École des arts et métiers mise à la portée de la jeunesse/Le Jardinier

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Anonyme
Traduction par T. P. Bertin.
L. Duprat-Duverger, libraire (1p. 28-37).


LE JARDINIER.





Le jardinier s’occupe de la culture des arbres fruitiers, des fleurs, des plantes et des légumes de toute espèce.

Les jardins se distinguent en parterres, jardins à fruits et jardins potagers : les premiers servent pour le plaisir et pour l’ornement ; ils sont placés dans l’endroit le plus apparent, les deux autres sont destinés au service de la maison, et placés dans les endroits les plus retirés. Autrefois ils étaient distincts ; mais aujourd’hui on les réunit en un, parce que tous deux exigent un bon terrain ainsi qu’une bonne exposition, et qu’ils sont placés ordinairement loin de la maison.

Le Jardinier.

Les principales opérations du jardinier consistent à planter, greffer, tailler, semer, etc. La plupart de ces opérations sont si connues que nous ne parlerons que de la greffe, qui est l’art d’insérer une branche d’arbre dans la branche ou le tronc d’un autre, pour en corriger ou améliorer le fruit.

Les outils nécessaires pour ce travail sont un couteau à greffer, une quantité de liens de jonc ou de laine pour nouer les deux branches ou les deux troncs, et de l’argile bien détrempée pour en enduire la ligature et la préserver de l’air et de la pluie. Quand les greffes ou les boutures, qui doivent avoir une année de croissance, sont prêtes, vous choisissez une partie unie du tronc ; vous en ôtez l’écorce avec un peu du bois de la longueur d’un pouce, de manière qu’elle ait la forme d’un coin. Ces branches doivent être garnies de quatre à cinq yeux. On dispose ensuite l’une d’elles de manière qu’elle remplisse le vide de l’autre à l’endroit où elle a été fendue, et que leurs écorces puissent se joindre de tous les côtés. Après avoir ainsi fixé la greffe vous la nouez immédiatement à plusieurs tours avec un lien de jonc, en ayant soin de maintenir la greffe dans sa position. Ce bandage étant bien attaché, vous couvrez la place d’argile, pour que ni le vent, ni le soleil, ni la pluie n’y puissent pénétrer. Cette greffe se nomme greffe en fente.

Deux genres de greffer sont merveilleusement bien définis par ces vers de l’abbé Delille :

Cet art a deux secrets dont l’effet est pareil ;
Tantôt, dans l’endroit même où le bouton vermeil
Déjà laisse échapper sa feuille prisonnière,
On fait avec l’acier une fente légère ;
Là d’un arbre fertile on insère un bouton,
De l’arbre qui l’adopte utile nourrisson ;
Tantôt des coins aigus entr’ouvrent avec force
Un tronc dont aucun nœud ne hérisse l’écorce.
À ces branches succède un rameau plus heureux ;
Bientôt ce tronc s’élève en arbre vigoureux,
Et, se couvrant de fruits d’une race étrangère,
Admire ses enfans dont il n’est pas le père.

                                        Géorgiques.

Le jardinier représenté par la vignette est dans un parterre ; il est occupé à bêcher. Il y a devant lui un rateau, un arrosoir et une bêche ; à gauche est une planche de tulipes, et derrière elles, sur un amphithéâtre, différens pots.

À sa droite est l’aloës, qui ne fleurit qu’une fois dans un siècle.

La culture des fleurs est une occupation très-agréable ; avec une attention convenable il en est auxquelles on parvient à donner une très-belle apparence, quoiqu’elles en eussent une très-simple et très-ordinaire. Il existe plusieurs espèces de jardiniers ; les uns gagnent leur vie à cultiver les jardins des autres ; et ils reçoivent par an une somme proportionnée à l’étendue de ce jardin qu’ils cultivent ; d’autres vivent dans les maisons des riches particuliers, et reçoivent, comme les autres domestiques, des gages suivant leurs talens. Il est des jardiniers qui travaillent à la journée au dehors.

Indépendamment de ces jardiniers il est des maraîchers, c’est à dire des personnes qui élèvent des plantes et des légumes, et les font vendre dans les marchés et autres lieux. Les jardins pour la culture des légumes destinés à être vendus ont été exploités pour la première fois aux environs de Sandwich, dans le comté de Kent.

Cet exemple fut bientôt suivi près de la capitale, et il est peu de spectacles plus intéressans que la vue du marché de Covent-Garden, les matins des samedis, au commencement de l’été.

À quelques milles de la métropole il y a environ cinq mille acres de terre constamment cultivés pour l’approvisionnement du marché de Londres en légumes, sans compter dix-huit cents acres plantés d’arbres à fruit de toute espèce, et environ dix-sept cents acres de pommes de terre. Les paroisses Saint-Paul, Deptford, Chiswich, Battersea et Mortlahe sont célèbres par leurs asperges ; Deptford est aussi renommé pour la culture des oignons, dont il ne se vend que la graine ; il y en a environ vingt acres de semés tous les ans.

La profession de jardinier, ses instrumens de jardinage, les jardins et tout ce qui concerne son état, ont fait naître différens proverbes et expressions figurées ; voici les principales : on dit vulgairement et proverbialement jeter des pierres dans le jardin de quelqu’un, pour dire mêler dans un discours des paroles qui attaquent quelqu’un indirectement ; ne voyez-vous pas qu’en disant telle chose il jetait des pierres dans votre jardin ; ce mot est une pierre jetée dans mon jardin. En parlant d’une chose qu’on regarde comme très-difficile on dit j’aimerais mieux bêcher la terre que de faire ce que vous me dites. On dit vulgairement et familièrement de laquais, d’écoliers et d’autres gens malins, que c’est une mauvaise graine ; que mauvais grain est tôt venu.