École Polytechnique de Copenhague

La bibliothèque libre.

COPENHAGUE.École Polytechnique. — Le Danemark est de tous les pays de l’Europe celui où l’on prend le plus de soin de l’instruction du soldat et du sous-officier. Depuis vingt ans, le gouvernement a apporté à l’amélioration morale et intellectuelle de l’armée, une sollicitude et une persévérance qui ont déjà produit les plus heureux fruits. En effet, il est peu d’armées qui puissent se vanter de ne compter presque aucun soldat qui n’ait acquis des connaissances élémentaires, et une idée parfaite de ses devoirs et de sa destination. On a tant fait pour l’éducation du peuple danois, qu’à peine rencontre-t-on sept à huit recrues sur cent à qui il soit nécessaire d’enseigner à lire et à écrire à leur entrée au corps. Ceci n’empêche pas cependant que chaque régiment ne possède une école d’enseignement mutuel. D’un autre côté, la gymnastique étant regardée comme le complément indispensable de l’éducation du militaire, avant qu’un jeune soldat soit admis à faire partie de l’armée, il faut qu’il sache courir, sauter, voltiger, grimper et nager. Il doit pouvoir traverser à la nage, avec armes et bagages, une distance d’au moins 125 mètres, et savoir charger et tirer son fusil de dessus les poutres, cordes ou barres sur lesquelles il serait monté.

L’éducation des sous-officiers n’est pas moins bien soignée que celle des soldats. Dans chaque régiment, il y a une bonne école où l’on s’occupe spécialement de leur éducation ultérieure, et dans laquelle se trouvent des classes séparées pour les sous-officiers d’un grade supérieur, tels que ceux de maréchaux-des-logis, fourriers, sergens-majors et écrivains de régiment

On a aussi apporté le même soin à former les aspirans aux lieutenances, et, depuis trente ans, il a fallu, pour obtenir ce grade, subir un examen préalable, et avoir fréquenté les écoles élémentaires durant quatre, cinq ou six ans.

La haute instruction de l’armée a également fixé depuis peu l’attention toute particulière du gouvernement danois, qui vient, à cet effet, de fonder à Copenhague une institution analogue à l’École polytechnique de Paris. La durée des études y sera de quatre années. Pendant les deux premières, l’instruction sera la même pour tous les élèves. On leur enseignera la haute analyse, la géométrie descriptive, la physique, la chimie, la topographie militaire, la géodésie, le français, l’allemand et l’anglais.

À l’expiration des deux années, la destination de chaque élève sera fixée, soit pour l’état-major, le génie, l’artillerie, les ponts et chaussées, le corps de fusées (à la Congrève), ou le professorat dans les écoles militaires.

Pendant les deux dernières années, une partie de l’instruction sera commune à tous les élèves. Tous apprendront la construction des machines, la mécanique technique, la technologie militaire, la géographie statistique et militaire du royaume, la tactique appliquée, et l’histoire de la guerre.

Les élèves du génie apprendront la fortification, l’hydrotechnique, principalement la construction des canaux et des ponts, l’architecture civile, la construction des ouvrages de fortification et un peu d’artillerie.

L’officier d’artillerie et celui du corps des fusées apprennent l’artillerie, la fortification et la construction des ouvrages de fortification.

L’officier des ponts et chaussées suivra des cours d’hydrotechnique ou de construction des écluses, canaux et ponts, d’architecture civile, de construction d’ouvrages de fortification, de construction et d’entretien des ponts et chaussées, et recevra aussi quelques notions de fortification et d’artillerie.

L’officier d’état-major apprendra les fonctions de l’état-major, l’administration militaire, l’histoire de quelques campagnes mémorables, la tactique appliquée, et les principes de la stratégie ; le droit de la nature et des gens, la fortification, l’artillerie et la construction des ouvrages de fortification.

Les professeurs destinés aux écoles militaires seront choisis parmi les officiers susmentionnés. Il n’y aura point pour eux de cours particuliers.

Les exercices pratiques en tous genres formeront une autre branche principale de l’instruction des élèves. Pendant les deux premières années, fixées pour les études préparatoires, ces exercices se borneront à une tournée de quatre semaines pour la levée des plans, et pour les opérations géodésiques. Ce sera seulement dans les deux dernières années qu’on s’occupera d’exercices pratiques, qui seront ou communs ou particuliers aux officiers de chaque corps.

Tous devront se familiariser avec le service ordinaire et l’exercice des différentes armes, suivre des cours pratiques, 1o d’artillerie, pendant onze semaines ; 2o de génie, pendant cinq ; 3o de l’art de jeter les ponts, pendant trois ; 4o de pyrotechnie militaire, pendant trois autres semaines, et, enfin exécuter une marche de trente-cinq jours dans le pays, avec une partie des troupes de la garnison de Copenhague, et un voyage technique de dix aux fabriques d’armes, fonderies de canon, moulins à poudre, etc.

L’instruction spéciale consistera, pour l’officier d’état-major, dans des travaux géodésiques d’un ordre supérieur, et, pour celui d’artillerie, dans le service de l’artillerie à cheval et dans des travaux particuliers de laboratoire et de manipulation.

Soit que l’enseignement ait lieu dans l’intérieur de l’école ou en plein champ, le travail individuel des élèves devra être le moniteur principal. Les professeurs leur serviront seulement de guides. Dans l’enseignement et l’application des sciences mathématiques, la haute analyse devra former la base fondamentale du cours d’études.

Le roi a fait don à l’établissement d’un vaste bâtiment situé à Copenhague, et l’a doté d’un revenu de 17,000 rixdalers (50,000 fr.). Il a en outre mis à la disposition des élèves les officiers, sous-officiers et soldats nécessaires pour le service de la maison. Le lieutenant-général Bulow en est nommé gouverneur, et la direction générale des études est confiée au chevalier d’Abrahamson, un des hommes les plus distingués du Danemarck. Le personnel de l’école se compose d’un officier supérieur, d’un capitaine et de dix-huit professeurs.