À ceux qui partent (Verhaeren)
Tandis qu’au loin, là-bas, des navires s’éclairent,
Toutes leurs voiles battant l’air,
Au ras des vagues, sur la mer,
Comme des aigles d’or passent les vents solaires.
Les flots s’enflent, géants et fous.
Bons matelots, embarquez-vous.
L’aube est fière, l’heure est belle comme la gloire ;
La côte entière est comme un seuil,
Pour les pas larges de l’orgueil
Qui vont rôdant de promontoire en promontoire.
Les flots s’enflent, géants et fous.
Bons matelots, embarquez-vous.
Choisissez bien le port d’où partiront vos rêves ;
Et puis, sans nuls regrets, allez
Vers les foules aux fronts hâlés
Dont les désirs sont droits comme un faisceau de glaives.
Les flots s’enflent, géants et fous.
Bons matelots, embarquez-vous.
Voici la merveilleuse immensité des eaux
Et les grands flots ornés de crêtes
Se soulevant, vers les conquêtes,
Comme des escaliers d’écume et de joyaux.
Les flots s’enflent, géants et fous.
Bons matelots, embarquez-vous.
Les horizons sont pleins de couronnes flottantes,
Quel est le chef, quel est le front,
Où tout à coup se fixeront
Les cercles d’or de leurs lueurs omnipotentes ?
Les flots s’enflent, géants et fous.
Bons matelots, embarquez-vous.