Éléments de thermodynamique cinétique/10

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Gauthier-Villars, éditeurs (p. 14-16).

10. Échanges de chaleur, et quantités de chaleur. — Dans un vase recouvert de protections isolantes et contenant de l’eau chaude, plongeons un récipient métallique à parois minces contenant de l’eau froide : l’eau chaude se refroidit et l’eau froide s’échauffe. On dit que de la chaleur passe de l’eau chaude à l’eau froide, à travers la paroi du récipient. Cela signifie, dans la conception cinétique de la température, qu’une partie de l’énergie cinétique des molécules d’eau chaude passe aux molécules d’eau froide ; les chocs des unes et des autres avec les molécules de la paroi métallique fournissent le mécanisme de ce transfert d’énergie cinétique.

Ce transport de chaleur se poursuit jusqu’à ce que les températures des deux masses d’eau soient devenues égales, ce qui correspond à une même valeur de leurs énergies cinétiques moléculaires moyennes, c’est-à-dire à une répartition homogène de l’énergie cinétique moléculaire globale. L’énergie cinétique prend la même valeur dans tous les éléments de masse égaux, sous la seule condition qu’ils contiennent un nombre de molécules assez élevé pour que la probabilité d’écart entre leur valeur moyenne et la moyenne générale soit négligeable.

Cet échange d’énergie cinétique moléculaire, qui apparaît comme normal et prévu a priori entre deux portions d’une même matière, si les vitesses moyennes d’agitation y sont inégales, se produit aussi entre deux matières différentes mises en contact l’une avec l’autre : l’expérience précédente en donne d’ailleurs déjà un exemple, puisque la paroi métallique du récipient interposée entre les deux masses d’eau, reçoit et cède les quantités de chaleur transmises. Lorsque ces échanges cessent entre les deux matières mises en contact mutuel, on dit qu’elles ont atteint la même température.

Ces échanges peuvent faire l’objet d’évaluations quantitatives, si l’on définit une unité de quantité de chaleur. Dans la conception cinétique, cette unité devrait logiquement se confondre avec l’unité d’énergie cinétique, autrement dit avec l’unité de travail. En réalité, on a conservé pratiquement une unité arbitraire, choisie avant l’introduction de la conception cinétique : c’est la quantité de chaleur qu’il faut fournir à 1kg d’eau pour le faire passer de la température bien définie que l’on appelle 15 °C. à la température qui a nom 16 °C. ; on l’appelle calorie, ou plus précisément grande calorie. On emploie aussi la petite calorie, mille fois plus petite, qui fait passer 1g d’eau de 15 °C. à 16 °C.

Ce phénomène de transport direct d’énergie cinétique moléculaire, de proche en proche, par les chocs mutuels des molécules s’appelle la conduction calorifique.

Il est à noter que cet échange de chaleur entre corps matériels à des températures différentes est un phénomène encore plus général, et peut se produire même sans qu’il y ait aucun milieu matériel interposé entre les deux corps, grâce au phénomène du rayonnement : tout corps matériel tend à se refroidir en donnant naissance, dans l’espace qui l’environne, à un rayonnement, c’est-à-dire à des champs électromagnétiques qui se propagent dans le vide avec une vitesse très élevée (300 000km par seconde). Ce rayonnement emporté l’équivalent de la chaleur, c’est-à-dire de l’énergie cinétique moléculaire, perdue par le corps qui rayonne. Inversement, ce rayonnement peut être absorbé par un corps matériel : il y provoque alors une augmentation de l’énergie cinétique moléculaire, que l’on peut exprimer en disant que ce corps reçoit de la chaleur créée par le rayonnement.

Si un corps est placé à l’intérieur d’une enceinte fermée à même température que lui, il y a, lorsque le régime d’équilibre est atteint, compensation exacte entre les quantités de chaleur qu’il émet et qu’il reçoit par rayonnement. Au contraire, si deux corps matériels à des températures différentes peuvent échanger leurs rayonnements, il n’y a pas compensation, et l’on constate au total un transport de chaleur du corps le plus chaud au corps le moins chaud.