Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous l’influence de l’Esprit du monde qui apparaît ainsi, des sentiments très semblables, dans les définitions qu’il en donne, à ceux du chrétien pour son Père céleste, pour les hommes ses frères, et pour lui-même : respect et humilité à l’égard de Dieu, amour et pitié à l’égard des hommes, repentir à l’égard des insuffisances de sa propre vie, désir de se concilier Dieu, ardente aspiration à renverser la direction de son existence, umzukehren (terme distinct, mais très voisin du sich bekehren, expression traditionnelle pour la conversion chrétienne). Tous ces sentiments, ajoute-t-il, sont religieux et non moraux, car ils impliquent amour et inclination pour ce qui est hors de nous, alors que la morale exige une activité déterminée uniquement du dedans, sans égard, pour son objet extérieur, page 111 ; il s’inspire là, ainsi qu’on le voit, comme toujours, du formalisme rigoureux de la morale kantienne et rejette, sa doctrine le veut ainsi, ce que ces sentiments donnent de force à la vie morale, en la reliant au respect pour les volontés d’un Dieu saint, tout justice et tout bonté.

Schleiermacher termine ce second discours par deux pages sur l’immortalité.

Il devrait, semble-t-il, se montrer favorable à l’idée de l’immortalité personnelle. Elle assure la durée sans fin de la vie individuelle. Or le romantisme est foncièrement individualiste. On lui reproche très communément de l’être avec excès, et cette critique est justifiée, sous réserve d’une restriction importante que le quatrième discours donnera l’occasion de rappeler. Ce qu’il convient de noter ici, c’est que l’individualisme a, chez ces romantiques, une base métaphysique, religieuse. Une de leurs idées fondamentales est en effet que l’Infini ne peut se réaliser que dans une infinité de formes finies, l’absolu que dans une infinité de connexions relatives, le divin que dans une infinité de réalisations terrestres. Ils n’emploient pas le mot « s’actualiser » qui n’est pas encore courant. Schleiermacher dit le plus souvent « se représenter », sich darstellen, et surtout « se manifester », sich offenbaren qui est d’ailleurs le terme ordinaire de la mystique traditionnelle.

Il évoque très peu la différence entre le virtuel et l’actuel (pages 260, 310-311). Il ne pose pas la question qui, si l’on n’admet pas une dualité originelle, est le problème des