À Sa Grandeur Monseigneur Charles Larocque, évêque de St-Hyacinthe
Monseigneur.
À mon retour d’une absence de plusieurs jours, j’ai pris communication des deux arrogantes lettres de Votre Grandeur et de son secrétaire, publiées simultanément sur la Minerve et le Courrier de St. Hyacinthe.
V. G. me permettra bien de lui dire que je ne prévois guères que ces lettres soient jamais citées comme modèles de mansuétude apostolique.
Je ne dirai pas qu’à ma surprise V. G. est descendue à l’injure car je m’y attendais si bien que je l’avais prédit si l’on disait quelque chose ; mais comme V. G. parle de mes écrits astucieux et mensongers, elle me donne par là le droit d’examiner lequel d’Elle ou de moi n’a pas fait de brèche à l’exactitude des faits. Il n’est pas hors de propos que le public sache lequel du pasteur ou du fidèle a dit la vérité.
V. G. ajoute « que ma véracité est depuis longtemps appréciée à sa juste valeur par tout ce qu’il y a d’hommes honnêtes et honorables dans le pays. »
Voilà de bien gros mots, Mgr. surtout dans la bouche d’un Évêque, d’où suivant le quatrième canon du concile de Châlons, en 813, il ne doit sortir que des paroles de religion, de tendresse et d’humilité.
V. G. affirme aussi qu’elle sera crue et que je ne le serai pas. Pourquoi donc cela, Mgr. si je prouve ce que je dis ? Les chiffres ne respectent pas plus la mitre que la toge, et si la vérité est pour moi, Mgr. il faudra bien que V. G. succombe en dépit de sa hautaine assertion. Et Dieu me pardonne, Mgr. voici bien un autre texte qui vient à l’appui de mon dire ; et cette fois il s’agit non plus d’un concile provincial comme celui de Châlons, mais du dernier des conciles œcuméniques, celui de Trente. Voici, si V. G. veut bien me le permettre, comment le premier canon de la treizième session de ce concile s’exprime à l’égard des Évêques.
« Le premier avis que le Saint Concile se croit obligé de donner aux Évêques, c’est qu’ils sont des pasteurs et non des maîtres ; qu’ils doivent être des exemples de modestie, que leur supériorité ne doit point être hautaine, qu’ils doivent aimer leurs inférieurs comme leurs enfants et leurs-frères… »
Or, Mgr. il n’y a peut-être pas toute la modestie voulue par le concile dans l’assertion que V. G. sera certainement crue et que je ne le serai certainement pas.
M’est avis, Mgr. que V. G. ne perdrait peut-être complètement pas son temps à relire un peu ces canons, et quelques autres aussi que je pourrais lui indiquer au besoin.
Et puis, Mgr. comment le public va-t-il apprécier la hautaine assertion de Votre Grandeur, qu’elle sera crue et que moi je le serai pas ? Quoi ! parce que je suis laïque, j’aurais dix fois raison qu’il faudra que je passe pour avoir tort parceque l’homme qui me maltraite de parole et d’action est revêtu du caractère d’Évêque !
Ah ! Mgr. ce n’est pas la religion qui vous a inspiré cette arrogante parole !
Je ne suis pas le seul, Mgr. qui comprenne toute la portée d’une pareille assertion. Où est l’homme au monde, Mgr. quelle que soit sa position, je n’en excepte aucune, qui a le droit de s’exprimer ainsi parlant de lui-même ?
Et, Mgr. quand celui qui le fait a tort dans le fond et la forme, cela ne montre-t-il pas bien clairement le danger de l’irresponsabilité ?
V. G. a-t-Elle réellement bien réfléchi à cette parole ? Car enfin, pour la signer de son nom, il me semble qu’il a fallu y songer un peu ! Et je ne vois guère pour s’y décider, d’autre procédé de raisonnement que celui-ci :
« Mon caractère d’Évêque me donne sur cette population une influence qu’un laïque ne peut posséder. S’il est possible que, dans St. Hyacinthe, où M. Dessaulles est connu, je ne puisse l’empêcher d’être cru, il est probable que partout où les gens n’ont aucune connaissance personnelle des faits, la présomption sera en ma faveur, tout simplement parceque mon caractère est un titre à la confiance publique. Sur l’inconnu, un Évêque doit avoir l’avantage sur un laïque. Je puis donc dire ce que voudrai, et je serai généralement cru, quand même, dans St. Hyacinthe, M. Dessaulles le serait davantage. »
Voilà Mgr. ce qui me parait être l’illustration exacte de l’idée de V. G. et c’est nécessairement le calcul qu’Elle a du faire in petto pour se décider à exprimer une aussi étrange idée.
J’ai déjà vu quelques personnes agir d’après cette idée sans le dire, mais voilà la première fois que je vois un homme d’une aussi éminente position l’exprimer en toutes lettres pour l’édification des gens réfléchis !
Dans tous les cas, Mgr. ces très gros mots plus haut cités, forment un bien frappant contraste avec ces hautes habitudes de savoir-vivre exceptionnel auxquelles vos deux regrettés prédécesseurs nous avaient de tout temps habitués. Mais bien des choses sont changées depuis que le diocèse de St. Hyacinthe a eu le malheur de les perdre. Et je ne suis malheureusement pas le seul a constater fréquemment que les regrets qu’ils ont laissés derrière eux ne font qu’augmenter tous les jours.
D’ailleurs, Mgr. n’est-il pas un peu remarquable, s’il est vrai que je sois un caractère aussi indigne que V. G. ne craint pas de l’affirmer, qu’Elle se soit commise dans la presse avec un pareil homme ? A-t-on bien souvent vu vos collègues dans l’épiscopat faire le coup de plume ou de langue dans les journaux avec des hommes préalablement déclarés indignes ?
Je doute beaucoup, Mgr. que St. François de Sales dont le motto favori était : Soyons doux et humbles de cœur — ou votre prédécesseur immédiat qu’on lui a si souvent comparé pour l’inaltérable douceur de caractère, se fussent ainsi oubliés tant sur l’exactitude des faits que sur le coup de langue !
Enfin, Mgr. eussè-je manqué aux convenances ordinaires en parlant de V. G. — ce que je nie péremptoirement, et ce que je mets respectueusement V. G. au défi de prouver — est Elle bien vraiment à sa place comme Évêque, s’il est vrai que je sois tombé dans cette faute, en me rendant injure pour injure ? Nous ne sommes pas des violents, disait St. Grégoire le Grand, et St. Paul ne nous donne d’autre pouvoir que de reprendre, remontrer et réprimander en toute sorte de patience.
Hélas ! Mgr. qu’il y a loin d’une méthode à un autre !
Je prie très humblement V. G. de me pardonner si, au risque d’être prolixe, je me permets de lui mettre sous les yeux le passage suivant des règlements du diocèse de Verdun, qui ne sont qu’un résumé des canons de plusieurs conciles œcuméniques ou provinciaux, et qui sont en force dans la plupart des diocèses de France.
« Nous conjurons tous les ministres de la sainte parole (où conséquemment, Mgr. la dépréciation du caractère d’autrui ne devrait pas trouver place) de ne jamais s’écarter des règles de la douceur et de la modération pastorales quand ils parlent contre les abus d’une paroisse. La religion leur fait un devoir d’éviter dans leurs reproches toute personnalité, toute invective et toute menace qui tiendrait de l’emportement et qui manifesterait plutôt la passion et un amour propre blessé que la bonté d’un père compatissant et le zèle d’un pasteur charitable. »
Ce passage, Mgr. est extrait, pour les susdits règlements, des canons d’un concile de Cologne, de 1536.
Peut-être pourrais-je ici rappeler à Votre Grandeur que le fait de me traiter d’homme sans véracité n’est pas précisément celui d’un père compatissant et d’un pasteur charitable.
Un prédicateur devant le concile conseillait aux Évêques qui avaient décrété le passage cité de le faire écrire en lettres d’or et de le suspendre aux murs de leur Oratoire afin de l’avoir toujours présent à l’esprit. Ce conseil, Mgr, donné il y a 332 ans, ne serait peut-être pas hors de propos aujourd’hui.
Mais, Mgr, je ne songe peut-être pas assez que V. G. me fait prévenir, par M. le secrétaire, que quelque chose que je dise on ne me répondra pas.
Je reconnais volontiers que V. G. a fait là de la tactique savante, mais est-ce bien de la tactique loyale ? Que dirait-on, Mgr, dans le monde des gens honorables, si l’on voyait un prêtre surtout ouvrir la porte d’une maison, lancer une injure à ceux qui y sont et puis se sauver à toutes jambes de peur qu’on ne puisse l’atteindre ? Or il me semble en toute bonne foi que V. G. ne fait pas autre chose quand elle vient ternir mon caractère d’un mot empoisonné et puis qu’elle s’empresse de me signifier : « Oh parlez tant que vous voudrez, je ne dis plus rien. » C’est là ce que l’on appelle, Mgr, lancer une flèche en fuyant. Or il me semble qu’une fuite constitue rarement une victoire, et j’ose me permettre d’engager V. G. dans l’intérêt de sa cause, qui semble marcher un peu clopin-clopant, de renoncer à cette intelligente stratégie de la retraite précipitée. Le public admire rarement ceux qui abandonnent le champ de bataille en criant victoire bien fort, apparemment pour s’étourdir en se sauvant !
Mais comme le mot est lâché maintenant, V. G. va sans doute, fière de sa tactique, n’en pas vouloir sortir. Après m’avoir odieusement attaqué dans ma réputation, Elle va se réfugier dans sa dignité ! Singulière manière de comprendre sa dignité, Mgr, que de porter à l’honneur d’autrui l’équivalent du coup de poignard dirigé au cœur, et puis de se croire complètement irresponsable à l’abri de son caractère ! Comme je ne puis obliger V. G. de se défendre dans la presse, et que pourtant il me faut la forcer de dire sur quel fait de ma vie publique ou privée Elle base son assertion, il va bien falloir, puisqu’Elle déclare ne plus vouloir dire un mot, la faire sommer légalement de venir en personne devant une cour de justice citer les faits à ma charge qui prouvent que je suis un homme sans caractère et sans véracité.
Je méprise depuis longtemps, Mgr, des injures analogues venant de la feuille que V. G. semble contrôler, mais quand V. G. elle-même vient en sa qualité officielle de premier pasteur déclarer que je suis un malhonnête homme, et cela en ayant soin de m’informer que quelque chose que je puisse dire on n’en tiendra aucun compte, il me faut bien avoir recours à la loi quand la conscience semble faire défaut. On pourra voir alors combien V. G. trouvera de personnes honnêtes et honorables pour détruire mon caractère, — occupation assez peu épiscopale à mon avis — et combien de mon côté j’en pourrai produire pour le venger des inqualifiables assertions de Votre Grandeur.
Encore une petite remarque avant d’arriver aux chiffres. V. G. veut bien admettre que je jouis depuis longtemps, et jouis encore actuellement d’une certaine influence dans St. Hyacinthe, mais elle qualifie cette influence de funeste.
Que V. G. parle et décide sans rien justifier dans un mandement, cela se comprend Mgr ; mais quand un homme, fût-il Évêque, attaque le caractère d’autrui, cet homme et même cet Évêque est tenu par toutes les convenances sociales et morales de prouver ses dires.
Si je suis encore estimé dans St. Hyacinthe, Mgr. en dépit des efforts publics et privés de V. G. pour démontrer que je ne le mérite pas, — efforts dans lesquels V. G. n’a pas été particulièrement heureuse, elle me permettra bien de le constater ici — cela vient uniquement, Mgr. de ce que, dans mes rapports passés avec les citoyens de St. Hyacinthe on ne m’a jamais vu, à propos d’une même question, faire diverses propositions et puis finalement les retirer toutes sans explication, comme V. G. le fait depuis six ou sept mois à propos de la construction d’une église !
Quand j’ai dû agir avec les citoyens de St. Hyacinthe, il ne m’est jamais arrivé de créer chez eux le soupçon que j’eusse une arrière-pensée que je refoulais au plus profond de mon esprit pour la manifester plus tard. Voilà, Mgr. pourquoi on a conservé de la confiance en moi ! J’ai toujours joué cartes sur table. Voilà mon secret, à moi, que je communique volontiers à qui veut en profiter. Je n’ai jamais dit un mot, ni fait un acte qui ait pu porter mes amis de St. Hyacinthe à soupçonner ma sincérité. Je n’ai jamais rien fait, ni rien voulu faire dans St. Hyacinthe sans consulter auparavant le public. Et si on a été généralement de mon avis, c’est uniquement parceque je proposais des choses utiles et justes. Si j’eusse agi autrement, Mgr. mon influence, aujourd’hui, serait exactement au niveau d’une autre influence qui, en dépit de ressources multiples et d’une activité infinie dans les subalternes, n’a pas encore pu réussir à s’implanter dans l’endroit, justement parce que le fait d’une arrière-pensée sautait aux yeux les moins clairvoyants.
Au reste, Mgr. si je conserve dans St. Hyacinthe l’influence que V. G. veut bien me faire l’avantage de constater — ce qui revient tout simplement à dire que l’on y a confiance en moi, fait qui n’indique guère un homme sans caractère et sans véracité — et si cette influence est funeste parce que je suis un homme de ce calibre, cela semblerait indiquer que les citoyens de St. Hyacinthe sont beaucoup du même calibre. Je leur passe donc le compliment, Mgr. puisqu’ils me ressemblent : à eux de voir ce qu’ils en feront.
Maintenant, Mgr. arrivons aux chiffres.
V. G. donne injonction formelle à M. le Secrétaire de réaffirmer tout simplement l’exactitude des livres de l’évêché, et naturellement il obéit avec plaisir parce qu’il est secrétaire, et avec bonheur parce que c’est lui qui tient les livres. Cela se comprend sans peine. Voyons donc ce qui en est.
Si l’assertion que les livres sont bien tenus vaut celle que la famille n’a payé que $1680 sur la somme qu’elle a donnée, je crois franchement Mgr. que votre cause a besoin de médecin.
M. le Secrétaire affirme que nous n’avons payé en tout, — ni plus ni moins, dit-il-que $1680.
Mais, Mgr. j’ai en mains les états que m’a fournis M. le Secrétaire lui-même ; ils sont écrit de sa main ; et ces états constatent qu’en sus des $1680, Mme. Dessaulles mère a payé en intérêts $192.40. M. G. C. Dessaulles, $122, et moi-même $252, en tout $566.40.
Pourquoi donc, M. le Secrétaire n’admet-t-il pas devant le public le versement de cette somme, dont ses états, pris dans les livres de l’évêché, constatent le paiement ? « Ce sont des intérêts, » m’a-t-il dit dans une entrevue, « et nous n’en devons pas compte. » En admettant que vous n’en deviez pas compte, Mgr. — ce qui est certainement erroné — ne dites donc pas au moins que nous n’avons payé d’après les livres, que $1680 quand ces même livres constatent au contraire $2246.40. C’est cette dernière somme et non l’autre qui, d’après les livres de l’Évêché a été vraiment reçue.
Nous verrons plus loin ce qui lui manque.
Maintenant la prétention de M. le Secrétaire est clairement que les intérêts du capital souscrit ne forment pas partie de la souscription, mais je dois informer V. G. que cette prétention n’a pas cours parmi les laïques. Je me permets de trouver aussi que quand les intérêts augmentent un capital souscrit en pur don d’un tiers, et même des deux tiers pour ceux qui auraient payé en dix ans, un donataire consciencieux pourrait au moins en tenir moralement compte au donateur. Parmi les laïques honnêtes, Mgr. que dirait-on d’un homme qui refuserait d’en tenir légalement compte ? Mais que dira-t-on d’un Évêque donataire qui semble n’en vouloir tenir compte ni légalement ni moralement ?
La question est d’une simplicité fabuleuse, au fond. L’évêché a-t-il profité de l’intérêt comme du capital ? Certainement oui ! Donc quand j’ai payé $400 en capital et $200 en intérêts, il me semble que l’on a fort mauvaise grâce à me dire : « Vous ne nous avez réellement donne et payé que $400, et je ne vous dois pas la première syllabe d’un remerciement pour les $200 d’intérêt. Je serais curieux, Mgr. de savoir ce que la religion en pense.
Voilà pour la famille. Venons à moi maintenant.
En disant que toute la famille n’a payé que $1680, M. le Secrétaire affirme par là même que je n’en ai payé moi-même que $480, mais j’ai le propre état de M. le Secrétaire qui porte les intérêts payés par moi à $252. Donc d’après les livres de l’Évêché, j’ai payé $732 et non 480.
L’Évêché peut sans doute avoir quel qu’intérêt à ce que l’on ne parle pas des intérêts : mais moi, Mgr. j’ai intérêt de deux manières à ce qu’on en parle : 1°. parceque l’on me conteste le chiffre total que je prétends avoir payé : 2°. parceque s’il faut me rembourser les sommes reçues, il faudra bien rembourser l’intérêt comme le capital. V. G. semble en effet avoir su ce qu’elle faisait en recommandant à son Secrétaire d’informer le public qu’il se réfugiait dans le mutisme, car je ne vois pas trop comment il montrerait que les intérêts qu’un donateur consent à payer ne font pas partie de sa souscription.
J’ai donc, Mgr. d’après les livres de l’Évêché, payé $732, c’est M. le Secrétaire qui m’en fournit l’état signé de sa main. Or je prétends avoir payé $1342 : il y aurait donc $610 qui n’auraient pas été portées à mon crédit. Ici donc surgit la question de la bonne tenue des livres de l’Évêché.
Or Mgr. j’ai en mains deux billets, l’un, en date du 30 juillet 1855 pour £91.9.0, et l’autre en date du 22 juin 1857, pour £660.0.0 que je prétends avoir passés à l’Évêché comme acompte sur ma souscription. Ces billets ont été escomptés à une banque au profit de l’Évêché et payés par moi puisqu’ils sont entre mes mains. Rien de cela n’est porté aux livres, si régulièrement tenus ! !
M. le Secrétaire, agissant par vos
ordres, m’a dit, le 28 juillet dernier, en
présence de deux témoins, MM. Nault
et Bernier, notaires, de St Hyacinthe, (ce
qui se passe aujourd’hui, Mgr. me forçant
d’avoir toujours des témoins de ce
qui se dit entre nous) qu’il ne voulait
pas reconnaître ces billets comme ayant
été payés à compte de ma souscription.
— Mais, lui dis-je, si je vous produis le certificat de la Banque que c’est l’Évêché qui a retiré l’escompte de ces billets, admettrez-vous que je vous ai payé les montants qu’ils représentent !
— Je ne puis rien avoir à faire avec des billets, m’a-t-il répondu.
Ainsi, Mgr. voilà une somme de $605.80 que je me crois honnêtement sûr d’avoir payée à compte de ma souscription, (en sus des $732 en capital et en intérêt déjà portées aux livres) et ceux à qui j’ai fait présent de la somme totale refusent non seulement de l’admettre, mais même de discuter la chose à l’amiable ! On ne veut rien avoir à faire avec des billets ! ! et cela quoique J’aie le certificat de la Banque que, l’Évêché a fait escompter à son profit !
V. G. profite donc de ce que j’ai donné mes billets en toute confiance sans en prendre de reçu, pour contester, ou refuser d’admettre mes paiements ! Comme il est agréable, Mgr. d’avoir fait des présents à un Évêché, pour se voir traiter ensuite comme un débiteur de mauvaise foi ! !
V. G. a le courage de parler de mes écrits astucieux ! Est-ce donc un acte de complète franchise, Mgr. que le refus de reconnaître des billets que l’on n’a pu nier avoir été donnés à compte de ma souscription ? « Je n’en sais rien, » m’a dit M. le Secrétaire, devant les deux témoins ; et il y a quatre mois qu’il consulte ses livres bien tenus à propos de ces billets ! Ils portent l’endossement du procureur de l’Évêché ; c’est lui qui en a reçu l’escompte ; j’en offre le certificat de la Banque, et l’on me dit que c’est inutile ! Et c’est moi, pardessus le marché, qui fais de l’astuce ! !
Que dit-on, Mgr. d’un laïque qui a recours à ce genre du moyen ? Que pense-t-on de celui qui combat sa propre signature par une chicane de plaideur gascon ?
Par quel canon de l’église V. G. justifierait elle le refus de rien avoir à faire avec des billets où l’on voit le nom du Procureur de l’Évêché, ni avec le certificat de la Banque qui montre où est allé l’argent !
Si encore, Mgr. il s’agissait d’une créance surgie du cours habituel des affaires ; d’un litige à propos d’une dette ordinaire ; je trouverais cela moins dur ! Mais il s’agit d’une somme donnée, et V. G. repousse une demande légitime pour se réfugier dans la légalité la plus pointilleuse ! Si je ne pouvais expliquer la transaction et prouver mes billets, je paierais deux fois ! Et si j’obtiens justice, ce sera par la Cour, et non, ce semble par la conscience du donataire ! Encore une fois Mgr : comment V. G. ose-t-elle parler de mon astuce ?
Que Dieu me garde, Mgr. de rejeter la moindre responsabilité de ce qui se passe sur vos prédécesseurs ! Jamais, certes, ils ne m’eussent traité de la sorte. Jamais, j’en jurerais, ils n’eussent cherché à se prévaloir d’une erreur ou d’un oubli ! Et cela prouve tout simplement que même avec les Évêques irréprochables il est bon de prévoir la possibilité d’un successeur affectionnant la ressource légale !
Et maintenant M. je Secrétaire ne soufflera mot naturellement ; nous en avons sa parole, qu’il saura probablement mieux observer que la justice à mon égard. C’est justement dans un cas comme celui-ci, en effet, que le silence est d’or : 1° parce qu’on ne voudrait pas lâcher l’or que l’on a reçu : 2° parce que l’on ne saurait probablement trop que dire. Naturellement alors la langue devient un meuble incommode.
Or V. G. ayant décidé d’agir à la lettre d’après cette belle maxime tirée du Coran, et se réfugiant dans le mutisme, il ne me reste d’autre ressource, pour la forcer de parler justice et raison, que de l’amener en Cour par une action civile sommant V. G. ou de construire l’église ou de remettre les deniers souscrits pour cet objet. Alors il faudra bien que les sommes payées se constatent. L’inqualifiable lettre de V. G. est donc la seule cause, vu le refus subséquent d’admettre ce qui est juste, de deux procès que je me trouve forcé de lui intenter ; l’un pour protéger ma réputation, l’autre pour forcer un donataire ecclésiastique de reconnaître ce qu’un donateur laïque lui a payé. Ceci me rappelle, Mgr. que le quatrième concile de Carthage défend aux Évêques de plaider pour leurs intérêts temporels. À combien plus forte raison, Mgr. leur est-il défendu de le faire pour soutenir une attaque injuste contre la réputation d’autrui ?
Enfin Mgr. passons à ma sœur, Mme Laframboise, à qui V. G. a fait faire le reproche public de n’avoir pas payé un sou sur sa souscription. Laissons de côté la suprême inconvenance de traiter ainsi une femme qui avait bien fait quelque chose pour les institutions religieuses de St. Hyacinthe, et qui, n’eût-elle pas payé, était dans son droit puisque l’église, objet de sa souscription, ne se construisait pas.
Mais que dire, Mgr., d’un établissement épiscopal où l’on tient si bien les livres que quoique la souscription de Mme. Laframboise semble être intégralement payée, il n’en parait rien aux livres ?
M. le Secrétaire admet $200 payées par Monsieur Laframboise, mais ce Monsieur a en mains un reçu pour £88 ou $352. Sans doute on l’aura crédité de $200 sur le capital et de $152 sur les intérêts ; et suivant la consciencieuse méthode de ne pas tenir compte des intérêts, M. le Secrétaire affirme qu’il n’a reçu que $200. La famille aurait donc payé en tout en intérêts $718 dont il faudra bien lui tenir compte en Cour, mais que l’on refuse — sans l’ombre d’astuce, probablement — d’admettre devant le public.
Mais maintenant, Mgr, M. Laframboise a en mains plusieurs billets qui avaient été escomptés à la banque au profit de l’Évêché ; c’est-à-dire que l’Évêché en a reçu le montant et que M. Laframboise les a payés. Ces billets, Mgr, dont un de $700 en 1855 et plusieurs autres moindres donnés subséquemment, réglaient intégralement (ou à très peu de chose près) la souscription de $1000 de Mme Laframboise, que l’Évêché affirme n’avoir pas payé un sou !
M. Laframboise est prêt à prouver, Mgr, qu’il a payé à l’Évêché bien près de $1400, et on ne lui tient compte que de $200 ! M. Laframboise aussi aura ses certificats de la banque au besoin.
Et il va sans dire que l’astuce et le mensonge, (les propres mots de V. G.) sont toujours pour nous donateurs !
Voilà encore une question, Mgr, qui ne peut se régler que par la Cour, puisque le silence étant d’or après l’insulte, V. G. s’y réfugie comme dans une forteresse inexpugnable.
V. G. semble, en effet, n’avoir fait qu’un oubli : c’est de n’avoir pas songé, avant sa lettre, que le silence était d’or.
V. G. d’après M. le Secrétaire, maintient l’exactitude des livres de l’Évêché. Ils sont tellement exacts qu’ils ne mentionnent pas environ $1800 payées par M. Laframboise et par moi !
M. le Secrétaire affirme que V. G. serait bien fâchée si l’on ne nous rendait pas pleine justice :
Et pourtant, Mgr, quand on n’admet, comme payée par la famille, que la somme de $1680, on ne nous fait que l’insignifiante injustice de retrancher :
D’abord les intérêts portés aux livres |
$ 718 |
Plus, le montant de deux billets payés par moi |
605 |
Plus, le montant de plusieurs billets payés par M. Laframboise, formant au moins |
1100 |
$2423 |
C’est-à-dire que la pleine justice de V. G. consiste à nous retrancher une somme de $2423 !
C’est-à-dire encore que la pleine justice de V. G. consiste à affirmer publiquement que la famille n’a payé en tout et partout que $1680, quand elle a réellement payé les sommes suivantes :
Sur le capital, (admis par l’Évêché) |
$1680 |
Sur les intérêts, (portés aux livres, mais non admis devant le public) |
718 |
Payé par M. Laframboise. (et non entré aux livres) au moins |
1100 |
Payé par moi (et non entré) |
605 |
Total |
$4103 |
Voilà Mgr ce que nous prétendons de bonne foi avoir payé ; et m’est avis que si la Cour supporte nos prétentions, (et nous sommes parfaitement tranquilles là-dessus,) le ni plus ni moins de M. le Secrétaire va se trouver passablement écorché.
Si nous nous trompons, nous sommes en tout temps prêts à l’admettre, et pour rien au monde nous ne nous réfugierons dans la ressource légale. Quand a V. G. sa lettre semble assez fortement indiquer que quand Elle se trompe Elle tient fort a ce que ce soient les autres qui avouent qu’ils se sont trompés ! Or je me surprends à croire que la justice évangélique n’exige pas cela, Mgr.
En voilà assez pour cette fois, Mgr ; et j’espère, après la vacance des Cours, mettre V. G. en position de prouver : 1°. que je suis un homme sans caractère et sans véracité ; 2°. que les livres de l’Évêché sont corrects et bien tenus, et que nous n’avons réellement payé que $1680 sur nos souscriptions.
Au revoir, Monseigneur.
1°. Agir en affaires, avec les plus honnêtes gens, comme s’ils devaient tomber dans l’édifiante habitude de la ressource légale.
2°. Quand on donné à certaines gens, faire de suite ses préparatifs de guerre.
J’ai l’honneur d’être, Monseigneur,