Épaves (Prudhomme)/La Jalousie

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ÉpavesAlphonse Lemerre. (p. 63-64).


LA JALOUSIE


Quand le sort, échanson distrait, tient la liqueur
Désespérément haut, trop haut pour qu’elle attire,
Elle ressemble à l’astre où nulle main n’aspire :
Le désir n’est qu’un rêve, une vague langueur.

Quand le philtre d’amour se rapproche du cœur,
Un tourment l’envahit, pas encore le pire,
Car la tentation n’en fait pas un martyre
Avant que le refus ait dressé sa rigueur ;


On peut patienter, apprendre la constance,
Du breuvage déjà jouir même à distance :
L’image qu’on en forme en a l’arôme frais ;

Mais qu’un rival heureux se délecte à sa guise,
De ce nectar qu’on sent à l’infini… tout près,
L’affreux dard de la soif comme un poignard s’aiguise.