À une mère qui pleure
Œuvres complètes de Émile Deschamps, Alphonse Lemerre, éditeur, , II. Poésie, deuxième partie (p. 129).
II
À UNE MÈRE QUI PLEURE
Comme un voleur de nuit, chez vous la mort avide
S’est glissée ; et voilà qu’il dort sous le gazon
Le beau petit enfant, lui qui, dans la maison,
Tenait si peu de place… et laisse un si grand vide !
Quand le fil de nos jours lentement se dévide
Sur le fuseau fatal, et que notre toison
Tombe mûre et jaunie à l’arrière-saison,
Insensé qui se plaint du moissonneur livide !
Mais qui donc avec vous, qui ne gémirait pas,
Voyant que votre Abel se lasse au premier pas,
Que son rire si vite en un râle se change !…
Pourtant réfléchissons que Dieu dut bien l’aimer,
Puisqu’il le prend à l’âge où, sans le transformer,
De l’enfant rose et blond il va se faire un ange.