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À Celle qui viendra (Fernand Séverin)

La bibliothèque libre.
Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 233-234).


À Celle qui viendra


Ô Toi qui me viendras des lointains de l’espoir
Dans les jardins de lys où t’attendent mes lèvres,
Ne me dis que des mots pleins de rêve et de soir,
Et qui calment en moi le feu des vieilles fièvres !

Que ton amour me soit un sépulcre voulu,
Où l’on dorme enlacés dans des roses fanées,
Les lèvres de l’aimée au front las de l’élu,
Et que s’écoule ainsi la fleur de nos années !

Rien ne vivra vraiment que ce que nous tairons,
Et pour éterniser cet instant que nous sommes,
Puissent nos chers bouquets se mourir en boutons
Et céler leur parfum au vain baiser des hommes !

La douleur des amants et l’ennui des époux,
Ces pauvres assouvis dont l’âme est exilée,
Viendront à notre seuil et s’en iront de nous
Sans soupçonner jamais la paix qu’ils ont frôlée.


Aussi les verrons-nous s’en aller sous leurs croix
Avec nos yeux en pleurs d’une pitié sans bornes,
Et ces yeux amoureux s’entendront quelquefois
Pour donner un sourire aux yeux flétris et mornes.

Et nul, jamais, parmi ces hommes de la fin,
Ne saura que l’amour leur fit ce don sublime,
Et, sitôt de retour dans leur soif et leur faim,
Ils maudiront le jour tombé dans leur abîme.