Élysée Loustallot et les Révolutions de Paris/Appendice

La bibliothèque libre.


APPENDICE.




« le véritable ami des hommes. »


M. Deschiens, dans son célèbre catalogue des journaux de la Révolution française, attribue à Loustallot la publication d’une feuille intitulée : « Le Véritable ami des Hommes de toutes les nations, journal libre et impartial, spécialement consacré au bonheur de l’humanité, et à la plus grande prospérité de la nation française. »

Nous avons eu le rare bonheur de trouver ce recueil, composé en tout de six numéros (imprimé chez Jacob Sion et Simon, 251, rue Saint-Jacques). Il paraissait deux fois par semaine, le dimanche et le mercredi ; le premier numéro, sans date, doit être du commencement de septembre 1790.

L’auteur s’est inspiré des Révolutions de Paris, et des Révolutions de France et de Brabant. Comme Loustallot, il appelle Necker « ministre adoré ; » pour lui comme pour Camille, La Fayette n’est que M. Motié. Chaque numéro est précédé d’un sommaire détaillé dans le genre de ceux du Père Duchêne. (Grande erreur des aristocrates. — Grands avantages de la liberté de la presse. — Grande motion des patriotes, etc., etc.) C’est de la politique libérale et vraiment révolutionnaire ; mais nous ne pouvons y reconnaître la plume de Loustallot pour plusieurs raisons.

Dans son numéro 5, par exemple, l’auteur adresse un chaleureux appel aux journalistes républicains. Il fait l’éloge de Loustallot, qu’il considère comme au-dessus de tout soupçon. Mais il attaque Prudhomme et engage Carra, Desmoulins, à ne pas « céder aux malignes et pestilentielles influences de l’aristocratie. »

Le numéro 6 (le dernier) porte en tête de son sommaire : « Grande et fâcheuse nouvelle pour tous les bons patriotes, » et annonce en ces termes la mort du principal rédacteur des Révolutions de Paris :

« Citoyens, amis de la liberté, pleurez, prenez le deuil. Un des écrivains les plus dévoués à la Révolution, celui dont la surveillance était la plus utile à la cause de la liberté, celui dont la plume était plus terrible aux aristocrates que cent mille baïonnettes, vient de perdre la vie… Comment M. Prudhomme fera-t-il pour continuer ou plutôt faire continuer ses Révolutions ? Quel écrivain pourra ou se voudra charger d’entretenir ce grand concours de souscripteurs qui achetaient les Révolutions imprimées et débitées dans les bureaux de M. Prudhomme, de ce M. Prudhomme qui a si indignement agi avec le premier auteur de sa fortune, ce M. Tournon à l’égard duquel M. Loustallot n’était peut-être pas sans reproches ? Mais jetons un voile, s’il est nécessaire, sur les torts particuliers que peut avoir un homme dont les talents ont été si utiles à la chose publique. »

Et on lit à la fin du numéro, sous cette rubrique : Avis très-important. « Les auteurs vont se mettre de plus en plus en état de rendre ce journal piquant et intéressant. La mort de M. Loustallot leur impose le devoir de faire leurs efforts pour suppléer aux travaux de cet estimable écrivain. »

Cette phrase a pu faire croire à un lecteur inattentif que Loustallot collaborait au Véritable ami des Hommes. Mais il suffit de citer ces extraits pour prouver le contraire. Loustallot, du reste, quand parut le premier numéro de ce recueil (qui ne fut pas continué), était cloué dans son lit par la maladie qui l’emporta. Le Véritable ami des Hommes serait plutôt, à notre avis, de Tournon.