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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/55

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chose soit à d’autres égards, en tant que représentation de l’Infini elle est digne d’exister », et page 234 : « Tout ce qui est humain est saint, car tout est divin ». Ces incidentes rendent sensible le danger de minimisation de la différence entre le bien et le mal, Dieu étant présent en tout, dans le mal comme dans le bien, danger auquel expose toujours le panthéisme, même spiritualisé comme il l’est dans ces Discours. Mais ici ce danger est refoulé par l’idée, constamment sous-jacente, que la religion en question n’est compatible qu’avec une morale valable pour tous.

Ce qui importe plus que la nature exacte, la durée ou la fréquence de ces états de fusion intuitive avec l’Infini, c’est l’effet qu’elle doit avoir d’après Schleiermacher. De cette fusion d’un instant de l’être percevant, qui est un individu, avec l’objet perçu, senti comme manifestation finie du principe infini, divin de l’Univers, le théologien déclare qu’elle est le moment de la naissance de tout ce qui est vivant dans la religion. D’après lui, toute croyance non vivifiée par de telles intuitions n’est que foi d’emprunt, sans vraie valeur religieuse. On peut discuter celle de l’extase qu’il décrit, de l’intuition qu’il a définie. Il n’est guère contestable cependant que l’orthodoxie la plus positive, si elle n’est pas avivée par des émotions qui transportent au-dessus de lui-même l’être tout entier, peut n’être qu’acceptation passive de dogmes inermes. C’est l’extravasion et la fixation dans l’être tout entier de l’effet produit par de telles intuitions qui doit, selon le théologien romantique, rendre vraiment religieuses, en les animant d’une vie personnelle, la foi et les règles de conduite communiquées et dictées par la tradition.

Nous retrouvons ainsi partout le même souci de séparer, avant de les réunir de nouveau, la religion pure de la métaphysique comme de la morale.

En elle-même, cette intuition telle qu’il l’a décrite, cette exaltation de l’être tout entier en communion et union avec l’Infini, dépourvue de tout caractère intellectuel et moral, peut paraître de nature affective et esthétique, beaucoup plus que positivement religieuse, et surtout chrétienne.

Cependant, Schleiermacher s’est plu en 1799, dans trois pages, les 108 à 111, réduites, on ne comprend pas pourquoi, à trois lignes dans l’édition de 1806, à montrer comment cette intuition de l’Univers fait naître très naturellement,