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À l’heure des mains jointes (1906)/La Soif impérieuse

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LA SOIF IMPÉRIEUSE



Jétais hier la voyageuse solitaire.
J’allais, portant au cœur une âpre anxiété…
J’avais besoin de toi comme d’un flot d’été,
D’un flot purifiant où l’on se désaltère.

Aujourd’hui, mon silence a des bonheurs pensifs.
Ô très chère ! et mon âme est une coupe pleine,
Le monde est beau comme un verger de Mytilène :
Je ne crains plus le soir qui pleure sous les ifs.


J’avais besoin de toi comme d’une eau courante
Que l’on écoute et qui berce votre chagrin
Dans un ruissellement musical et serein…
J’entendis ta voix claire ainsi qu’une eau qui chante.

Ta voix coulait, murmure et cadence à la fois,
Chère, et ce fut dans mon être le bleu nocturne,
Et je sentis alors mon chagrin taciturne
S’attendrir… J’écoutais l’eau pure de ta voix.

Depuis lors, la lourdeur des blancs midis m’enchante,
Et ma soif ne craint plus le soleil irrité…
J’avais besoin de toi comme d’un flot d’été,
J’avais besoin de toi comme d’une eau qui chante…