À Monsieur de Campion, sur « les Hommes illustres »

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À Monsieur de Campion, sur « les Hommes illustres »
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 137-139).

XLV

À Monsieur de Campion,
Sur les Hommes illustres
Sonnet.

Ce sonnet se lit, signé Corneille, au recto du treizième feuillet du volume intitulé : les Hommes illustres de Mr de Campion, tome premier, première partie, imprimé à Rouen par L. Maurry pour Augustin Courbé, Marchand Libraire au Palais, à Paris… M.DC.LVII, in-4o. Le privilège a été donné « à Paris le neufiéme jour de Decembre, l’an de grace mil six cens cinquante-six. » On lit à la suite : « Acheué d’imprimer pour la première fois à Rouen par L. Maurry, le quinzieme jour de Ianuier 1657. » L’ouvrage en tête duquel figurent ces vers n’a pas été achevé ; mais Campion a publié encore en 1657 un volume in-12 anonyme intitulé : Recueil de lettres qui peuvent seruir à l’histoire et diuerses poesies, à Roüen, aux dépens de l’autheur, par Laurens Maurry… M.DC.LVII ; on y lit, à la page 266, la pièce suivante :

Pour Monsieur de Corneille.

SONNET.


L’on peut dire, sans avoir tort,
Que Corneille est incomparable :
Tout ce qu’il fait est admirable,
Chacun en demeure d’accord.

La savante reine du Nord,
De qui l’esprit est adorable,
Faisant un jugement semblable,
Le soutient et l’estime fort.

L’antiquité, que l’on nous vante,
N’eut point de plume si charmante
Ni d’auteur qui pût l’égaler :

Nos nouveaux ne paroissent guère,
Et sitôt qu’il a su parler,
Ils ont tous appris à se taire.

Il est probable que ces vers, assez intéressants en ce qu’ils constatent la bienveillance de Christine à l’égard de Corneille, furent écrits avant ceux qu’on va lire, et que notre poëte crut devoir rendre à Campion compliment pour compliment et sonnet pour sonnet. Bien que celui de Corneille ait été publié en 1808 dans le Magasin encyclopédique (tome IV, p. 100), en 1843, par M. Léon de Duranville, dans la Revue de Rouen (premier semestre, cahier d’avril, p. 222), et le 22 juin 1846 dans l’Impartial de Rouen, il a été réuni pour la première fois aux Œuvres complètes dans l’édition de Lefèvre, terminée en 1855 (tome XII, p. 59), où il porte à tort la date de 1647. — Alexandre de Campion, poëte et diplomate, né à Rouen en 1610, mourut vers 1670. Voyez sur lui le Manuel du bibliographe normand, par Ed. Frère, tome I, p. 173 et 174.


Invincible ennemi des rigueurs[1] de la Parque,
Qui fais, quand tu le veux, revivre les héros,
Et de qui les écrits sont d’illustres dépôts
Où luit de leur vertu la plus brillante marque,

Notre France aux chrétiens donne en toi leur Plutarque, 5
Et les nobles emplois de ton savant repos,
Traçant leurs grands portraits, offrent à tous propos
De fidèles miroirs aux soins d’un vrai monarque.

J’ai quelque art d’arracher les grands noms du tombeau,
De leur rendre un destin plus durable et plus beau, 10
De faire qu’après moi l’avenir s’en souvienne ;

 
Le mien[2] semble avoir droit à l’immortalité ;
Mais ma gloire est autant au-dessous de la tienne,
Que la fable en effet cède à la vérité.


  1. On lit erreurs, mais à tort, dans l’édition de Lefèvre.
  2. Mon nom, dans l’édition de Lefèvre ; mais rien n’autorise une pareille leçon. Voyez l’Avertissement de notre tome I, p. 11.