À Marie (Leconte de Lisle, Premières poésies)

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Premières Poésies et Lettres intimes, Texte établi par Préface de B. Guinaudeau, Bibliothèque-Charpentier ; Eugène Fasquelle, éditeur (p. 32-33).




À MARIE
« Madame, autour de vous, tant de grâce étincelle. »
(Victor Hugo.)


Être céleste et cher, aux deux lèvres de rose,
            Au langage si doux,
Tes candides regards où la grâce repose,
Comme les frais rayons de l’aube demi-close,
Si jeunes et si purs s’épanchent jusqu’à nous
Que leur éclat charmant fait plier nos genoux.

Oh ! si je le pouvais, si je pouvais te dire,
            — Mais te dire tout bas —
La douce émotion que ta voix nous inspire,
Ton front penseur et beau, ton enivrant sourire,
Et le charme infini de chacun de tes pas,
Ô mon ange rêvé, tu ne me croirais pas !

Et pourtant, il est vrai : pour vous louer, Marie,
            Il n’est d’humaine voix ;
Car, des pauvres mortels la lyre défleurie

Ne saurait plus chanter votre beauté chérie,
Et des cygnes divins on n’entend plus, parfois,
Les chants tomber des cieux, comme aux jours d’autrefois.