Épisodes, Sites et Sonnets/Épilogue

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Épisodes, Sites et SonnetsLéon Vanier (p. 107-111).

ÉPILOGUE

Le vol effarouché des oiseaux crêtés d’or
Distrait l’unique soin de notre double extase,
Et dans le rougeoiement dont l’Occident s’embrase
Leurs ailes vont fondre la pourpre d’un essor ;

Un vain rêve emporté tourne en chute de plume
Aux remous d’air de ce passage fulgurant
Dont tu suis le départ de tes yeux las s’ouvrant
Sur d’autres horizons que ton désir présume ;

Ce songe où notre âme mutuelle s’oublie,
Guirlande jumelle et fragile, se délie
En ce déclin crispant sa tresse qui se tord ;

Un vent d’aile néfaste a défleuri la touffe
Des lis et, dans le soir triste de quelque mort,
L’éclair du Glaive rentre au fourreau qui l’étouffe.

ÉPILOGUE

Un retour de ramiers migrateurs s’exténue
À l’Occident où meurt le jour comme un sourire ;
Une Ère de ma Vie en la nuit inconnue
Se clôt, et ma sagesse accueille d’un sourire
L’ombre massive et redoutable et sa venue.

Au chœur évanoui de quelque vague danse
Éclate d’une Lyre une corde rompue
Au fond des bosquets lourds de fleurs et de silence
Où de la tresse d’une guirlande rompue
Choit la défleuraison des roses d’indolence.


Voici venir le soir où mon Rêve suppute
Le trésor qu’apporta la merveilleuse Année,
Fanfare du clairon, murmure de la flûte,
Contradictoire écho de la défunte Année,
Cantate du triomphe ou rumeur de la lutte.

Et chaque Aurore avec ses gloires et ses hontes !
Les heures une à une et leur folle aventure
S’en viennent, lent troupeau, jusqu’à moi qui les compte
À mesure qu’elles sont là, à l’aventure
Comme un dénombrement de brebis pour la tonte.

Voici le lourd butin que coupe aux plants des vignes
La Serpe d’or rouge du sang de la vendange,
Et dans l’amphore emplie à la faveur des signes,
Par qui coule en rubis le cru de la vendange,
Avons-nous bu l’extase et des ivresses dignes ?

Voici le flot des blés au creux des plaines blondes,
Houles qui bercèrent mon âme enorgueillie
Au rythme renaissant dont se meuvent leurs ondes,
Et le Pain qui chargea ma table enorgueillie
Où s’assit le retour de mes Faims vagabondes.


Voici les épaves d’une flore vivace
De perles, d’escarboucles et de pierreries
Qui surnage et jonche d’écumes la surface
Des vagues dont l’éclat fulgure en pierreries
Aux splendeurs d’un soleil bu par la mer vorace......

La Vendange fut nulle et la tonte inutile
Et le Pain s’est émietté comme une cendre,
Et l’écrin dont le flot se fleurit et rutile
Disparaît en la nuit de doutes et de cendres,
Où s’est ployé l’essor de mon Rêve futile.

Et mon année et son vain œuvre et sa folie
Ne fut qu’un rêve d’or, de mensonges et d’ombre
Que raille le sourire étrange de la Vie,
Et la mort de ce soir sourit jusques en l’ombre
D’où jaillira l’Aube nouvelle et sa survie…