À Monseigneur le duc de Guise

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À Monseigneur le duc de Guise, sur la mort de Monseigneur le chevalier son frère


À MONSEIGNEUR LE DUC DE GUISE
Sur la mort de Monseigneur le chevalier son frère.
Sonnet.

Prince, l’heur de la paix et la foudre des armes1,
Si pour verser des pleurs l’on rachetoit des morts,
Nous eussions fait enfler la Seine outre ses bords,
Espanchant pour ton frere un deluge de larmes.

Il est vray que ses jours sont bien-tost limitez ;
Mais tel est icy bas l’âge des belles choses,
Les destins sont jaloux de nos prosperitez,
Et laissent plus durer les chardons que les roses.

Croy-moy, donne à ton mal un sage reconfort,
Et, cessant desormais de te plaindre du sort,
Deffends à ta douleur cette perseverance ;

Ou, si tu veux avoir un legitime ennuy,
Soupire avecque nous le malheur de la France,
Qui n’aura jamais rien qui soit pareil à luy.



1. C’est là sans doute un des sonnets licencieux (irréguliers) dont Racan dit dans la vie de Malherbe qu’il en fit un ou deux, et puis s’en dégoûta.