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À la mère polonaise (traduction, II)

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À la mère polonaise
Traduction par Anonyme.
(p. 1125).

« Ô mère polonaise ! lorsque l’éclair du génie brille dans le regard de ton fils, que l’antique valeur et l’antique fierté ceignent d’une auréole son jeune front ; lorsque fuyant les jeux de ses camarades, il s’en va chez le vieillard qui lui chante les airs patriotiques, ou bien, les yeux baissés, il écoute, pensif, les légendes de ses aïeux : ô mère polonaise ! préserve ton enfant de ces jeux terribles ! Cours plutôt te prosterner devant l’image de la Vierge douloureuse, et regarde le glaive qui déchire son sein ; car le sort va te frapper d’une atteinte aussi cruelle ! Oui, tandis que la paix fait refleurir le monde entier, dans une alliance de peuples, de dogmes, d’opinions, ton fils est appelé à des combats sans gloire, au trépas du martyre, sans espoir de résurrection. Ordonne-lui plutôt d’aller méditer dans la caverne solitaire ; étendu sur la paille, d’aller respirer une vapeur molle et glacée, de partager sa couche avec le reptile immonde. Là, qu’il apprenne à déguiser ses joies et ses colères, à creuser sa pensée comme un abîme, à rendre ses discours mystérieux et funestes comme la contagion, à se composer, comme le serpent, un maintien de froideur et d’humilité.

« Le Sauveur, parmi les enfants de Nazareth, portait déjà la croix sur laquelle il a sauvé le monde, ô mère polonaise ! j’aimerais mieux voir ton enfant jouer avec les instruments de ses jeux à venir !

« Que sa main s’accoutume à la chaîne ; qu’elle apprenne à traîner l’infâme tombereau ; que son front ne pâlisse pas devant la hache de l’exécuteur et ne rougisse point à l’aspect de la corde. Car il n’ira pas, comme les guerriers d’autrefois, arborer la victoire sur les murs de Solyme, ni, comme les soldats du drapeau tricolore, creuser le sillon de la liberté, l’arroser de sang. Un espion ténébreux lui jettera le défi ; il lui faudra combattre un tribunal parjure ; la lice du tournoi sera le cachot souterrain ; un ennemi tout-puissant sera son arbitre et son juge.

« Vaincu, l’arbre desséché de la potence sera son monument funèbre ; sa gloire et son immortalité, les larmes silencieuses d’une femme, et les longs entretiens nocturnes de ses concitoyens.