À Damme en Flandre/I
I
Au coin du quai Saint-Christophe et du Marché-aux-Grains s’élevait la maison de MAÎTRE CORNEILLE, doyen des courtiers.
C’était une grande maison presque entièrement en bois, d’un beau bois sombre qu’avaient patiné les saisons. L’hôtel du bailli et l’hôtel consulaire des Biscayens qu’on voyait non loin d’elle, étaient plus hauts et plus larges, mais, construits de pierres et de briques, n’avaient ni son aspect vivant, ni son accueil aimable. À hauteur du premier étage elle s’élargissait, surplombant la rue, et ses petits carreaux ronds regardaient d’un côté la place et la façade de l’hôtel de ville, et, de l’autre, le canal bordé de larges quais. Son triple pignon, ses ancres ouvragées, ses fenêtres nombreuses et le banc de pierre près duquel s’ouvrait sa porte abritée d’un bel auvent donnaient l’impression d’une aisance assurée, avant même que l’on n’entrât dans la grande salle du rez-de-chaussée où, d’habitude, travaillait MAÎTRE CORNEILLE.
Le luxe ici disait l’opulence du maître. Les cloisons de bois étaient couvertes, dans leur partie supérieure, de cuir de Malines, gaufré d’or sombre et chaud. Au plafond, les têtes des solives étaient sculptées. Près de la porte d’entrée une très large fenêtre, aux carreaux petits, ronds et sertis de plomb, s’enfonçait dans une sorte d’avant-corps, assez profond pour que deux bancs de bois en garnissent les parois latérales, et comme cette fenêtre occupait le coin coupé de la demeure entre la place et le quai, quand on l’ouvrait la vue s’étendait sur l’écluse et le canal toujours pleins de vaisseaux. À gauche de la fenêtre, un escalier de deux volées montait à l’étage, mais seule la première était visible de la salle car une porte fermait le palier. Un large et haut coffre de chêne, bardé de pentures, clos d’une épaisse serrure, occupait l’angle formé par l’escalier et la cloison de gauche. Il y avait ensuite une porte, puis des casiers nombreux bourrés de papiers, de gros livres, de parchemins roulés dont pendaient les sceaux ; contre le mur une carte aux couleurs violentes étalait des mers et des continents, et devant les casiers, la table aux pieds massifs, couverte d’un tapis d’Orient, encombrée de papiers, de registres et de rouleaux, portait un encrier, de la cire, des cachets et, debout dans un mortier de bronze, un paquet de plumes d’oie. Au mur de droite s’adossait une crédence joliment travaillée. Une porte ouvrait sur la chambre voisine ; les sièges étaient de cuir et de chêne ; le sol était un beau dallage noir et blanc.
C’est là qu’un matin d’été, vers dix heures, Mère-Flandre s’occupe avec Pierre et un Apprenti, à placer une grande table dans la partie droite de la salle.
Mère-Flandre est vêtue d’une robe brune, sans ornements, dont les plis lourds tombent sur ses souliers de cuir. La ceinture qui noue son tablier, soutient une aumônière de drap et son trousseau de clés. Une courte pèlerine noire lui couvre les épaules ; une coiffe de fine toile blanche ne laisse voir qu’un peu de ses cheveux déjà gris. Ses traits sont durs, ses lèvres sèches ; elle est brusque et grondeuse, et ce n’est que lorsqu’ils se posent sur certaines gens, que l’on voit que ses yeux sont bons.
Pierre a vingt ans ; son visage est long, son teint pâle ; il est de ceux dont on dit qu’ils ont les yeux noirs, mais il a les yeux bleus. Ses cheveux châtains coupés droit sur le front lui tombent le long des joues. Il a la tête nue comme l’apprenti et tous deux portent un surcot de drap, l’un vert, l’autre rouge foncé, sur des chausses brunes. La toilette de Pierre est pourtant plus soignée. Ouvert au cou son surcot laisse voir un col intérieur de linge fin ; ses souliers et sa ceinture de cuir ont été fraîchement nettoyés.
À chaque bout de la table, les deux jeunes garçons attendent les ordres de la vieille servante.
Au dehors, derrière les carreaux foncés de la fenêtre et de la porte fermées, on devine l’éclat du soleil. Par terre sont déposés deux plateaux où se trouvent des verres et des coupes de diverses grandeurs ainsi que des cruches de grès et d’étain. Sur le coffre, près de l’escalier, dans une aiguière de cuivre, des fleurs s’épanouissent. La porte, à droite, est grande ouverte.
Ici ?
(Ils reculent) C’est assez !
Non ; reculez encore…Tout au fond, sur la planche au linge damassé,
La grande nappe… Bien…
C’est tout ?
Qu’il était convenu qu’on viendrait à midi,
Midi juste !
Entendu ! Puis c’est tout ?
Vous autorise tous ensuite à disparaître
Jusqu’à demain.
Parfait !
À la cave…
Hydromel — il en veut donner pour tous les goûts ! —
Tu sortiras les verres de cristal…
C’est tout ?
Attendez donc !… Ou plutôt, non ; allez m’attendre
Là-bas ; J’arrive…
à vos ordres la Mère-Flandre !
Bien, bien ! Filez !
Tu les malmènes trop !
Des paresseux !
Un travailleur !
À regarder passer les bateaux dans l’écluse !
Mais il a de l’aplomb, tourne bien ses discours,
Et flagorne le Maître en lui faisant la cour !
Maître Corneille a dit, la semaine dernière
Encore, qu’il était très satisfait de Pierre…
J’y vois plus clair que lui, voilà tout ; je m’en vante !
Cependant…
Il n’introduirait point parmi les compagnons
Des étrangers !
T’a-t-il fait quelque chose ?
Mais puisqu’il est d’Anvers, qu’il reste aux Anversois !
Que vient-il faire ici, chez nous ? Chacun chez soi !
Mère bougon !
Par ces gaillards ! Il en vient de tous les pays !
On leur ouvre le port, la ville, la maison,
Et l’on ne songe pas qu’avec les cargaisons
Qu’ils débarquent sans fin de leurs naves profondes
Sortent en même temps tous les péchés du monde !
Ah ! vraiment, c’est ici qu’on peut dire du mal
De tous ces grands vaisseaux qui montent le canal
Vers nous, lourds de trésors et joyeux d’oriflammes,
Pour faire la richesse et la gaîté de Damme !
Que serions-nous sans eux ?
Aujourd’hui ! Je le sais ! Quand j’ai franchi la porte
Ici, — voilà trente ans ! — si Damme était fameuse
Depuis le Neuf-Fossé jusqu’au bord de la Meuse,
C’était moins pour son port que pour sa probité !
Sans doute on n’avait pas tant d’or ! Mais la cité
Comptait, le long des quais plantés de vieux mûriers,
Plus de bourgeois de Flandre et moins d’aventuriers !…
Donne la nappe… Ah ! tu n’as pas connu ce temps !
On était simple ici, mais on était content
Tout de même ! On se passait de ces régalades !
Le dimanche on allait faire sa promenade
Vers Bruges, ou le long du canal vers l’Écluse ;
On s’arrêtait pour voir tirer à l’arquebuse
Prés des fossés ; on revenait en suivant l’eau…
Il faisait beau, petite !…
Mère-Flandre !
Mais non !
Comment ?
C’est autre chose ; on est entouré d’étrangers
Sitôt qu’on fait trois pas sur le quai Saint-Christophe
Et du luxe !
Quand on se contentait jadis de linge blanc !
Oui, c’était tout au plus si deux ou trois fois l’an,
Aux jours des grands patrons qu’on fête de coutume,
On sortait du vieux coffre, un peu, son beau costume !
Trois fois l’an !
Rien n’est trop cher ! On fait ripaille ; on fait bombance ;
On couvre de bijoux sa femme — ou son amie ;
Et l’argent, dont on eût fait des économies
Jadis, va des tripots aux maisons de débauche !
Mère-Flandre ?
Quoi donc ?
Est sorti le premier de ton lit ce matin !
Comment ?
Mauvaise humeur Jusqu’au soir ! C’est certain !
Ris bien, ris bien petite innocente ! Je vois
Périr tout ce qui fut juste et sage autrefois ;
Et plus grandit la Flandre et plus je me demande
Ce que devient la vieille honnêteté flamande !
Mais ce n’est pas à ton âge qu’on peut comprendre !…
Ah ! Tu mérites bien ton surnom, Mère-Flandre !
Qui t’a nommée ainsi ?
De ton oncle… Eh bien, quoi ? Tu rêves ?… As-tu mis
Les biscuits sur le plat d’argent ?
Non, pas encore.
Il faut le faire ! Il faut aussi que tu décores
Le grand-doré ; les fruits confits et le gingembre
Sont sur la table… (Elle montre la chambre voisine)
De ce côté ?
Ainsi ! (Comptant sur ses doigts) Sept assesseurs — encor
Les amis… Les garçons n’ont qu’à rester à l’air
S’ils n’ont pas place, avec messieurs les apprentis !
Ils n’en aiguiseront que mieux leur appétit !
Tu vas les voir tantôt se ruer sur la table ;
Je connais ça ! Quelle dépense lamentable !
Mais voilà ! On est riche ; on veut être un grand homme !
C’est la troisième fois que les courtiers le nomment
Doyen ! Ne doit-il pas, quand ils le félicitent,
Leur faire un bel accueil et fêter leur visite ?
Les courtiers ?… Des jaloux !… Des intrigants !…
et regardant à droite,
Le Maître ! Avec quelqu’un… Ils viennent par ici…
C’est bon, c’est bon… Veux-tu m’aider ? Tu vas répandre
La cervoise !…
Entre donc.
Bonjour la Mère-Flandre !
Tiens, tiens ! C’est vous ! Bonjour Monsieur Jooris !
Solide ?
Et vous ? Toujours solide aussi !
Gertrude. Tu me reconnais ?
Monsieur Jooris…
Ce n’est plus la petite fille de jadis !
Que la voilà grandie et belle ! Et, vous savez,
Je m’y connais ! Depuis un an que j’ai levé
L’ancre et vu disparaître les clochers de Damme,
Dans pas mal de pays j’ai vu pas mal de femmes !
Eh bien, croyez-en ma sagesse ou ma folie,
C’est encore chez nous qu’on fait les plus jolies
Et qu’on voit dans leurs yeux l’amour le plus plaisant !
Et je ne connais rien qui soit plus reposant,
Plus bleu, plus doux, plus frais, enfin mieux réussi,
Que deux beaux yeux flamands pareils à ces deux-ci !
Vieux galant ! Mais c’est vrai, elle est belle, elle est sage
Et bonne, (À Mère-Flandre) Vous avez terminé votre ouvrage ?
Pas encor…
Laissez-nous.
Assieds-toi. Que dis-tu ?
Après soixante jours de mer et de gros temps,
Quand on a sa caraque à l’abri de la rade,
De revoir la maison de son vieux camarade !
Le voyage fut donc si rude ?
Du vent, et puis encor du vent ; mais il fut long !
C’est bon pour la santé du moins !
Jamais, depuis les quarante ans que je navigue,
Je n’ai fait un trajet pareil !
Et point d’accrocs ?
Non, Quarante ans de mer, déjà !
C’est beau !
Ou, du moins, c’est assez !
Tais-toi donc !
Nous ne sommes pas faits, nous autres, gros Flamands,
Pour traverser la vie en chevauchant les vagues ;
Il nous faut le bon sol des Flandres !
C’est après quarante ans que tu t’en aperçois ?
On comprend ça, vois-tu, quand on rentre chez soi…
Être chez soi ! Bien à l’abri, bien à son aise !…
Quand on a voyagé comme toi, sur sa chaise,
N’ayant pour horizon que les murs qui l’entourent.
On n’imagine pas ce que c’est : le retour !
Bah !
Émouvante ! On revient de Gênes, de Venise,
N’importe ; on a longé pendant longtemps des côtes
Monotones de roches sauvages et hautes ;
Espagne, Portugal ou falaises de France,
On les regarde avec la même indifférence,
Tu comprends ; c’est fort laid d’ailleurs !… Mais, un matin,
Le sol s’abaisse ; on ne voit plus, dans le lointain,
Qu’une eau pâle entourant des dunes en îlots,
Et le ciel tout entier qui repose sur l’eau.
Et voici, doucement, dans la brume nacrée
De l’horizon, voici les grosses tours carrées
Des villes et des bourgs cachés au pied des dunes,
Nos bonnes vieilles tours, qui nous font, une à une,
Leur premier salut clair au-dessus des campagnes,
Et qui, montrant la route aux nefs, les accompagnent,
Par leurs cloches le jour, et la nuit par leurs flammes,
Du château de Dunkerke à l’écluse de Damme…
Alors, mon vieux, le cœur se gonfle, épanoui ;
Plus de craintes, plus de tourments ; c’est le pays !
Soit ! Partir cependant…
Fermer demain matin ta porte et tes volets,
Et laisser là ton toit, ton lit, ta nappe blanche,
Pour t’en aller tremper dans l’eau sur quatre planches,
Ne trouverais-tu pas l’aventure importune !
Je me dirais que je m’en vais faire fortune !
On ne s’enrichit point par ces voyages-là !
La fortune ? Mais sacrebleu, c’est toi qui l’as !
Et sans bouger !
Mon ami ; car le soir, quand je dresse mes comptes
Sur ces livres épais que ma chandelle éclaire,
Mon esprit va plus loin que toutes tes galères !
Comment ?
A suivi leur voyage ou les a devancées !
Je sais leur chargement du pont jusqu’à la cale ;
Je sais dans quels pays, après quelles escales,
À l’abri de quel port, voiles enfin carguées,
Elles reposeront leurs courses fatiguées !
Je vois, le long des quais où tu les descendras,
Nos tapis, nos velours, nos cuirs dorés, nos draps,
Tous ces biens, dont le monde nous est tributaire,
Qui s’en iront, plus loin encore, au cœur des terres !
Et c’est ma volonté maîtresse qui commande
Cette dispersion de richesses flamandes !
Tudieu !
Et leurs voiles, et cinglent à présent vers Damme !
Au plus lointain pays où s’en fut un navire,
Elles ont recueilli tout ce qui va servir
Cette étonnante ardeur dont la Flandre s’exalte !
Celle-ci vient de Chypre, une autre vient de Malte,
Une autre a touché terre au pays du Soudan !
Moi, je n’ai pas bougé sans doute ! Et cependant
Avec l’anxiété de mon humeur changeante
Selon que le vent gronde ou que la brise chante,
Là, tout seul, dans mon coin, calculant mes courtages,
Dis-moi donc, si je n’ai pas fait de beaux voyages ?
Chacun navigue alors à sa façon, mon cher !
Mais pour toi les profits, pour nous le mal de mer,
La tienne est préférable !
Puisque je l’ai choisie ! Elle a ceci de bon
Qu’en effet les profits sont sérieux !
Les affaires vont donc si bien ?
Tant qu’on en veut !
C’est la fortune alors ?
Et l’orgueil de savoir que soi-même on l’a faite !
Je t’admire !
J’ai commencé comme eux cependant, sans audace,
Sans argent ; commettant méprise sur méprise ;
Routine, petits gains, petites entreprises,
Et, crainte des périls ou faute de pratique,
N’osant pas dépasser le seuil de ma boutique !
Mais un jour, étouffant dans ces vieux murs sans air,
J’ai compris qu’il fallait se tourner vers la mer,
Et qu’elle ouvrait, plus sûre et plus vaste qu’aucune,
La grand’route par où s’en viendrait la fortune !
Ah, certes, les débuts n’ont pas été faciles
Et j’ai dû m’obstiner pour la rendre docile !
Cent fois, rage stupide ou ruse scélérate,
Elle a jeté sur moi ses vents ou ses pirates,
Et j’ai vu s’en aller vers des ports inconnus
Plus d’un royal vaisseau qui n’est pas revenu !
N’importe ! Déjouant ses caprices fantasques,
J’ai vaincu le pirate et dompté la bourrasque ;
Je l’ai fait obéir et la tiens désormais !
La mer, comme la femme, est à qui la soumet !
Je t’admire !
Le plus riche bourgeois de la ville de Damme !
Bruges et Gand n’ont pas un comptoir estimé
Comme le mien ; trois fois les courtiers m’ont nommé
Doyen ! Voilà ma chance ! Et j’en sais la durée ;
Car, puisque c’est la mer qui, par chaque marée,
Fait monter les écus dans mon coffre de fer,
Ça durera toujours, mon vieux, comme la mer !
Je t’admire ! Et parfois je t’envie !… Et pourtant…
Quoi donc ?
Quel âge as-tu ?
Cinquante ans.
Cinquante ans.
C’est l’âge où l’on est fort !
C’est l’âge d’être aïeul…
Comment ?…
Riche, honoré, tout-puissant… Mais tout seul !
C’est vrai ! Mais je n’ai pas rempli ma destinée
Encor ! Oui, j’ai vécu pendant bien des années
Sans m’en apercevoir. Est-ce en pleine bataille
Qu’on y songe ? Est-on seul d’ailleurs quand on travaille ?
Puis, ayant là, fidèle, et depuis mon jeune âge,
La bonne Mère-Flandre au courant du ménage,
Et la gaîté rieuse et la grâce enfantine
De Gertrude que j’ai recueillie orpheline,
Par elles deux du moins s’animait la maison.
Mais c’est insuffisant, ta sagesse a raison ;
Je ne veux pas mourir dans cette solitude,
Et comme de tout temps j’eus la bonne habitude
Défaille mon destin moi-même, voici donc
Ce que j’ai résolu dernièrement…
Maître…
(À Pierre) Quoi donc ?
Tantôt,Eh ! mais c’est Maître Pierre !
Monsieur Jooris…
Donne ta main ! Tudieu quel gaillard ! Comme on change
En un an !
Que veux-tu ?
Devait être signée aujourd’hui.
Sur la table.
Un pilote est venu remettre cette note
Pour la prime…
C’est fait.
Sais-tu bien que j’ai mis une heure, en louvoyant,
Pour pénétrer dans le chenal ! C’est effrayant
Comme il s’ensable !
Allons ! n’exagère donc point !
Comment ? Je te dis que j’ai mis une heure, au moins !
Je te dis qu’autrefois — mais il y a quinze ans ! —
Le havre était facile et sûr, et qu’à présent,
Là-même où l’on passait confiant et tranquille,
On sent bien les sablons qui vous râpent la quille !
Mais oui ; sans doute ! On y travaille !
Il est nerveux !
Eh ! Ce n’est pas à toi, c’est au port que j’en veux !
Pourquoi te fâches-tu, mon ami ?
Parce que tous les jours à présent, quelques lâches
Ou quelques sots, voyant que du sable s’amasse
Entre Mude et Kadzant et retrécit la passe,
Crient que la mer s’éloigne et que la Flandre meurt
Lentement, sans songer que ces folles clameurs
Vont réjouir là-bas, de leur concert immense,
Anvers et les cités jalouses de la Hanse !
Soit ! On pourrait crier moins fort ! Mais le danger
N’en est pas moins réel !
On travaille !
D’après ce que j’ai vu ! Que fait-on ?
D’Oostbourg sera fini dans six mois, tout au plus ;
Alors, suivant sa pente, à l’heure du reflux,
Et dévalant bien mieux que d’un bassin de chasse,
Le flot va balayer les sablons de la passe,
Où, dans un an d’ici, tes naves les plus fières
Auront du fond, de quoi se noyer tout entières !
Merci, merci ! Je n’en demande pas autant !
Hier, on a dû haler deux nefs au cabestan…
Toi aussi, l’Anversois ?
Maître Corneille !
On y remédiera, vous dis-je !
Si l’on fait les travaux que tu nous annonçais,
Tant mieux ; ce n’est pas moi qui doute du succès !
Quoique — comme on l’a vu déjà, dans d’autres ports —
Quand la mer veut partir, mon vieux, tous les efforts
Sont impuissants, et toute la science est vaine…
Rappelez-vous Narbonne, Aigues-Mortes…
Ravenne…
Ah ça ? Croyez-vous donc que nous tous, gens de Flandre,
Nous allons nous laisser mourir, sans nous défendre,
Le long de cette côte où la mer asservie,
Depuis quatre cents ans nous apporte la vie ?
Non, mais…
Le rude stimulant de ses brises marines,
Et qu’avec les canaux où ses flots se répandent
Elle est le cœur vivant de la terre flamande ?
Bien sûr !
Nous avons endigué peu à peu l’Océan ?
Ce qu’il nous a coûté de sang, d’or et de peine ?
Certes…
Quand Philippe d’Alsace y fit mener en bandes
Les digueurs envoyés par Florent de Hollande ?
Rien ! Un désert de sable et de tourbe, des eaux
Sournoises, entourant des forêts de roseaux,
Et la rage des flots sur toute la contrée
Par les nuits d’équinoxe et de hautes marées !
Or, c’est pour conquérir cela, qu’un matin clair,
Notre première digue osa barrer la mer !
Que de fois cependant sa fureur inlassable
Déracinant les pieux et balayant les sables,
Par la complicité d’une nuit de gros temps
Détruisit en une heure un effort de vingt ans !
N’importe ; peu à peu nous sommes parvenus
À créer, sur ce sol marécageux et nu,
Des havres, des canaux, des chemins de balises,
Des villes, avec des beffrois et des églises,
Et, riches des trésors que les nefs y débarquent,
Devenus des bourgeois enviés des monarques,
Nous avons réuni dans ce petit comté,
Plus d’or qu’aucun pays n’en a jamais compté !…
C’est vrai !
Notre ville opulente où sont couchés nos pères,
Nous souffririons qu’un jour tout cela ne soit plus,
Parce que l’Océan, dans un dernier reflux,
Abandonnant nos quais changés en terrains vagues,
Nous aurait infligé la trahison des vagues ?
Non ! Non ! Rassurez-vous ! Le pays comprendra
Que son destin dépend de l’effort de nos bras,
Et si la mer s’obstine à fuir quand on l’appelle,
Nous la ramènerons chez nous, à coups de pelle !
Allons tant mieux !
Maître !
Et nous savons comment la prendre, mon garçon !
Voici quatre cents ans que nous la connaissons ;
C’est trop pour nous laisser jouer !
Retiens bien ce que je t’ai promis : Dans un an
Tu suivras le chenal sans accrocs, sans déboires,
Peut-être sans pilote !… Et là-dessus, viens boire !
Tu m’as tant fait parler que j’ai la gorge rude !
Peut-on vous aider, Mademoiselle Gertrude ?
Oui. Voulez-vous tenir un instant mon plateau ?
Je pourrai faire place ici…
Quel beau gâteau !
Oui. C’est un Grand-Doré.
C’est vous qui l’avez fait ?
Oh non ! C’est Mère-Flandre.
Il est lourd !
Vous l’aimez bien ?
Qui ça ? Mère-Flandre ?
Le Grand-Doré ?
Je crois bien !… Quel drôle de nom !
Le Grand-Doré ?
Riez-vous ? C’est de moi ?
Parce que nous n’avons pas l’air de nous entendre.
Je vous dis Grand-Doré, vous dites Mère-Flandre !
Laissez-moi rire un peu…
C’est si bon : rire un peu !
C’est vrai, vous ne riez pas souvent.
Et vous ?
Oh, moi aussi… quand j’ai le temps !
Vous travaillez beaucoup !
Travailler plus encor, le Maître étant doyen…
Il faut donc rire en travaillant !
C’est un moyen.
Rendez-moi mon gâteau ?
Voici…
Sa place est faite…
Merci… Juste au milieu !
C’est un vrai jour de fête !
Oui ! Mais trois fois doyen c’est un honneur insigne !
C’est rare !
Et bien plus rare encore : En être digne !
Mais quel homme étonnant que ce Maître Corneille !
Oui.
Voyez-vous, et pourquoi ma faiblesse l’envie,
C’est qu’on dirait, vraiment, qu’il a dompté la vie,
Et qu’un jour, mécontent de la voir comme elle est,
Il en a fait tranquillement ce qu’il voulait !
Ajoutez qu’il est bon, qu’il fait du bien…
Beaucoup.
Je vois que vous l’aimez aussi.
Je ne sais pas ce que je serais devenue
Sans lui… Lorsque maman, que je n’ai pas connue,
Est morte, elle était veuve déjà… L’on m’a dit
Qu’il m’avait prise ici de suite… J’ai grandi
Dans sa maison si simplement hospitalière…
Voilà ; vous savez mon histoire tout entière !
Oh, je la connaissais !…
Vous rencontrant ici, sans parents, comme moi…
Eh bien ?
Et sachant que si Maître Corneille vous aime,
C’est comme l’on chérit sa nièce ou sa filleule,
Lorsque je vous voyais triste ainsi d’être seule,
— Ah ! je sais que c’était méchamment égoïste ! —
Je me croyais moins seul et me sentais moins triste !
Je comprends…
Je n’entends pas, du moins, blâmer Maître Corneille ;
Il est sévère et froid, mais rien n’est plus trompeur,
Car il vous aime bien…
Oui… mais il me fait peur !
Vraiment ? Pourquoi ?
Mais je me sens auprès de lui si peu de chose ;
Je lui sais tant d’intelligence et de mérite,
Et je le vois si grand, devant moi, si petite…
Vous riez ? Vous trouvez que j’ai tort ?
Et pourtant, c’est si bien la crainte que j’éprouve
Lorsque je suis ici…
La crainte ?
Manifeste ;
Dans chacun de mes mots, dans chacun de mes gestes,
Et, peur de vous déplaire ou de vous faire rire,
Je ne vous dis jamais ce que je voudrais dire !
Il faut oser !
Puis…
Comme moi ! D’autant moins qu’en parlant des courtiers,
Maître Corneille a dit souvent que vous étiez
Plein d’initiative et d’audace !
Il a dit ça ?
D’ailleurs, et son exemple ; et nul autant que lui,
Ne m’a montré comment on s’y prend aujourd’hui,
En aidant son savoir de chances opportunes,
Pour illustrer sa ville et bâtir sa fortune.
Aussi lorsque je pense au destin qui m’attend,
Sachant bien qu’on n’arrive au succès qu’en luttant,
J’apprends ici comment l’on vainc ses adversaires,
Et je m’arme de tout ce qui m’est nécessaire
Pour obtenir, plus tard, dans Anvers, la maîtrise,
Et mener à mon tour de belles entreprises !
Dans Anvers ?
Ce serait difficile… Et puis Anvers, aussi,
C’est Anvers !
Oui, mais Bruges et Damme ?…
Il n’y a rien de mieux sur les plages du Nord,
Et pour voir aussi beau l’on chercherait en vain,
Si l’on ne trouvait pas Anvers sur son chemin !
Vraiment ?
Quand j’y fus l’an passé pour le compte du Maître,
À quel point je revins ravi, enthousiaste !
Des milliers de maisons, un grand fleuve, un port vaste
Vers lequel les vaisseaux du monde entier convergent,
Et dans le riche enclos de son enceinte vierge,
— Car nul prince à ce jour n’a franchi ses murailles —
Je ne sais quoi d’ardent qui gronde, qui travaille,
Et fait sentir qu’au cœur de cette ville immense,
C’est comme un grand destin de gloire qui commence !
Alors vous comprenez qu’aux heures où l’on sent
Que l’on est fort et jeune et qu’on a du vrai sang
Comme une sève chaude et qui gonfle l’écorce,
Ce soit dans ce milieu de jeunesse et de force,
Qu’on rêve de donner un jour… à ceux qu’on aime,
Un fier et grand bonheur qu’on aurait fait soi-même,
Fallût-il, nuit et jour, peiner comme un forçat !…
Mais vous n’avez pas l’air si timide que ça !
Vous voyez… vous riez de ce que je vous dis !…
Mais non !
Et vous n’avez pas tort ! Je m’étourdis,
Je rêve, je m’exalte… Et je sais bien pourtant
Que n’ayant rien que mon courage et mes vingt ans,
Je resterai sans doute un fort pauvre écolier…
Pourquoi dites-vous ça maintenant ? Vous parliez
Beaucoup mieux tout à l’heure.
Eh, non !
Je vous assure.
Non, mon orgueil allait dépasser la mesure…
Le ton qui me convient est un ton plus modeste…
Et vous m’auriez cru fou si j’avais dit le reste !
Qu’avez-vous ?
Rien…
Me surprend ! Être triste un beau jour de gala
Comme aujourd’hui ! Quand il fait bon ! Quand on s’apprête
À s’amuser ! Vous n’allez pas bouder la fête,
Dites ?
N’avez-vous pas certains jours de la peine ?…
Oui… parfois… le dimanche…
Et pendant la semaine ?
Très peu ; mais le dimanche est si long ! La demeure
Est vide ; le travail n’y met plus sa rumeur ;
Dans vos bureaux, personne ; et l’horloge balance
Dans toute la maison un si profond silence
Qu’on entend grignoter les souris dans la huche.
Mais pendant la semaine, on dirait une ruche !
Dès le lundi matin, reprenant son ouvrage.
Le port y fait rentrer sa vie et son tapage ;
Vous travaillez, Maître Corneille aussi, les clercs,
Tout le monde ; et moi-même, je me donne l’air,
Par mon humble besogne à côté de la vôtre,
D’être aussi vive et nécessaire que les autres !
Ne riez pas !
Je m’en garde ! Je vous écoute…
Dix fois en un matin vous êtes sur ma route !
Le Maître vous appelle — Il appelle toujours ! —
Vous n’avez qu’un instant pour me dire bonjour ;
Vous fuyez pour ne pas le laisser dans l’attente…
Et tout cela m’amuse, et je suis très contente !
N’êtes-vous pas heureux sans raison, quelquefois ?
Jamais !… Je suis heureux, mais je sais bien pourquoi !
C’est quand je suis ici… c’est lorsque j’imagine
Alors, avec une pauvre joie enfantine
Qui me fait oublier mes jours les plus mauvais,
Quel serait mon bonheur, plus tard, si je pouvais,
Sentant que mon travail me libère et m’élève,
Me rendre digne ainsi, de quelqu’un dont je rêve !
C’est lorsque je me dis, en ces minutes-là :
S’il arrivait qu’un jour le sort nous égalât,
Et me permît un peu l’espoir d’en être aimé,
Je trouverais les mots qui peuvent exprimer
Ce que l’on sent frémir tout au fond de soi-même !…
C’est vrai ; comment fait-on pour se dire qu’on s’aime ?…
Voici le Maître !
Eh bien ?
À dire… Et je l’ai dit… tout de même…
À tantôt…
C’est fini ?
Oui.
C’est bien ; c’est très bien. Les boissons ?
Mère-Flandre est allée avec un des garçons
À la cave.
Parfait. On aurait pu mettre là quelques fruits ;
N’importe, c’est très bien…
D’où viennent-elles ?
C’est… c’est moi qui vous les offre…
Ah… Ah… Merci Gertrude…
Où vas-tu ? Reste ici…
Je voudrais m’arranger…
Reste…
Vois-tu, que ce beau jour qui semble fait exprès
Pour mettre entre nous deux une entente parfaite,
Ne soit pas pour moi seul, Gertrude, un jour de fête !
Je vous écoute, Maître.
puis revient vers Gertrude,
Depuis longtemps, mais aujourd’hui, les circonstances
Me paraissent plus favorables pour te dire
Ce que je veux… (il se reprend) ou plutôt ce que je désire.
Je vous écoute…
Gertrude, tu as dû penser au mariage
Quelquefois ?…
Maître…
Si le sort — dont parfois les jeux nous déconcertent
Pourtant — t’a réservé la part que tu mérites,
Ne crains rien ; tu seras heureuse, ma petite !
Tu as donc fort bien fait de songer à plus tard,
Puisqu’il est imprudent d’attendre du hasard
Le bonheur qui ne va qu’à ceux qui sont hardis
Et volontaires ! Mais, d’autre part, tu t’es dit,
J’en suis persuadé, n’étant plus une enfant,
Que les efforts qu’on fait vers lui sont décevants
Comme les rêves, quand — pour les raisons profondes
Que personne ne sait — Dieu vous a mis monde
Orphelin, désarmé, d’avance si vaincu,
Que sans l’amour d’autrui l’on n’aurait pas vécu !
Grâce à moi, tu n’auras jamais souffert du deuil
Où nous mit ta naissance !… Oh, je n’ai nul orgueil
De t’avoir recueillie, et tu ne me dois rien ;
Si ce fut ton bonheur, ce fut aussi le mien !
Maître…
Tu fus la vie et la gaîté de tout instant
Chez moi ! Lorsque j’avais un moment de loisir,
Te voir fut mon repos, t’entendre, mon plaisir,
Et quand, aux mauvais jours de lutte trop intense,
J’étais las de payer si cher mon existence,
Par ton rire d’enfant qu’il m’advint d’écouter,
Tu m’as rendu plus fort souvent, sans t’en douter !
N’est-il pas naturel que je t’en remercie ?
Rude au début, ma vie enfin s’est adoucie ;
Le mauvais sort devant mon courage a fléchi ;
Je me suis, lentement, mais si bien enrichi,
Qu’au seul vu d’un écrit que ma cire cacheté
Le monde entier me vend tout ce que l’or achète !
Nul n’est plus grand que moi dans Damme, et tout à l’heure
Ses plus riches courtiers, remplissant ma demeure,
Acclameront en moi leur chef, trois fois élu !
Eh bien, puissance, argent, dignités, j’ai voulu,
Pour assurer ton sort que bien d’autres jalousent,
T’en donner désormais ta part, et je t’épouse !
Maître !…
Ces choses, d’un esprit raisonnable et lucide.
Tu me connais ; je t’ouvre mon cœur ; et sachant
Que sous mon rude aspect ce cœur n’est pas méchant,
Et que son vœu, pareil au vœu de ma raison,
C’est de te voir épouse heureuse en ma maison,
Accepte ton destin, sans crainte, sans émoi !…
Mais si tu n’as pas confiance, dis-le moi !…
Oh, Maître !…
Un avenir plus sûr et plus brillant ?…
Oh, Maître !…
Douterais-tu de moi, lorsque je te dis tout ?…
Oh, non !…
Ce que je veux que mon affection te donne ?…
Oh, non !…
Mais, songeant, si tu fus heureuse sous mon toit,
Que le même bonheur s’offre encor devant toi,
Pourrais-tu refuser la main que je te tends ?…
Alors, comme Corneille lui a pris la main et qu’elle la lui laisse,
il la serre dans les siennes.
Ah, petite !… (il l’attire à lui et l’embrasse sur le front)
Je suis bien content ! Bien content !…
Maître ! Maître ! Voici le Conseil, les Courtiers !
Allons ! Soyons tout au plaisir, un jour entier !
Reste près de moi ! (À l’apprenti) Va prévenir les commis.
Entrez ! Entrez !…
Bonjour doyen.
Bonjour !
Bonjour.
Par ici ; la chambre est profonde…
Prenez place. (Au trésorier) Bonjour trésorier.
Est-il là ?
(Aux apprentis) Silence au fond !
Oui.
Je viens vous apporter…
Silence donc !
Vous apporter, au nom du métier, son salut !
Maître, lorsque voici trois jours, il a fallu
Que pour nous conformer à nos vieux règlements
Nous nommions, parmi nous, le Maître du serment,
Nous vous avons choisi, tous, d’une seule voix.
En vous faisant doyen pour la troisième fois,
Nous voulûmes d’abord rendre un public hommage
Au plus digne de nous, puis remettre en mains sages
Le destin d’un des grands métiers de la cité.
Maître, nous connaissons votre esprit d’équité ;
Nous avons vu, deux fois, de quelle âme aguerrie
Vous défendez les droits de notre Confrérie ;
Vous avez les vertus des meilleurs citoyens ;
Et c’est pourquoi, jamais, à nul de nos doyens,
Nous n’aurons, mieux qu’à vous. Maître, et plus volontiers.
Confié les six clefs et le sceau du métier !
Les voici.
Que je les défendrais, même au prix de ma vie,
Ces bonnes clefs, gardiennes de nos privilèges !
Lorsque j’ai présidé, jadis, notre collège,
En servant le métier de toute mon ardeur
J’ai voulu rajeunir son ancienne grandeur
Par l’audace et l’élan des forces qui m’animent ;
Or donc, puisqu’aujourd’hui, votre vote unanime,
Vient me rendre l’honneur de ce poste suprême,
Je ne vous dis qu’un mot : Je suis resté le même !
Vive Maître Corneille !
Et comme nous peinons rudement tous les jours,
Nous tous, petits et grands, qui pointons dans notre âme
L’amour de ce métier qui fait l’orgueil de Damme,
Quand nous aurons vidé la coupe d’alliance,
Amusons-nous, jusqu’à ce soir, avec vaillance,
Puis demain au travail !
Noël ! Noël !
J’ai quelque chose encore à vous dire ! J’entends
D’abord, à la chapelle de la Confrérie,
Faire don d’un calice en or, aux armoiries
Des francs-courtiers.
Noël ! Noël !
Par le loyer total de ma maison du port,
Augmenter désormais ses trop faibles ressources.
Noël ! Noël !
Où ducats et florins ont fait quelques petits,
Se partage entre les clercs et les apprentis !
Vivat ! Vivat ! Noël !
Désormais n’être plus seul l’objet de vos vœux
Et de votre respect, parce qu’aujourd’hui même,
J’ai choisi pour épouse une femme que j’aime,
Parce que j’ai sa main fidèle dans la mienne,
Et que votre doyen a trouvé sa doyenne !
N’est-ce pas ?
Noël !
un plateau chargé de verres,
Mère-Flandre, versez, et n’oubliez personne !
Et puisqu’il est midi, que le carillon sonne
Et qu’il fait beau, ouvrez la fenêtre et la porte.
Afin que le soleil et la musique apportent
La lumière du ciel et la chanson des tours
Dans ma vieille demeure où mes amis m’entourent !
Et buvons… pour ne pas en perdre l’habitude !
Vivent Maître Corneille et Madame Gertrude !