie intellectuelle et morale du monde. Cette loi de polarité est une des idées centrales de certains savants et penseurs de l’époque, de Schelling en particulier ; elle joue un grand rôle chez Goethe aussi, sous les espèces de la systole et de la diastole. Schleiermacher la fait sienne ici. Elle le conduit à poser la nécessité d’une conciliation entre tous les antagonismes, entre tous les extrêmes opposés les uns aux autres, en particulier entre le sensualisme insatiable et l’idéalisme extravagant, et c’est ainsi qu’il introduit la notion du médiateur.

Il s’étend ici déjà longuement, pages 9-14, sur cette notion, qui a une très grande importance dans son idéologie comme dans celle de Fr. Schlegel et de Novalis. Elle tourne chez