Éléments de thermodynamique cinétique/03

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Gauthier-Villars, éditeurs (p. 3-6).

3. Forces, accélérations et masses. — Ce principe une fois posé, lorsque l’on voit un point matériel initialement au repos se mettre en marche, ou plus généralement lorsque l’on voit sa vitesse se modifier en grandeur, ou même seulement en direction, on attribue ce phénomène à une action exercée sur lui par l’extérieur : on dit qu’il est soumis à une force. Cette notion de force s’impose d’elle-même dans les cas où l’action extérieure est liée à un phénomène physique immédiatement observable et mesurable, comme la déformation élastique du ressort d’une arbalète, ou la tension des fils de caoutchouc d’un lance-pierre. On conçoit encore très bien que le fil de la fronde exerce, bien qu’inextensible, sur la pierre, la force nécessaire pour la maintenir sur une trajectoire circulaire, alors que son mouvement spontané consisterait à chaque instant à s’échapper en mouvement rectiligne suivant la tangente au cercle (ce qu’elle ne manquera pas de faire d’ailleurs aussitôt qu’on lâchera le fil de retenue) ; cette force serait d’ailleurs rendue matériellement visible et mesurable si l’on remplaçait le fil inextensible par un fil de caoutchouc.

On arrive ensuite simplement à la notion de forces à distance s’exerçant sans lien matériel, lorsque l’on constate que la balle de sureau du pendule électrique se précipite sur le plateau métallique placé en face de lui, dès que l’on réunit ces deux conducteurs aux deux pôles d’une batterie électrique chargée. De là, on est conduit sans difficulté à attribuer à une autre force à distance exercée par la Terre, la mise en marche de la pierre pesante que l’on abandonne à elle-même. Cette force de gravitation ne peut d’ailleurs plus être établie ou supprimée à volonté : elle existe invariablement sans que nous puissions agir sur elle.

Il y a lieu de préciser la définition de la grandeur qui caractérise la variation de vitesse du point matériel, par laquelle se manifeste la force.

Cette définition est très simple lorsque le mouvement du point matériel reste rectiligne, ce qui se produit lorsque la force reste toujours dirigée suivant la même droite que la vitesse La variation de la vitesse est alors caractérisée par sa dérivée par rapport au temps qu’on appelle l’accélération du point matériel dans son mouvement rectiligne. Elle n’est pas autre chose que la vitesse avec laquelle se déplace l’extrémité d’un vecteur construit à partir d’une origine fixe O et égal à chaque instant à la vitesse actuelle du point matériel.

Un fil de caoutchouc tendu de façon déterminée exerce une force déterminée. En comparant les accélérations au départ qu’il imprime à divers points matériels, on introduit la notion de coefficients caractéristiques de ces divers points matériels que l’on appelle leurs masses d’inertie, ou plus simplement leurs masses. On les définit comme inversement proportionnelles aux accélérations observées, et l’on prend arbitrairement l’une d’entre elles comme unité. Des expériences faites avec deux balles de plomb identiques, puis avec la balle obtenue en les fondant ensemble, qui subit une accélération au départ moitié moindre, manifestent d’autre part l’addition pure et simple des masses d’inertie qui accompagne l’addition de matière : cette additivité montre que la masse est une propriété intrinsèque de la matière ; elle est invariable, du moins si l’on se contente d’étudier les vitesses très faibles vis-à-vis de la vitesse de la lumière, pour lesquelles la Théorie de la relativité n’introduit que des corrections absolument négligeables.

Deux fils de caoutchouc, identiques et identiquement tendus, exercent deux forces égales. S’ils agissent ensemble sur le même point matériel, on constate qu’ils lui impriment une accélération au départ deux fois plus, grande.

Ces diverses constatations et définitions se résument dans la relation

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Elle se présente ici comme une relation algébrique entre la valeur numérique de la force et la valeur numérique de l’accélération qui sont dirigées sur la même droite. On peut toutefois la considérer aussi comme une relation entre les vecteurs et qui sont portés tous les deux par cette droite commune.

Dans le cas où la trajectoire du point matériel n’est pas rectiligne, il faut évidemment définir la force par sa grandeur et par sa direction c’est-à-dire par un vecteur L’accélération elle aussi est caractérisée par un vecteur, dont la définition généralise, dans l’espace à trois dimensions, la propriété qu’on a notée plus haut dans le cas du mouvement rectiligne. À partir d’un point fixe O, on porte un vecteur équipollent (c’est-à-dire égal et parallèle) à chaque instant à la vitesse actuelle du point matériel M ; l’extrémité de ce vecteur décrit une courbe, appelée hodographe, et sa vitesse est à chaque instant un vecteur bien défini : le vecteur équipollent mené par le point M définit son accélération Dans tous les cas où la force peut être déterminée soit par observation directe (par exemple si elle est exercée par un fil de caoutchouc), soit par une exploration préalable au moyen du point matériel maintenu en équilibre en ce même point (champ de forces, par exemple champ de gravitation), on constate que les vecteurs et sont portés par la même droite, et que leurs grandeurs sont encore entre elles dans le même rapport , ce que l’on exprime par l’équation vectorielle

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En généralisant ce résultat, chaque fois que l’on constatera que le point matériel subit une accélération définie comme on l’a fait ci-dessus, on affirmera qu’il est soumis à une force définie par la relation vectorielle

La Terre est entourée d’un champ de forces radiales, dites de gravitation, qui s’exercent spontanément et invariablement sur tous les points matériels. Elles présentent cette particularité tout à fait intéressante que tous les points matériels y subissent la même accélération . C’est dire qu’ils y sont soumis à des forces proportionnelles à leurs masses d’inertie . La masse, coefficient d’inertie, est donc en même temps un coefficient de pesanteur ; pour comparer les masses de deux points matériels, il n’est alors pas nécessaire de mesurer des accélérations : il suffit de comparer leurs poids, ce qui se fait très simplement avec un peson ou avec une balance.